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29/07/2004 | FRANCE | N°00DA01005

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation a 3, 29 juillet 2004, 00DA01005


Vu la requête, enregistrée le 25 août 2000 au greffe de la cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. et Mme Philippe X demeurant ..., par Me J.P. Lemaire, avocat ; M. et Mme X demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 99-3829 du 15 juin 2000 par lequel le tribunal administratif de Lille a décidé, d'une part, que la juridiction administrative est incompétente pour statuer sur leur demande en ce qui concerne le litige concernant la mise en oeuvre des poursuites à leur égard en application des articles 1857 et 1858 du code civil, d'autre part, a rejeté

le surplus de leur demande tendant à la décharge de l'obligation de...

Vu la requête, enregistrée le 25 août 2000 au greffe de la cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. et Mme Philippe X demeurant ..., par Me J.P. Lemaire, avocat ; M. et Mme X demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 99-3829 du 15 juin 2000 par lequel le tribunal administratif de Lille a décidé, d'une part, que la juridiction administrative est incompétente pour statuer sur leur demande en ce qui concerne le litige concernant la mise en oeuvre des poursuites à leur égard en application des articles 1857 et 1858 du code civil, d'autre part, a rejeté le surplus de leur demande tendant à la décharge de l'obligation de payer une somme de 17 067 francs résultant de deux mises en demeure valant commandement de payer en date du 4 mai 1999 au titre de la taxe sur la valeur ajoutée due par la société civile immobilière Les Abattoirs ;

2°) de prononcer la décharge de l'obligation de payer ladite somme de 17 067 francs ;

3°) de condamner l'Etat à leur verser la somme de 10 000 francs au titre de l'article

L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Code C Classement CNIJ : 19-01-05-01-01

54-07-01-09

Ils soutiennent que la juridiction administrative est compétente pour statuer sur le litige en vertu de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales ; qu'en effet, la contestation soulevée porte sur l'exigibilité de la dette, la société civile immobilière Les Abattoirs étant seule débitrice des sommes réclamées ; que la créance de taxe sur la valeur ajoutée litigieuse n'étant pas irrécouvrable, l'administration ne pouvait se prévaloir des dispositions des articles 1857 et 1858 du code civil pour actionner directement les associés de ladite société en leur nom personnel ; que c'est à tort que le jugement a estimé que le moyen tiré de ce qu'une action aurait été entreprise auprès du juge de l'exécution ne saurait être examiné par le juge de l'impôt ; qu'à la date de l'envoi de l'avis à tiers détenteur, le 7 août 1997, les opérations de liquidation n'étaient pas terminées ; que, dès lors, l'administration ne pouvait en déduire que l'actif social de la société était insuffisant pour désintéresser les créanciers ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 20 mars 2002, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ; le ministre demande à la Cour, à titre principal, de décider que la demande de M. et Mme X n'est pas recevable, à titre subsidiaire, de renvoyer l'affaire devant le tribunal de grande instance de Valenciennes pour qu'il y soit statué sur le bien-fondé de la mise en cause de M. et Mme X en application de l'article 1858 du code civil, à défaut, de rejeter la requête ; il soutient que, contrairement à ce que prescrivent les articles R. 281-1 et R. 281-5 du livre des procédures fiscales, la demande des requérants n'était assortie d'aucune pièce justificative ; que, par suite, elle est irrecevable ; qu'au demeurant, le juge administratif n'est pas compétent pour annuler un acte de poursuites ; que, si la requête est regardée comme recevable, la demande de M. et Mme X soulève une question préjudicielle relative à la condition préalable à la mise en cause de la responsabilité des associés de société civile immobilière, c'est-à-dire la preuve de la vanité des poursuites exercées préalablement à l'encontre de la société civile immobilière Les Abattoirs ; à titre subsidiaire, qu'il est incontestable que lesdites poursuites étaient vaines ; que la vanité des poursuites ne nécessite pas la clôture de la procédure collective ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 juin 2004 où siégeaient

M. Gipoulon, président de chambre, Mme Brin, président-assesseur, et M. Soyez, premier conseiller :

- le rapport de Mme Brin, président-assesseur,

- et les conclusions de M. Paganel, commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. et Mme X demandent la décharge de l'obligation de payer une somme totale de 17 067 francs résultant de deux mises en demeure valant commandement de payer en date du 4 mai 1999 au titre de la taxe sur la valeur ajoutée due par la société civile immobilière de gestion Les Abattoirs dont ils sont associés ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales : Les contestations relatives au recouvrement des impôts, taxes, redevances et sommes quelconques dont la perception incombe aux comptables publics compétents mentionnés à l'article L. 252 doivent être adressés à l'administration dont dépend le comptable qui exerce les poursuites. Les contestations ne peuvent porter que : 1° soit la régularité en la forme de l'acte ; 2° soit sur l'existence de l'obligation de payer, sur le montant de la dette compte tenu des paiements effectués, sur l'exigibilité de la somme réclamée, ou tout autre motif ne remettant pas en cause l'assiette et le calcul de l'impôt. Les recours contre les décisions prises par l'administration sur ces contestations sont portés, dans le premier cas, devant le juge de l'exécution, dans le second cas, devant le juge de l'impôt tel qu'il est prévu à l'article L. 199. ;

