La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/07/2004 | FRANCE | N°00DA00944

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation a 3, 29 juillet 2004, 00DA00944


Vu le recours, enregistré le 11 août 2000 au greffe de la cour administrative d'appel de Douai, formé par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ; le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie demande à la Cour d'annuler le jugement n° 98-2629 du 15 juin 2000 par lequel le tribunal administratif de Lille a déchargé Mme Gisèle Y de l'obligation de payer la somme de 48 400 francs résultant du commandement de payer décerné à son encontre le 7 avril 1998 par le trésorier de Roubaix-est pour le recouvrement des cotisations à l'impôt sur les sociétés

auxquelles la société anonyme à responsabilité limitée Simatex a ...

Vu le recours, enregistré le 11 août 2000 au greffe de la cour administrative d'appel de Douai, formé par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ; le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie demande à la Cour d'annuler le jugement n° 98-2629 du 15 juin 2000 par lequel le tribunal administratif de Lille a déchargé Mme Gisèle Y de l'obligation de payer la somme de 48 400 francs résultant du commandement de payer décerné à son encontre le 7 avril 1998 par le trésorier de Roubaix-est pour le recouvrement des cotisations à l'impôt sur les sociétés auxquelles la société anonyme à responsabilité limitée Simatex a été assujettie au titre de l'année 1984 et a condamné l'Etat à verser à Mme Y la somme de

5 000 francs au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Il soutient qu'à la date du commandement du payer notifié le 8 avril 1998, l'action en recouvrement n'était pas prescrite ; que les actes suivants ont en effet interrompu la prescription : une demande de délai de paiement adressée par la société Simatex le 7 septembre 1992, la saisie-exécution notifiée le 16 septembre 1992 à ladite société qui a bien été diligentée pour l'impôt sur les sociétés de 1984 mis en recouvrement le 31 décembre 1988 ; que l'ouverture de la procédure collective le 11 février 1993 à l'encontre de la société a suspendu la prescription et la déclaration le 26 mars 1993 de l'impôt sur les sociétés de 1984 auprès du représentant des créanciers a interrompu la prescription jusqu'au 13 septembre 1994 date du jugement de clôture pour insuffisance d'actif ; que c'est à compter du 14 septembre 1994 que le délai de quatre ans a commencé à courir et à la date du 8 avril 1998 ce délai n'était pas expiré ;

Code C Classement CNIJ : 19-01-05-01-005

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 11 décembre 2000, présenté pour Mme Gisèle Y, demeurant ..., par Me Marc Desurmont, membre de l'association Despieghelaere-Desurmont-Brazier ; Mme Y conclut au rejet du recours et demande à la Cour de condamner l'Etat à lui verser la somme de 5 000 francs au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ; elle soutient que la créance litigieuse du Trésor public était éteinte ; qu'en effet, la somme de

119 873 francs mise en recouvrement le 31 décembre 1988 était soldée par les acomptes versés et par les dégrèvements prononcés les 26 et 27 décembre 1990 ; que l'imputation effectuée par le Trésor public est contraire aux principes des articles 1253 et 1256 du code civil ainsi qu'aux demandes expresses, antérieures formulées les 2 septembre 1987, 5 janvier 1989 et

12 novembre 1991, la dernière date étant postérieure aux crédits à imputer ; que, s'agissant de la prescription, la saisie-exécution du 16 septembre 1992, ainsi que l'a estimé le tribunal administratif, n'a pas d'effet interruptif ; qu'aucun acte interruptif n'a été accompli à l'encontre de Mme Y dans les quatre ans suivant la déclaration de créances du Trésor public du 23 mars 1993 ; que s'agissant de la mise en cause de la requérante en sa qualité de caution, le droit de poursuites du Trésor public n'a jamais été suspendu par l'effet de la procédure de liquidation judiciaire ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 17 décembre 2001, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie qui maintient les conclusions du recours par les mêmes moyens ; il soutient, en outre, que les courriers de 1987 et 1989 antérieurs aux dégrèvements ne peuvent servir à contester l'imputation des sommes résultant de ces dégrèvements au regard de l'impôt sur les sociétés de l'année 1984 ; que la lettre du 7 septembre 1992 ne conteste pas l'imputation des sommes dégrevées en 1990 ; qu'au regard des articles 1253 et 1256 du code civil, la cotisation d'impôt sur les sociétés de 1984 ne peut pas être regardée comme soldée ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 juin 2004 où siégeaient

