La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/07/2004 | FRANCE | N°03DA00817

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation a 3, 08 juillet 2004, 03DA00817


Vu la requête, enregistrée le 4 août 2003 au greffe de la cour administrative d'appel de Douai, présentée pour La Voix du Nord, dont le siège est 8, place du Général de Gaulle à Lille Cedex (59023), par Me Doussot, avocat ; La Voix du Nord demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 03-666 en date du 1er juillet 2003 par lequel le tribunal administratif de Lille a annulé la décision en date du 12 décembre 2002 par laquelle le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité a autorisé la société La Voix du Nord à licencier M. Frédéric X ;
r> 2°) de condamner M. Frédéric X à lui verser une somme de 3 000 euros en applic...

Vu la requête, enregistrée le 4 août 2003 au greffe de la cour administrative d'appel de Douai, présentée pour La Voix du Nord, dont le siège est 8, place du Général de Gaulle à Lille Cedex (59023), par Me Doussot, avocat ; La Voix du Nord demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 03-666 en date du 1er juillet 2003 par lequel le tribunal administratif de Lille a annulé la décision en date du 12 décembre 2002 par laquelle le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité a autorisé la société La Voix du Nord à licencier M. Frédéric X ;

2°) de condamner M. Frédéric X à lui verser une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Code C Classement CNIJ : 66-07-01-04-03-01

Elle soutient que le tribunal administratif s'est uniquement fondé sur le moyen qu'il a soulevé d'office sans étudier les éléments de fond qu'elle a développés et sans communiquer aux parties le mémoire qu'elle avait déposé avant la clôture de l'instruction, portant ainsi atteinte aux droits de la défense ; que la décision rendue sur recours hiérarchique est régulièrement intervenue dans le délai de quatre mois suivant la réception de ce recours ; que la décision du ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité est suffisamment motivée ; que M. X n'a exercé aucun recours devant le conseil des prud'hommes visant à contester le licenciement pour motif économique qui lui a été notifié ; que M. X ne saurait nier les difficultés économiques rencontrées par l'entreprise qui a voulu améliorer sa compétitivité en changeant son système d'organisation commerciale et le système de rémunération ; qu'elle a satisfait à l'obligation de reclassement qui lui incombait ; que M. X n'est pas fondé à soutenir qu'il aurait fait l'objet d'une tentative d'isolement alors qu'il a lui-même refusé la réorganisation de l'entreprise et a, par ses démarches, empêché le travail de ses collègues ; que, compte tenu des changements intervenus au sein de l'entreprise, elle ne pouvait proposer à M. X un poste identique à celui qu'il occupait avant avril 2002 ; que la décision de la cour d'appel de Douai du 31 janvier 2003 ordonnant la réintégration de l'intéressé n'a pas l'autorité de la chose jugée ; que l'acceptation par l'intéressé d'un congé de reclassement démontre que ce dernier ne souhaite plus rester au sein de l'entreprise ; que la réintégration de M. X obligerait ce dernier à restituer les indemnités qu'il a perçues ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les mémoires en défense, enregistrés le 22 octobre 2003 et le 27 octobre 2003, présentés pour M. Frédéric X, par Me Mario Califano, avocat ; il conclut au rejet de la requête et à la condamnation de La Voix du Nord à lui verser une somme de 1 525 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; il soutient que le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité a retiré la décision de refus de l'inspecteur du travail au-delà du délai qui lui était imparti ; que la décision du ministre autorisant son licenciement est dépourvue de motivation ; que le licenciement n'est pas justifié en l'absence de toute difficulté d'ordre économique ou de nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise et secteur d'activité du groupe auquel appartient l'entreprise ; que le ministre s'est refusé à procéder à un examen concret de la situation économique de l'entreprise ; que son reclassement n'a pas été assuré ; que la mesure de licenciement n'est pas dépourvue de lien avec les mandats détenus ; qu'il n'a jamais été reclassé au sein de l'entreprise ;

Vu le mémoire en intervention, enregistré le 28 octobre 2003, présenté par le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité qui conclut à l'annulation du jugement attaqué ; il soutient que la décision de l'inspecteur du travail pouvait être retirée au-delà du délai de quatre mois ; que le jugement a omis de viser, d'analyser et de répondre à ses observations en défense ; que le motif économique peut être reconnu ; que la liste des emplois vacants dans l'entreprise a été présentée aux salariés licenciables qui se sont vu refuser les postes demandés au motif que leur comportement professionnel dans l'entreprise avait été critiquable ; que le caractère discriminatoire de la mesure de licenciement n'est pas établi ;

Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 5 décembre 2003, présenté pour La Voix du Nord qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 8 janvier 2004, présenté pour M. Frédéric X qui conclut aux mêmes fins par les mêmes motifs ;

Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 4 février 2004, présenté pour La Voix du Nord qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 3 mars 2004, présenté pour M. Frédéric X qui conclut aux mêmes fins par les mêmes motifs ;

Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 17 mars 2004, présenté pour La Voix du Nord qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens ;