Considérant que, pour contester les mises en demeure litigieuses, M. et Mme X soutiennent que les conditions de leur mise en cause en qualité d'associés de la société civile immobilière Les Abattoirs en vertu des articles 1857 et 1858 du code civil ne seraient pas remplies au motif que seule cette société est débitrice de la taxe sur la valeur ajoutée dont le recouvrement est recherché alors que les poursuites avaient été préalablement exercées vainement à l'encontre de la société civile immobilière Les Abattoirs ; qu'un tel litige porte non sur les modalités de mise en oeuvre des poursuites mais sur l'existence de l'obligation de payer les sommes réclamées ; que la contestation des requérants relève, compte tenu de la nature des impositions, de la compétence du juge administratif ; que, par suite, M. et Mme X sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille s'est déclaré incompétent pour statuer sur les conclusions de leur demande en ce qui concerne le litige concernant la mise en oeuvre des poursuites à leur égard en application des articles 1857 et 1858 du code civil ; que ce jugement doit, dès lors, être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. et Mme X devant le tribunal administratif de Lille ;

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 281-1 du livre des procédures fiscales : Les contestations relatives au recouvrement prévues par l'article L. 281 peuvent être formulées par le redevable lui-même ou la personne solidaire. Elles font l'objet d'une demande qui doit être adressée, appuyée de toutes les justifications utiles, en premier lieu, au chef du service (...) le chef de service compétent est : b) le directeur des services fiscaux si le recouvrement incombe à un comptable de la direction générale des impôts... ; que l'article

R. 281-5 dudit livre dispose : Le juge se prononce exclusivement au vu des justifications qui ont été présentées au chef de service. Les redevables qui l'ont saisi ne peuvent ni lui soumettre des pièces justificatives autres que celles qu'ils ont déjà produites à l'appui de leurs mémoires, ni invoquer des faits autres que ceux exposés dans ces mémoires. ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. et Mme X, à la suite des mises en demeure susmentionnées, ont indiqué dans leur contestation du 20 mai 1999 adressée au chef du service qu'une action avait été entreprise par la société civile immobilière Les Abattoirs devant le juge de l'exécution ; qu'à l'appui de ce moyen ils ont produit devant le tribunal administratif de Lille comme pièce justificative la copie d'un jugement du tribunal de grande instance de Lille qui avait été saisi le 23 juillet 1998 d'une action du liquidateur de ladite société contre la Société Générale pour la restitution de loyers ; que cette pièce ayant été produite sans avoir été soumise préalablement au chef de service, M. et Mme X ne sont pas recevables, en vertu de l'articleR. 281-5 du livre des procédures fiscales précité, à présenter directement devant le juge la circonstance de fait susrappelée ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 282 du livre des procédures fiscales : Lorsqu'une tierce personne, mise en cause en vertu de dispositions autres que celles du code général des impôts, conteste son obligation d'acquitter la dette, le tribunal administratif, lorsqu'il est compétent, attend pour statuer que la juridiction civile ait tranché la question de l'obligation et, qu'aux termes de l'article R. 282-1 du même livre : Lorsque, dans une contestation relative au recouvrement, une tierce personne mise en cause dans les conditions prévues à l'article L. 282, conteste son obligation d'acquitter la dette, la juridiction civile appelée à trancher la question de l'obligation doit être saisie de la contestation dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision de sursis à statuer du tribunal administratif ;

Considérant que la mise en cause de M. et Mme X par le receveur divisionnaire des impôts de Valenciennes sud-ouest n'a pas pour fondement, s'agissant d'une dette de taxe sur la valeur ajoutée, une disposition du code général des impôts mais les dispositions du code civil en vertu desquelles les associés, à l'égard des tiers, répondent indéfiniment des dettes sociales à proportion de leur part dans le capital social à la date de l'exigibilité ou au jour de la cessation des paiements et selon lesquelles les créanciers ne peuvent poursuivre le paiement des dettes sociales contre un associé qu'après avoir préalablement et vainement poursuivi la personne morale ; que, par suite, en application des dispositions précitées de l'article L. 282 du livre des procédures fiscales, il y a lieu de surseoir à statuer sur la contestation de M. et Mme X jusqu'à ce que la juridiction civile, qui devra être saisie par eux dans le délai fixé à l'article

R. 282-1 précité du livre des procédures fiscales, ait tranché, au regard des dispositions des articles 1857 et 1858 du code civil, la question de l'obligation de M. et Mme X de payer la dette de taxe sur la valeur ajoutée dont s'agit ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'en application desdites dispositions, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de M. et Mme X tendant au remboursement des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 99-3829 en date du 15 juin 2000 du tribunal administratif de Lille est annulé.

Article 2 : Il est sursis à statuer sur la demande de M. et Mme X jusqu'à ce que l'autorité judiciaire se soit prononcée sur la question de savoir si à la date de l'émission des mises en demeure valant commandement de payer, soit le

4 mai 1999, les conditions de leur mise en cause en leur qualité d'associés de la société civile immobilière Les Abattoirs étaient réunies, c'est-à-dire si les poursuites préalables exercées à l'encontre de cette société étaient vaines.

Article 3 : M. et Mme X devront justifier, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, de la saisine de la juridiction compétente dans un délai de deux mois à compter de la même date.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme X est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme X et au ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Copie sera transmise au directeur de contrôle fiscal Nord.

Délibéré à l'issue de l'audience publique du 29 juin 2004 dans la même composition que celle visée ci-dessus.

Prononcé en audience publique le 29 juillet 2004.

Le rapporteur

Signé : D. Brin

Le président de chambre

Signé : J.P. Gipoulon

Le greffier

Signé : G. Vandenberghe

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

Le greffier

Guillaume Vandenberghe

N°00DA01005 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 00DA01005
Date de la décision : 29/07/2004
Sens de l'arrêt : Avant dire-droit
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Gipoulon
Rapporteur ?: Mme Dominique Brin
Rapporteur public ?: M. Paganel
Avocat(s) : LEMAIRE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2004-07-29;00da01005 ?
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