M. Gipoulon, président de chambre, Mme Brin, président-assesseur et M. Soyez, premier conseiller :

- le rapport de Mme Brin, président-assesseur,

- et les conclusions de M. Paganel, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 274 du livre des procédures fiscales : Les comptables du Trésor qui n'ont fait aucune poursuite contre un contribuable retardataire pendant quatre années consécutives à partir du jour de la mise en recouvrement du rôle, perdent leur recours et sont déchus de tous droits et de toute action contre ce redevable. Le délai de quatre ans mentionné au premier alinéa, par lequel se prescrit l'action en vue du recouvrement, est interrompu par tous actes comportant reconnaissance de la part des contribuables, et par tous autres actes interruptifs de la prescription. ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par un engagement de caution du

9 mars 1989, dont la validité a été reconnue par un arrêt de la cour d'appel de Douai du

2 février 1998, Mme Y, et M. X son époux, décédé le 11 octobre 1993, ont déclaré garantir le paiement de la somme de 71 500 francs correspondant aux cotisations de l'impôt sur les sociétés au titre de l'année 1984, mises en recouvrement le 31 décembre 1988, et demeurant à la charge de la société à responsabilité limitée Simatex, dont M. X était le gérant ; qu'en date du 7 avril 1998, le comptable chargé du recouvrement de cette imposition a décerné à l'encontre de Mme Y, veuve X, un commandement de payer une somme de 48 400 francs restant à devoir sur celle de 71 500 francs susmentionnée ;

Considérant, d'une part, que le commandement de payer en date du 10 août 1990, qui mentionne ladite somme de 71 500 francs plus celle de 2 145 francs correspondant au coût de l'acte, soit au total 73 645 francs, régulièrement notifié le 13 suivant à la société Simatex, constitue le point de départ du délai de prescription de quatre ans prévu par l'article L. 274 du livre des procédures fiscales précité ; que, si le procès-verbal de saisie-exécution signifié à ladite société le 16 septembre 1992 indique impôt sociétés 88 et comporte une somme globale de 97 333 francs, il fait référence à l'état de poursuites par voie de saisie établi par le trésorier de Roubaix-est, dont ne disposait pas le tribunal administratif, duquel il résulte que ladite somme comprend celle de 73 645 francs correspondant à l'impôt sur les sociétés 1984 ( fiche 88 ) et mentionne le commandement du 13 août 1990, comme le précise d'ailleurs le procès-verbal de saisie-exécution ; que, dans ces conditions, ce dernier acte doit être regardé comme ayant interrompu le délai de la prescription de l'action en recouvrement de l'administration, qui avait commencé à courir le 13 août 1990, et ouvert à cette dernière un nouveau délai de quatre ans pour diligenter des poursuites ;

