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15/03/2005 | FRANCE | N°02DA00089

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation a 3 (bis), 15 mars 2005, 02DA00089


Vu la requête, enregistrée le 28 janvier 2002, présentée pour la société anonyme X, dont le siège est ..., par Me Farcy, avocat ; la société X demande à la Cour :

1° ) d'annuler l'article 2 du jugement n° 96-2068 en date du 23 novembre 2001, par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté les conclusions de sa demande tendant à la réduction des intérêts de retard dont est demeuré assorti le rappel de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge pour la période du 1er juillet 1992 au 30 juin 1995 ;

2° ) de prononcer la réduction demandée ;

Elle

soutient qu'il ne pouvait être procédé à la notification de rappels de taxe sur la valeur...

Vu la requête, enregistrée le 28 janvier 2002, présentée pour la société anonyme X, dont le siège est ..., par Me Farcy, avocat ; la société X demande à la Cour :

1° ) d'annuler l'article 2 du jugement n° 96-2068 en date du 23 novembre 2001, par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté les conclusions de sa demande tendant à la réduction des intérêts de retard dont est demeuré assorti le rappel de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge pour la période du 1er juillet 1992 au 30 juin 1995 ;

2° ) de prononcer la réduction demandée ;

Elle soutient qu'il ne pouvait être procédé à la notification de rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de chaque exercice, mais, compte tenu des insuffisances et régularisations, sur l'ensemble de la période vérifiée, pour ne laisser à sa charge, au terme de cette période, que la somme de 784 390 francs ; que cette somme étant déjà réglée à la date de la notification de redressements, du fait des droits à déduction nés après le terme de la période vérifiée, le Trésor n'a subi aucun préjudice susceptible de donner lieu à la notification d'un redressement et à une mise en recouvrement ; qu'il ne saurait être fait application de l'intérêt de retard prévu à l'article 1727 du code général des impôts, les inexactitudes constatées n'étant pas consécutives à un rappel d'assiette, mais à un simple décalage dans le temps ; que, selon la doctrine administrative elle-même , à savoir une instruction du 6 mai 1988, la base de calcul des intérêts était constituée par le montant des droits mis à la charge du contribuable à la suite de la notification de redressements ; que l'intérêt de retard aurait dû être calculé sur la base des seules factures non réglées à la fin de la période vérifiée, et par rapport à l'anticipation réelle ; que, le taux appliqué ne se bornant pas à compenser le préjudice pécuniaire du Trésor, les intérêts de l'article 1727 du code général des impôts ont le caractère d'une sanction ; qu'il s'ensuit que la procédure est irrégulière, dès lors qu'elle n'a pas été informée de la possibilité de présenter ses observations dans un délai de trente jours, ainsi que le prévoit l'article

L. 80 du livre de procédures fiscales ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 23 mai 2002, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que la requête, dépourvue de moyens d'appel, est irrecevable ; que si la société pouvait bénéficier des compensations nécessaires pour l'ensemble de la période vérifiée, l'administration était fondée à mettre en recouvrement des rappels au titre de chacun des exercices inclus dans cette période, qui n'ont d'ailleurs laissé aucun complément de taxe due au titre de l'exercice clos au 30 juin 1995 ; que l'anticipation par la société de l'exercice de son droit à déduction a entraîné une modification de l'assiette, ses déclarations mensuelles faisant apparaître une base d'imposition insuffisante, ce qui justifie le calcul des intérêts de retard tel qu'il a été opéré ; que les intérêts de retard, dont le taux n'est pas manifestement excessif au regard du taux moyen pratiqué par les prêteurs privés pour un découvert non négocié, n'ont pas le caractère d'une sanction justifiant l'application de l'article 80 D du livre des procédures fiscales ; qu'en outre, avant les modifications apportées le 1er janvier 2001 au texte de cet article, l'administration n'était pas tenue d'informer le contribuable du délai qui lui était accordé pour présenter ses observations ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 30 juillet 2002, présenté pour la société X qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ; elle soutient, en outre, qu'elle a critiqué le jugement attaqué, et ainsi présenté des moyens d'appel ; que le décompte des intérêts de retard doit intervenir entre la date de l'anticipation et la date de régularisation ; que le fait d'appliquer l'intérêt de retard sur les sommes déduites par anticipation entre le dernier jour de l'exercice au cours duquel il est intervenu et le dernier jour du mois de la notification institue une discrimination entre les redevables qui est contraire à l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré le 24 octobre 2002, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, qui conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er mars 2005 à laquelle siégeaient M. Couzinet, président de chambre, M. Berthoud, président-assesseur et Mme Brenne, premier conseiller :

- le rapport de M. Berthoud, président-assesseur ;

- et les conclusions de M. Michel, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1727 du code général des impôts : Le défaut ou l'insuffisance dans le paiement ou le versement tardif de l'un des impôts, droits, taxes, redevances ou sommes établis ou recouvrés par la direction générale des impôts donnent lieu au versement d'un intérêt de retard qui est dû indépendamment de toutes sanctions. Cet intérêt n'est pas dû lorsque sont applicables les dispositions de l'article 1732 ou les sanctions prévues aux articles 1791 à 1825 F. Le taux de l'intérêt de retard est fixé à 0,75 % par mois. Il s'applique sur le montant des sommes mises à la charge du contribuable ou dont le versement a été différé ; que l'article 1729 du même code dispose : 1 - Lorsque la déclaration ou l'acte mentionné à l'article 1728 font apparaître une base d'imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'impôt insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 (...) 2 - Le décompte de l'intérêt de retard est arrêté au dernier jour du mois de la notification de redressement... ;

