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12/10/2004 | FRANCE | N°01DA00240

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation a 3 (bis), 12 octobre 2004, 01DA00240


Vu le recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE, enregistré le 2 mars 2001 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 98-176 en date du 9 novembre 2000 par lequel le Tribunal administratif de Lille a déchargé la société anonyme Financière Agache des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices 1987 et 1988, mises en recouvrement le 30 novembre 1992, ainsi que des in

térêts de retard afférents ;

2°) de remettre intégralement les cotis...

Vu le recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE, enregistré le 2 mars 2001 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 98-176 en date du 9 novembre 2000 par lequel le Tribunal administratif de Lille a déchargé la société anonyme Financière Agache des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices 1987 et 1988, mises en recouvrement le 30 novembre 1992, ainsi que des intérêts de retard afférents ;

2°) de remettre intégralement les cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés à la charge de la société anonyme Financière Agache ;

Il soutient que la société anonyme Financière Agache a minoré son actif en n'enregistrant pas ses créances sur la société Images et sur MM X et Y, alors qu'elle avait acquitté la quote-part de dommages et intérêts auxquels ils avaient été condamnés solidairement par le Tribunal de commerce de Paris pour concurrence déloyale à l'encontre de la société Z ; qu'elle n'a pas constitué de provision à cet effet ; que cette prise en charge constitue une libéralité en faveur de tiers, alors que seule la société en nom collectif Y a bénéficié de cet acte de concurrence déloyale ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 16 mai 2001, présenté pour la société anonyme Financière Agache, par Me Menu et Me Crepin-Semeria ; la société anonyme Financière Agache demande à la Cour de rejeter le recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE, de lui accorder sur le fondement des dispositions de l'article L. 761.1 du code de justice administrative la somme de 50 000 francs et d'ordonner la production de revenus et des bénéfices de la société Images et de MM X et Y en 1988 ; à cette fin, elle soutient qu'elle ne détenait aucune créance sur la société Images et MM X et Y, en raison d'un accord préalable, mettant à sa charge une condamnation dont elle pouvait, le cas échéant, faire l'objet avec ses codébiteurs ; qu'à titre subsidiaire, le service a commis une erreur sur le montant du redressement au regard de sa responsabilité prépondérante dans le préjudice causé au groupe Z et de l'insolvabilité de ses codébiteurs ; qu'en tout état de cause, le groupe Agache dont elle fait partie avait intérêt à s'assurer la prise en charge de la quote-part de l'indemnité due par ses codébiteurs, à s'assurer la collaboration de l'équipe de

M. Christian Y et maintenir l'entente avec ces nouveaux partenaires ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 21 septembre 2004, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE reprend les conclusions de son recours et les mêmes moyens ; il soutient, en outre, qu'il appartient à la société anonyme Financière Agache de démontrer l'insolvabilité de ses codébiteurs et sa part prépondérante dans le préjudice causé au groupe Z ;

Vu le nouveau mémoire en défense, enregistré le 23 septembre 2004, présenté pour la société anonyme Financière Agache, par Me Menu et Me Crepin-Semeria ; la société anonyme Financière Agache demande à la Cour de rejeter le recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; à cette fin, elle fait valoir que le Tribunal de commerce de Paris n'a pas retenu un délit de détournement de clientèle ; que le service n'avait pas qualité pour départager les responsabilités des parties dans l'acte délictuel commis à l'encontre du groupe Z ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 septembre 2004 à laquelle siégeaient M. Gipoulon, président de chambre, Mme Signerin-Icre, président-assesseur et

M. Soyez, premier conseiller :

- le rapport de M. Soyez, rapporteur ;

- les observations de Me Menu, pour la société anonyme Financière Agache ;

- et les conclusions de M. Paganel, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 38 du code général des impôts, dont les dispositions sont applicables à l'impôt sur les sociétés en vertu du I de l'article 209 du même code : (l) le bénéfice net 1 est établi sous déduction de toutes charges (...) (2) le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs d'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apports et augmentée des prélèvements effectués au cours de la période par l'exploitant ou ses associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiées ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société anonyme Financière Agache a constitué le 30 janvier 1987 avec ses filiales la société en nom collectif Christian Y, dont elle détenait, en 1988, directement ou indirectement, plus de la moitié du capital ; que, par un échange de lettres en mars et avril 1987, la société anonyme Financière Agache s'est engagée à prendre à sa charge les dommages et intérêts auxquels pourraient s'exposer MM Y et X et la société à responsabilité limitée Images dont ce dernier est gérant, en rompant les liens qui les unissaient à la société en nom collectif Z ; qu'à la suite du recrutement de

MM Y et X dans la nouvelle société en nom collectif Christian Y, la société en nom collectif Z a saisi le Tribunal de commerce de Paris qui, le 18 février 1988, a reconnu leur responsabilité solidaire pour concurrence déloyale, ainsi que celle des sociétés Images et Financière Agache, et leur a infligé, sous réserve de l'évaluation définitive du préjudice, une indemnité provisionnelle de dix millions de francs ; qu'en revanche, le juge du commerce a mis hors de cause la société en nom collectif Christian Y ; qu'à la suite d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices 1986 à 1988, le service a procédé à un redressement de

