Vu le recours, enregistré le 3 mars 2003 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présenté pour le MINISTRE DE L'INTÉRIEUR, DE LA SÉCURITÉ INTÉRIEURE ET DES LIBERTÉS LOCALES ; le ministre demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 00-3987 du 28 novembre 2002 par lequel le Tribunal administratif de Lille a condamné l'État à verser à M. et Mme X-Y la somme de
14 889,82 euros en réparation des préjudices qu'ils ont subis du fait du refus opposé par l'administration à leur demande de concours de la force publique à fins d'expulsion d'un occupant sans titre du logement dont ils étaient propriétaires ;
2°) de ramener l'indemnisation que l'État a été condamné à verser à la somme de
7 389,89 euros ;
Il soutient qu'une réparation au titre des troubles rencontrés dans les conditions d'existence est contestable ; que M. X et Mme Y n'ont pas apporté la preuve qu'ils souhaitaient résider dans le logement en question ; que l'immeuble était voué à la démolition ; qu'ils en étaient informés dès l'année 1998 ; qu'ils ont fait preuve de mauvaise foi durant toute la procédure ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai le 13 juillet 2004, présenté pour M. Mohamed X et Mme Odette Y, par
Me Debavelaere, qui concluent au rejet du recours, à la condamnation de l'État à leur verser la somme de 12 500 euros supplémentaires au titre des préjudices subis, soit au total la somme de
27 389,82 euros, et la somme de 2 000 euros au titre des frais qu'ils ont exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens ; ils soutiennent, à titre principal, que le recours est tardif ; à titre subsidiaire, qu'ils n'avaient quitté leur logement que provisoirement pour raisons de santé ; que la preuve de leur volonté de revenir dans un logement est apportée par le congé donné à leur locataire le 16 novembre 1994 ; que la mauvaise foi invoquée est inopérante ; qu'ils ont été contraints de louer un autre logement ; qu'ils n'ont pu se rapprocher de leur famille ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 janvier 2005 à laquelle siégeaient M. Merloz, président de chambre, M. Dupouy, président-assesseur et M. Le Garzic, conseiller :
- le rapport de M. Le Garzic, conseiller ;
- et les conclusions de M. Lepers, commissaire du gouvernement ;
Sur l'appel principal et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir opposée par M. X et Mme Y :
Considérant qu'aux termes de l'article 16 de la loi du 9 juillet 1991 susvisée : L'État est tenu de prêter son concours à l'exécution des jugements et des autres titres exécutoires. Le refus de l'État de prêter son concours ouvre droit à réparation. ;
Considérant que par un jugement en date du 28 novembre 2002 le Tribunal administratif de Lille a condamné l'État à verser à M. et Mme X-Y la somme de 14 889,82 euros en réparation des préjudices qu'ils ont subis du fait de l'occupation de leur logement par un occupant sans titre ; que le MINISTRE DE L'INTÉRIEUR, DE LA SÉCURITÉ INTÉRIEURE ET DES LIBERTÉS LOCALES demande à la Cour de ramener cette somme à 7 389,39 euros ; qu'il soutient que la circonstance que M. et Mme X-Y auraient eu l'intention d'occuper le logement concerné n'est pas établie ; qu'il ressort cependant des pièces du dossier que ceux-ci avaient délivré congé à leur locataire le 16 novembre 1994 afin de reprendre le logement pour y résider eux-mêmes ; que ce congé a d'ailleurs été validé pour ce motif par le Tribunal d'instance de Roubaix le 8 juillet 1996 ; que la circonstance que la commune de Roubaix a ultérieurement engagé une procédure d'expropriation, dont il n'est d'ailleurs pas établi qu'elle est arrivée à son terme, n'aurait pu priver M. et Mme X-Y d'occuper leur logement pendant la période retenue par le tribunal administratif ; que dans ces conditions le MINISTRE DE L'INTÉRIEUR, DE LA SÉCURITÉ INTÉRIEURE ET DES LIBERTÉS LOCALES n'est pas fondé à soutenir que le Tribunal administratif de Lille a fait une évaluation excessive du préjudice subi par
M. et Mme X-Y en le fixant à la somme de 14 889,82 euros ;
Sur l'appel incident :
Considérant que M. X et Mme Y font appel incident et demandent à la Cour de porter la somme de 14 889,82 euros susévoquée à 27 389,82 euros ; qu'en premier lieu, ainsi qu'il a été dit, il ressort des pièces du dossier qu'ils comptaient occuper eux-mêmes leur logement et non le louer à nouveau ; que, dès lors, le jugement attaqué doit être regardé comme ayant indemnisé non une perte de revenus mais la perte de jouissance du logement, qui a eu pour conséquence l'obligation pour M. X et Mme Y d'en louer un autre ; que cependant ils n'établissent pas qu'en retenant le montant des indemnités d'occupation sans titre de leur logement le tribunal administratif a incorrectement apprécié le coût de la location d'un logement présentant les mêmes caractéristiques que le leur ; qu'ils ne sauraient se prévaloir du montant du loyer qu'ils ont effectivement versé, dès lors qu'il n'est pas établi qu'ils occupaient un tel logement ; qu'en second lieu, ils n'établissent pas davantage que le tribunal administratif n'aurait pas correctement évalué les troubles qu'ils ont rencontrés dans leurs conditions d'existence ; que, notamment, ils n'établissent pas l'existence d'un lien direct entre l'impossibilité d'occuper le logement dont ils sont propriétaires et la circonstance qu'ils ne se sont pas rapprochés de leur famille ; qu'il suit de là qu'ils ne sont pas fondés à se prévaloir d'un préjudice direct et certain qui n'aurait déjà été pris en compte par le Tribunal administratif de Lille ;
Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de condamner l'État à verser à M. X et Mme Y une somme au titre des frais qu'ils ont exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le recours du MINISTRE DE L'INTÉRIEUR, DE LA SÉCURITÉ INTÉRIEURE ET DES LIBERTÉS LOCALES est rejeté.
Article 2 : Les conclusions de M. X et Mme Y sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DE L'INTÉRIEUR, DE LA SÉCURITÉ INTÉRIEURE ET DES LIBERTÉS LOCALES, à M. Mohamed X et à
Mme Odette Y.
Copie sera transmise au préfet de la région Nord-Pas-de-Calais, préfet du Nord.
Délibéré après l'audience du 13 janvier 2004, à laquelle siégeaient :
- M. Merloz, président de chambre,
- M. Dupouy, président-assesseur,
- M. Le Garzic, conseiller,
Lu en audience publique, le 27 janvier 2004.
Le rapporteur,
Signé : P. LE GARZIC
Le président de chambre,
Signé : G. MERLOZ
Le greffier,
Signé : B. ROBERT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le Greffier
B. ROBERT
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N°03DA00219