Considérant, en premier lieu, que l'intérêt de retard institué par les dispositions précitées du code général des impôts vise essentiellement à réparer les préjudices de toute nature subis par l'Etat à raison du non respect par les contribuables de leurs obligations de déclarer et payer l'impôt aux dates légales ; que si l'évolution des taux du marché a conduit à une hausse relative de cet intérêt depuis son institution, cette circonstance ne lui confère pas pour autant la nature d'une sanction, même pour la part excédant l'application du taux de l'intérêt légal, dès lors que son niveau n'est pas devenu manifestement excessif au regard du taux moyen pratiqué par les prêteurs privés pour un découvert non négocié ; que, par suite, les intérêts de retard dont a été assorti le rappel de taxe sur la valeur ajoutée dont la société anonyme X a fait l'objet pour la période du

1er juillet 1992 au 30 juin 1995, à la suite d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices correspondants, ne constituaient pas une sanction, au sens notamment de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que, avant la mise en recouvrement desdits intérêts, la société requérante n'aurait pas été régulièrement mise à même de présenter ses observations doit être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il est constant que, durant la période en litige, la

société X a porté par anticipation, sur ses déclarations mensuelles de chiffre d'affaires, la taxe sur la valeur ajoutée déductible afférente à des prestations de service pour lesquelles l'exigibilité de la taxe n'était pas encore intervenue chez le fournisseur ; que, conformément aux dispositions précitées de l'article 1729 du code général des impôts, elle était, dès lors, passible d'intérêts de retard sur le montant total des droits effectivement éludés au cours de cette période ; qu'en cas de déduction anticipée de crédits de taxe sur la valeur ajoutée, comme en l'espèce, lesdits intérêts, qui courent en principe à compter de chaque déduction anticipée, doivent être calculés, non sur les seuls droits demeurant éludés à la clôture du dernier exercice vérifié, mais sur la part des droits omis à chaque dépôt de déclaration qui n'aurait pu alors être imputée sur un crédit de taxe, ladite part étant calculée mois par mois ;

Considérant, il est vrai, qu'en l'espèce, l'administration, en l'absence de comptabilité retraçant mois par mois, pour l'ensemble de la période vérifiée, les droits à déduction dont la

société X pouvait bénéficier, a calculé les sommes effectivement éludées exercice par exercice, en opérant, pour chacun des deux derniers exercices vérifiés, une compensation entre les déductions anticipées effectuées en cours d'exercice et les crédits de taxe prématurément déduits au cours de l'exercice précédent, et a fixé, pour chacune de ces sommes, le point de départ des intérêts au premier jour de l'exercice suivant ; que cependant la société, qui se borne à produire un état des factures dont la taxe a été déduite par anticipation entre le 1er janvier et le 30 juin 1995, et dont la régularisation serait intervenue postérieurement à cette dernière date, n'établit pas qu'en utilisant cette méthode de calcul, le service aurait majoré le montant total des intérêts dus ; qu'en admettant même que les déductions opérées par anticipation au cours du dernier exercice vérifié aient été implicitement régularisées lors du dépôt de déclarations postérieures à la clôture de cet exercice, ce dépôt ne peut constituer le terme du décompte de l'intérêt de retard prévu par les dispositions combinées des articles 1727 et 1729 précités du code général des impôts, lequel a été fixé par l'administration, conformément à ces dispositions, au dernier jour du mois de la notification de redressement adressée à la société requérante ;

Considérant, en troisième lieu, que si, aux termes de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, ratifiée par la France et publiée au Journal officiel : la jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente convention doit être assurée sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation , il résulte des termes mêmes de cet article que le principe de non discrimination qu'il édicte ne concerne que la jouissance des droits et libertés reconnus par ladite convention et par les protocoles additionnels à celle-ci ; que, dès lors, il appartient au redevable qui se prévaut de la violation de ce principe d'invoquer devant le juge administratif le droit ou la liberté dont la jouissance est affectée par la discrimination alléguée ; que la société requérante ne précise pas le droit ou la liberté, reconnus par la convention, qui seraient méconnus par la discrimination qu'elle invoque ; que, par suite, elle ne peut utilement se prévaloir des stipulations de l'article 14 de la convention ;

Considérant enfin qu'aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. - Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente ; qu'il résulte de ces dispositions et en particulier de la référence faite à un rehaussement d'impositions que le droit qu'elles reconnaissent au contribuable, de se prévaloir, à l'encontre de l'administration, de l'interprétation donnée par celle-ci d'un texte fiscal, a pour seul objet de lui permettre de contester le bien-fondé d'une imposition à l'établissement de laquelle l'administration a procédé en faisant usage de ses pouvoirs de contrôle et de reprise, et ne peut, en revanche, fonder une contestation du bien-fondé propre des intérêts de retard ou majorations dont a été assortie cette imposition ; que, par suite, la

société X ne saurait se prévaloir, au soutien de sa contestation, d'une instruction administrative 13 N-3- 88 - n° 53 du 6 mai 1988 ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par l'administration, que la société X n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande en réduction des intérêts de retard demeurant en litige ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société X est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société anonyme X et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Copie sera transmise au directeur des services fiscaux chargé de la direction de contrôle fiscal Nord.

Délibéré après l'audience du 1er mars à laquelle siégeaient :

- M. Couzinet, président de chambre,

- M. Berthoud, président-assesseur,

- Mme Brenne, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 15 mars 2005.

Le rapporteur,

Signé : J. BERTHOUD

Le président de chambre,

Signé : Ph. COUZINET

Le greffier,

Signé : M.T. LEVEQUE

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le Greffier

Marie-Thérèse LEVEQUE

2

N°02DA00089


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation a 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 02DA00089
Date de la décision : 15/03/2005
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Couzinet
Rapporteur ?: M. Joël Berthoud
Rapporteur public ?: M. Michel
Avocat(s) : SELARL GUY FARCY

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2005-03-15;02da00089 ?
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