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10/02/2005 | FRANCE | N°02DA00723

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation a 3 (bis), 10 février 2005, 02DA00723


Vu la requête, enregistrée le 8 août 2002 au greffe de la Cour administratif d'appel de Douai, présentée pour la société anonyme BUROTEC, dont le siège est 13 rue Alfred Catet, à Amiens (80000), par la SCP d'avocats Viot-Basilien-Bodin ; la société BUROTEC demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 98-2101 en date du 27 juin 2002 par lequel le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du préfet de la région Picardie en date du 2 juillet 1998, rejetant sa réclamation dirigée contre la décision du

7 avril

1998 en tant qu'elle met à sa charge le versement au Trésor public d'une somme de...

Vu la requête, enregistrée le 8 août 2002 au greffe de la Cour administratif d'appel de Douai, présentée pour la société anonyme BUROTEC, dont le siège est 13 rue Alfred Catet, à Amiens (80000), par la SCP d'avocats Viot-Basilien-Bodin ; la société BUROTEC demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 98-2101 en date du 27 juin 2002 par lequel le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du préfet de la région Picardie en date du 2 juillet 1998, rejetant sa réclamation dirigée contre la décision du

7 avril 1998 en tant qu'elle met à sa charge le versement au Trésor public d'une somme de

1 470 714 francs (224 208,90 euros) ;

2°) d'annuler dans cette mesure la décision du 2 juillet 1998 ;

Elle soutient que la procédure suivie par le service de contrôle de la formation professionnelle a été irrégulière, dès lors que le contrôle a été étendu à une année non mentionnée dans l'avis de contrôle ; que l'erreur purement formelle commise en ce qui concerne la dénomination exacte de la société X ne remet pas en cause la légalité de l'opération de

sous-traitance effectuée avec cet organisme de formation très connu dans le domaine informatique ; que les dépenses de location et d'entretien de deux véhicules affectés au service de la formation, remises en cause par le service de contrôle pour les exercices 1994-1995 et

1995-1996, sont justifiées et doivent être admises ; que le montant des charges communes imputables à la formation continue a été calculé à juste titre par rapport au seul négoce, dont découle l'activité de formation, et non par rapport à l'activité globale de l'entreprise ; que les pratiques de l'entreprise en ce qui concerne l'intéressement de ses vendeurs ne sont pas contraires aux dispositions de l'article L. 920-7 du code du travail interdisant le démarchage relatif aux actions de formation lorsqu'il est rémunéré par une commission ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 12 décembre 2002, présenté par le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité ; le ministre conclut au rejet de la requête ; il soutient qu'à la date du contrôle, aucune disposition réglementaire n'imposait l'envoi d'un avis précisant les années contrôlées, l'article R. 991-2 du code du travail qui prévoyait un tel envoi préalable ayant été abrogé par le décret du 20 juin 1994 ; que la société X n'était pas déclarée comme organisme de formation en février 1995 et qu'aucune déclaration rectificative n'avait été effectuée auprès des services compétents pour signaler un éventuel changement de dénomination ; que la société BUROTEC n'a présenté aucun élément de nature à justifier le montant des dépenses de location et d'entretien de véhicules imputé au service formation ; qu'elle n'a pas suivi de façon distincte en comptabilité l'activité de formation continue, en violation des dispositions de l'article L. 920-8 du code du travail ; que la méthode de calcul des charges communes à imputer sur le service formation, ayant consisté à utiliser une clé de répartition des charges appliquée au seul chiffre d'affaires négoce et non au chiffre d'affaires total, a eu pour effet de surévaluer les charges supportées par le service formation ; que les contrats de travail des commerciaux montrent que ceux-ci bénéficient de commissions sur les commandes de formation obtenues ; que les dépenses correspondant à une telle pratique, constitutive de l'infraction visée à l'article L. 920-7 du code du travail, doivent être rejetées ;

Vu les mémoires en réplique, enregistrés les 25 et 27 octobre 2004, présentés pour la société BUROTEC ; la société BUROTEC conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ; elle soutient en outre qu'il n'est pas établi que M. Y, directeur régional du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle, avait reçu du préfet délégation pour signer la décision litigieuse du 2 juillet 1998 ; qu'il ressort des travaux préparatoires de la loi du

31 décembre 1975 que l'article L. 920-7 du code du travail n'a pas pour objet d'interdire tout démarchage relatif aux actions de formation ;