Considérant, d'autre part, que la période supplémentaire de quatre ans ayant commencé à courir à compter de ce dernier acte de poursuite, n'était pas achevée, ainsi que le fait valoir l'administration pour la première fois en appel, à la date du 26 mars 1993 à laquelle le comptable du Trésor a déclaré ses créances au passif de la société Simatex qui faisait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire dont la clôture des opérations pour insuffisance d'actif a été prononcée par jugement du 13 septembre 1994 ; que la déclaration de ses créances par le comptable du Trésor auprès du liquidateur judiciaire a interrompu le délai de quatre ans par lequel se prescrit l'action en recouvrement et que cet effet interruptif s'est prolongé jusqu'au 13 septembre 1994, date de la clôture de la procédure collective durant laquelle, en vertu des dispositions de l'article 47 de la loi du 25 janvier 1985 sur le redressement et la liquidation judiciaire, le droit de poursuite individuelle des créanciers était suspendu, alors même que, sur le fondement des dispositions de l'article 161 de la même loi, les créanciers privilégiés ont la faculté d'exercer à nouveau ce droit, dès lors qu'ils ont déclaré leurs créances et que le liquidateur n'a pas entrepris la liquidation des biens grevés dans les trois mois du jugement d'ouverture de la procédure, et qu'en l'espèce le trésorier de Roubaix-est s'est abstenu d'user de cette faculté ; que ce dernier, par suite, a disposé, à compter du 13 septembre 1994, afin de poursuivre le recouvrement des créances litigieuses, d'un nouveau délai de quatre ans, qui n'était pas expiré à la date du 7 avril 1998 lorsqu'il a décerné à l'encontre de Mme Y, à laquelle en sa qualité de caution solidaire de la société Simatex l'interruption de la prescription susdécrite est opposable, en vertu des articles 1206 et 2025 du code civil, le commandement de payer la somme de 48 400 francs ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, au motif que l'action en recouvrement était prescrite à la date du 7 avril 1998, a déchargé Mme Y de l'obligation de payer la somme de 48 400 francs résultant du commandement de payer décerné à son encontre à ladite date du 7 avril 1998 pour le recouvrement des cotisations à l'impôt sur les sociétés auxquelles la société Simatex a été assujettie au titre de l'année 1984 ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour administrative d'appel saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen soulevé par

Mme Y devant le tribunal administratif de Lille ;

Sur la quotité de la dette :

Considérant que Mme Y prétend que la dette fiscale correspondant aux cotisations à l'impôt sur les sociétés dues au titre de l'année 1984 serait soldée en raison des acomptes payés et des dégrèvements décidés les 26 et 27 décembre 1990 en se fondant sur les articles 1253 et 1256 du code civil selon lesquels les paiements effectués sont imputés sur la dette fiscale la plus ancienne ; que, toutefois, il ressort du tableau de situation de la société Simatex établi par le trésorier de Roubaix-est en date du 22 novembre 1991 que, contrairement à ce que soutient

Mme Y, ce ne sont pas les acomptes payés à cette date qui ont été imputés sur l'impôt sur les sociétés 1985 et1988 mais les dégrèvements décidés les 26 et 27 décembre 1990 après que l'administration eut procédé à la compensation comme le lui permet l'article L. 203 du livre des procédures fiscales ; que c'est d'ailleurs ce qu'il ressort des lettres des 2 septembre 1987,

5 janvier 1989 et 12 novembre 1991 envoyées par le conseil de la société au comptable du Trésor qui ne contenaient qu'une demande de compensation sur le fondement de l'article L. 80 du même livre ; que, par suite, Mme Y n'est pas fondée à soutenir que la créance du Trésor litigieuse serait éteinte ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie est fondé à demander l'annulation du jugement qu'il attaque ;

Sur les conclusions de Mme Y tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que lesdites dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à Mme Y la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 98-2629 du tribunal administratif de Lille en date du 15 juin 2000 est annulé.

Article 2 : La demande de Mme Y est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de Mme Y tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et à Mme Gisèle Y.

Délibéré à l'issue de l'audience publique du 29 juin 2004 dans la même composition que celle visée ci-dessus.

Prononcé en audience publique le 29 juillet 2004.

Le rapporteur

Signé : D. Brin

Le président de chambre

Signé : J.P. Gipoulon

Le greffier

Signé : G. Vandenberghe

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

Le greffier

Guillaume Vandenberghe

N°00DA00944 6


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 00DA00944
Date de la décision : 29/07/2004
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Gipoulon
Rapporteur ?: Mme Dominique Brin
Rapporteur public ?: M. Paganel
Avocat(s) : SCP AVOCATS DU NOUVEAU SIECLE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2004-07-29;00da00944 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award