Vu la note en délibéré, présentée le 25 juin 2004 pour la société La Voix du Nord, par

Me Doussot, avocat, par fax et confirmée le 28 juin 2004 ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 29 juin 2004, présentée pour M. Frédéric X, par Me Ducrocq, avocat ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 juin 2004 où siégeaient

M. Merloz, président de chambre, Mme Merlin-Desmartis, président-assesseur et M. Quinette, premier conseiller :

- le rapport de M. Quinette, premier conseiller,

- les observations de Me Demazières, avocat, pour La Voix du Nord, et de

Me Ducrocq, avocat, pour M. Frédéric X,

- et les conclusions de M. Yeznikian, commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le mémoire en défense produit par la société La Voix du Nord, enregistré au greffe du tribunal administratif de Lille le 27 mai 2003, n'a pas été communiqué à M. Frédéric X ; qu'ainsi le tribunal administratif a méconnu le principe du caractère contradictoire de la procédure ; que cette irrégularité entache, en l'espèce, le jugement attaqué qui doit, dès lors, être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. Frédéric X devant le tribunal administratif de Lille ;

Sur la légalité de la décision ministérielle attaquée :

Considérant qu'en vertu des dispositions des articles L. 425-1 et L.436-1 du code du travail, applicables aux délégués du personnel, il appartient à l'autorité administrative compétente de vérifier que le motif invoqué par l'employeur à l'appui d'une demande d'autorisation de licenciement constitue un motif économique d'ordre conjoncturel ou structurel pouvant servir de base au licenciement du salarié, et d'examiner les possibilités de reclassement qui lui sont offertes ; que, pour apprécier les possibilités de reclassement, l'autorité administrative, saisie d'une demande de licenciement pour motif économique par une société appartenant à un groupe, ne peut se borner à prendre en considération la seule situation de la société où se trouve l'emploi du salarié ainsi protégé concerné par le licenciement ; qu'elle est tenue, dans le cas où cette dernière relève d'un groupe, et pour ceux des salariés qui ont manifesté à sa demande leur intérêt de principe pour un reclassement à l'étranger, de faire porter son examen sur les possibilités de reclassement pouvant exister dans les sociétés du groupe, y compris celles ayant leur siège à l'étranger, dont les activités ou l'organisation offrent à l'intéressé, compte tenu de ses compétences et de la législation du pays d'accueil, la possibilité d'exercer des fonctions comparables ;

Considérant qu'à l'appui de sa demande tendant à l'annulation de l'autorisation ministérielle en date du 12 décembre 2002, M. Frédéric X a invoqué dans le délai de recours contentieux des moyens de légalité interne ; que, contrairement à ce qu'a prétendu la société La Voix du Nord, ces moyens sont, par suite, recevables ;

Considérant qu'au cours de l'année 2001, la société La Voix du Nord a entrepris la restructuration du service commercial au sein de l'entreprise La Voix du Nord ; que cette restructuration s'est notamment traduite par une redéfinition des missions des salariés de ce service et s'est accompagnée d'un nouveau mode de rémunération de ces derniers ; que la demande d'autorisation de licencier M. Frédéric X, délégué du personnel suppléant au sein de l'entreprise La Voix du Nord, repose sur le refus de ce salarié d'accepter ce nouveau mode de rémunération qui emportait modification substantielle de son contrat de travail ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que, pour juger du caractère sérieux des offres de reclassement proposées à M. X, le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité ait pris en compte la situation globale du groupe auquel appartient la société La Voix du Nord pour vérifier l'impossibilité de reclasser M. X dans un emploi équivalent à celui qu'il occupait ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la décision en date du 12 décembre 2002, par laquelle le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité a autorisé la société La Voix du Nord à licencier M. Frédéric X, doit être annulée ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. Frédéric X qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à la société La Voix du Nord la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de condamner La Voix du Nord à payer à M. Frédéric X la somme de 1 525 euros qu'il demande au titre des frais qu'il a exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lille du 1er juillet 2003 est annulé.

Article 2 : La décision en date du 12 décembre 2002 par laquelle le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité a autorisé la société La Voix du Nord à licencier M. Frédéric X est annulée.

Article 3 : La société La Voix du Nord versera à M. Frédéric X une somme de

1 525 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société La Voix du Nord, à M. Frédéric X et au ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale.

Copie sera transmise au préfet du Nord.

Délibéré à l'issue de l'audience publique du 24 juin 2004 dans la même composition que celle visée ci-dessus.

Prononcé en audience publique le 8 juillet 2004.

Le rapporteur

Signé : J. Quinette

Le président de chambre

Signé : G. Merloz

Le greffier

Signé : B. Robert

La République mande et ordonne au ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le greffier

Bénédicte Robert

7

N°03DA00817


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 03DA00817
Date de la décision : 08/07/2004
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Merloz
Rapporteur ?: M. Jean Quinette
Rapporteur public ?: M. Yeznikian
Avocat(s) : ASSOCIATION D'AVOCATS JOSEPH-TILLIE-CALIFANO-FARJOT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2004-07-08;03da00817 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award