Vu les mémoires, enregistrés les 26 novembre et 3 décembre 2004, présentés par le ministre de l'emploi et de la solidarité ; le ministre produit l'arrêté préfectoral du

8 septembre 1997 donnant délégation de signature à M. Y et l'extrait du recueil des actes administratifs d'octobre-novembre 1997 concernant la publication de cet arrêté ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 janvier 2005 à laquelle siégeaient M. Merloz, président de chambre, M. Dupouy, président-assesseur et M. Le Garzic, conseiller :

- le rapport de M. Dupouy, président-assesseur ;

- les observations de Me Guey, pour la société BUROTEC ;

- et les conclusions de M. Lepers, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 991-5 du code du travail, les organismes de formation sont tenus de présenter aux agents chargés du contrôle des activités conduites en matière de formation professionnelle les documents et pièces établissant l'origine des fonds reçus et la réalité des dépenses exposées ainsi que la conformité de leur utilisation aux dispositions législatives et réglementaires régissant leur activité ; et qu'aux termes de l'article

L. 920-10 du même code : Lorsque des dépenses faites par le dispensateur de formation pour l'exécution d'une convention du titre II du présent livre ne sont pas admises parce qu'elles ne peuvent, par leur nature, être rattachées à l'exécution d'une convention de formation ou que le prix des prestations est excessif, le dispensateur est tenu, solidairement avec des dirigeants de fait ou de droit, de verser au Trésor public une somme égale au montant de ces dépenses ;

Considérant que, par une décision du 2 juillet 1998, le préfet de la région Picardie a rejeté la réclamation formée par la société BUROTEC, qui exerce à titre principal une activité de vente de matériel informatique et à titre accessoire une activité de formation professionnelle, à l'encontre de la décision du 7 avril 1998 mettant à sa charge le versement au Trésor public d'une somme de 1 501 667 francs (228 927,66 euros), contestée à hauteur de 1 470 714 francs

(224 208,90 euros), correspondant, pour les exercices clos en 1995, 1996 et 1997, à des dépenses regardées comme ne pouvant se rattacher à l'exécution de conventions de formation ; que, par le jugement attaqué du 27 juin 2002, le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté la demande de la société BUROTEC dirigée contre la décision du 2 juillet 1998 ;

Sur la légalité externe :

Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier que la décision litigieuse du

2 juillet 1998 a été signée par M. Y, directeur régional du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle, qui avait reçu du préfet délégation pour ce faire par arrêté du

8 septembre 1997, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la région de Picardie d'octobre-novembre 1997 ; que, dès lors, le moyen tiré de l'absence de preuve de l'existence de cette délégation de signature et de sa publication régulière doit être rejeté ;

Considérant, d'autre part, qu'à la date du contrôle dont a fait l'objet la société BUROTEC, aucune disposition législative ou réglementaire n'imposait à l'administration d'aviser l'organisme dispensateur de formation de l'engagement d'un contrôle à son égard ; qu'ainsi, et en tout état de cause, le moyen tiré de l'irrégularité qui affecterait l'avis de contrôle adressé à la société requérante le 30 septembre 1997 ne peut qu'être écarté ;

Sur la légalité interne :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 920-4 du code du travail : ... Toute personne physique ou morale de droit privé qui entend diriger un organisme de formation ou prendre part à la direction d'un tel organisme en souscrivant des conventions ou des contrats de prestations de service ayant pour objet la formation professionnelle continue doit adresser aux services compétents de l'Etat et de la région une déclaration préalable... Une déclaration rectificative est souscrite en cas de modification d'un ou des éléments de la déclaration initiale ... ; que l'administration a refusé d'admettre une dépense d'un montant de 4 207 francs correspondant au coût d'une action de formation que la société BUROTEC a fait réaliser en février 1995 par la société X au motif que cette dernière société, radiée du registre du commerce et des sociétés en décembre 1981, n'était pas déclarée comme organisme de formation à la date de réalisation de cette prestation ; que, si la société requérante indique que la société X a seulement fait l'objet d'un changement de dénomination et qu'elle poursuit son activité de formation, pour laquelle elle est régulièrement déclarée, sous le nom de société Z, il est constant que cette société n'a pas respecté les obligations déclaratives prévues en cas de modification d'éléments de la déclaration initiale par les dispositions précitées de l'article