7 500 000 francs correspondant à ses yeux à la quote-part des trois codébiteurs solidaires de la société anonyme Financière Agache dans l'indemnité que cette société avait réglée en totalité ; que le Tribunal administratif de Lille a déchargé ladite société de ce redressement au motif qu'elle était fondée à déduire de son bénéfice imposable la totalité de cette indemnité ;

Considérant que, compte tenu de la base légale invoquée devant eux, les premiers juges ont du à bon droit ordonner la réduction de la base imposable au titre de l'exercice 1988 de

7 500 000 francs ;

Considérant cependant que l'administration fait valoir en appel que le fondement du redressement, comme cela ressort de la notification de redressement, consiste dans l'absence de comptabilisation en produits à recevoir de la somme de 7 500 000 francs constituant un acte anormal de gestion ; que l'administration doit être regardée dans ces conditions comme invoquant une substitution de base légale ; que celle-ci ne prive le requérant d'aucune garantie dès lors qu'elle reprend la base légale initialement invoquée dans la notification de redressement qui n'a fait l'objet, en tout état de cause, d'aucune demande de convocation de la commission départementale des impôts ;

Considérant, dès lors, que l'administration fiscale est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont accordé la réduction susmentionnée ;

Considérant qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens de la demande ;

Considérant que les requérants, devant les premiers juges, contestaient l'existence d'un acte anormal de gestion ; que, compte tenu du fondement du redressement dans la notification de redressement, ce moyen doit être regardé comme ayant concerné aussi l'abandon de créance ;

Considérant que, s'il appartient à l'administration d'apporter la preuve des faits sur lesquels elle se fonde pour estimer qu'un abandon des créances consenti par une entreprise à un tiers constitue un acte anormal de gestion, elle est réputée apporter cette preuve dès lors que cette entreprise n'est pas en mesure de justifier qu'elle a bénéficié en retour de contreparties ;

Considérant que l'administration fiscale établit l'existence de créances de la société anonyme Financière Agache, qui a réglé l'intégralité de la condamnation, sur ses codébiteurs condamnés à payer solidairement avec elle une indemnité provisionnelle de 10 000 000 francs pour concurrence déloyale ;

Considérant que la société anonyme Financière Agache qui s'était engagée à prendre à sa charge les dommages et intérêts avant la condamnation et qui n'a comptabilisé aucune provision ne peut invoquer pour justifier l'abandon de créance l'insolvabilité de ses codébiteurs ; que, société holding financière, elle n'établit ni n'allègue de lien commercial avec ses codébiteurs ; qu'elle ne fait pas davantage état de participations financières dans la société Images ; que, si elle se prévaut de l'importance de ses participations directes ou indirectes dans la société en nom collectif Christian Y nouvellement créée, elle soutient également à juste titre que la condamnation dont est née la créance en litige ayant été prononcée contre MM Y et X, et non contre la société en nom collectif Christian Y, elle n'était titulaire d'aucune créance sur cette dernière et qu'elle ne peut donc être regardée comme ayant consenti, dans son propre intérêt financier, une aide à cette filiale ; que, dès lors, si la société anonyme Financière Agache invoque l'objectif d'un partenariat exempt de contentieux avec l'équipe de M. Y, qui avait rejoint la société en nom collectif de ce nom, elle n'établit pas pour autant l'avantage qui résulterait pour elle-même de l'abandon de créances ; que, dans ces conditions, c'est à bon droit que le service a considéré qu'elle avait procédé à un acte anormal de gestion ;

Considérant qu'à titre subsidiaire, l'intimée fait valoir qu'en fixant le montant du redressement aux trois quarts de l'indemnité provisionnelle, le service a méconnu sa responsabilité première dans l'acte de concurrence déloyale et au contraire exagéré la part prise par ses codébiteurs solidaires ; que, toutefois, en se bornant à rappeler que le jugement mentionné ci-dessus du tribunal du commerce a retenu la participation active de la société anonyme Financière Agache dans l'acte de concurrence déloyale, elle n'apporte pas d'élément permettant d'apprécier le bien-fondé de ce moyen ; qu'il s'ensuit qu'elle n'est pas fondée à soutenir que les cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie doivent être réduites ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a déchargé la société anonyme Financière Agache des impositions litigieuses, et à demander que lesdites cotisations soient remises à la charge de la contribuable ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à la société anonyme Financière Agache la somme que demande celle-ci au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Lille est annulé.

Article 2 : L'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie est remis à la charge de la Société anonyme Financière Agache.

Article 3 : Les conclusions de la société anonyme Financière Agache sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE et à la société anonyme Financière Agache.

Copie sera transmise au directeur de contrôle fiscal Nord.

Délibéré après l'audience du 28 septembre 2004, à laquelle siégeaient :

- M. Gipoulon, président de chambre,

- Mme Signerin-Icre, président-assesseur,

- M. Soyez, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 12 octobre 2004.

Le rapporteur,

Signé : J.E. SOYEZ

Le président de chambre,

Signé : J.F. GIPOULON

Le greffier,

Signé : G. VANDENBERGHE

2

N°01DA00240


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation a 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 01DA00240
Date de la décision : 12/10/2004
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Gipoulon
Rapporteur ?: M. Jean-Eric Soyez
Rapporteur public ?: M. Paganel
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS FIDAL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2004-10-12;01da00240 ?
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