L. 920-4 du code du travail ; que, dès lors, la société BUROTEC n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le service de contrôle a estimé non justifiée la dépense correspondant à cette opération de sous-traitance ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 920-8 du code du travail : Les dispensateurs de formation qui ont un statut de droit privé doivent établir, chaque année, un bilan, un compte de résultat et une annexe dans les conditions fixées par décret. Les organismes à activités multiples doivent suivre d'une façon distincte en comptabilité l'activité au titre de la formation professionnelle continue ; qu'il est constant que, en méconnaissance des dispositions précitées, la comptabilité présentée par la société BUROTEC ne permettait pas de distinguer parmi l'ensemble de ses dépenses celles qui se rattachent à son activité de formation continue ; que, lors du contrôle, la société BUROTEC a seulement présenté un document ayant pour objet d'analyser les charges supportées par le service de formation, comprenant des charges spécifiques et une partie des charges générales de l'entreprise ;

Considérant, d'une part, que la société requérante a, sur ce document, affecté au service de formation les dépenses de location et d'entretien de quatre véhicules pour les exercices

1994-1995 et 1995-1996 et les dépenses de deux véhicules pour 1996-1997 alors que le chiffre d'affaires formation était en augmentation sensible au cours de ce dernier exercice ; qu'elle n'apporte, toutefois, aucun élément, notamment sur l'évolution de la répartition entre les actions de formation réalisées dans l'entreprise et celles réalisées chez les clients, de nature à expliquer la variation du nombre de véhicules affectés au service de formation ; que, dès lors, c'est à bon droit que le service de contrôle a regardé comme non justifiées, au titre des exercices 1994-1995 et 1995-1996, les dépenses relatives à la location de deux véhicules sur les quatre que la société a déclaré utiliser pour les besoins de son activité de formation continue ;

Considérant, d'autre part, que si, pour déterminer la part des charges communes à imputer sur le service de formation, la société a retenu une clé de répartition correspondant au rapport entre le chiffre d'affaires formation et le chiffre d'affaires négoce , elle n'établit pas la validité de cette méthode de calcul en se bornant à faire valoir que la formation est induite par le négoce et que le commissaire aux comptes de la société avait donné son aval à l'application de cette méthode ; que c'est à bon droit que l'administration, constatant que ladite méthode aboutissait à surévaluer la part de charges communes supportées par le service de formation, a estimé que seul devait être admis un pourcentage de charges évalué en fonction de la part réalisée par le service de formation dans le chiffre d'affaires total de l'entreprise ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 920-7 du code du travail : Est interdit le démarchage pour le compte du dispensateur de formation lorsqu'il est rémunéré par une commission et qu'il a pour objet de provoquer la vente d'un plan ou la souscription d'une convention de formation ; que la société BUROTEC a imputé sur le service de formation une partie de l'intéressement versé à ses vendeurs, correspondant aux commandes de formations obtenues à la suite de la vente de matériel informatique ; qu'il ressort de l'examen des contrats de travail des vendeurs de la société BUROTEC que l'intéressement qu'ils perçoivent porte non seulement sur la vente de matériel mais aussi sur les prestations de formation ; qu'ainsi, et alors même que, comme le fait valoir la requérante, son activité de formation n'est qu'accessoire par rapport à son activité de négoce et que le démarchage de la clientèle est axé sur la vente du matériel informatique, l'administration a pu, sans commettre d'erreur de droit, regarder les sommes ainsi versées aux vendeurs, liées au chiffre d'affaires généré par l'activité de formation professionnelle, comme des commissions entrant dans le champ de l'interdiction édictée à l'article L. 920-7 précité du code du travail et rejeter lesdites sommes en application de l'article L. 991-5 dudit code ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société BUROTEC n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société anonyme BUROTEC est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société BUROTEC et au ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale.

Copie sera transmise pour information au préfet de la région Picardie.

2

N°02DA00723


Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. Merloz
Rapporteur ?: M. Alain Dupouy
Rapporteur public ?: M. Lepers
Avocat(s) : SCP BASILIEN-BODIN-ASSOCIES

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation a 3 (bis)
Date de la décision : 10/02/2005
Date de l'import : 04/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 02DA00723
Numéro NOR : CETATEXT000007603728 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2005-02-10;02da00723 ?
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