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14/04/2005 | FRANCE | N°05DA00136

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, Juge des reconduites a la frontiere, 14 avril 2005, 05DA00136


Vu l'ordonnance en date du 25 janvier 2005, enregistrée le 7 février 2005 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, par laquelle le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la Cour administrative d'appel de Douai, la requête présentée par le PREFET DE L'EURE ;

Vu la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le

6 janvier 2005 par télécopie et régularisée par l'envoi de l'original le 7 janvier 2005, présentée par le PREFET DE L'EURE ; le PREFET DE L'EURE demande au président de la section du Conse

il d'Etat :

1') d'annuler le jugement n° 0402600 en date du 29 novembre 200...

Vu l'ordonnance en date du 25 janvier 2005, enregistrée le 7 février 2005 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, par laquelle le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la Cour administrative d'appel de Douai, la requête présentée par le PREFET DE L'EURE ;

Vu la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le

6 janvier 2005 par télécopie et régularisée par l'envoi de l'original le 7 janvier 2005, présentée par le PREFET DE L'EURE ; le PREFET DE L'EURE demande au président de la section du Conseil d'Etat :

1') d'annuler le jugement n° 0402600 en date du 29 novembre 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Rouen a, à la demande de

Mme Anna X, annulé son arrêté en date du 15 novembre 2004 décidant la reconduite à la frontière de l'intéressée ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme X en première instance ;

Il soutient que c'est à tort que l'arrêté de reconduite à la frontière a été annulé pour méconnaissance des dispositions du 5° de l'article 26 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ; que les certificats médicaux produits à la dernière minute devant la juridiction par l'intéressée et établis par un médecin non spécialiste constituaient une manoeuvre seulement destinée à faire obstacle à la mise en oeuvre de l'arrêté attaqué ; que le certificat médical produit n'est, en outre, pas probant ; que Mme X, en séjour irrégulier en France depuis de nombreuses années, n'a jamais produit le dossier médical réclamé par les services de la préfecture afin de permettre au médecin inspecteur de la santé publique de se prononcer sur son état de santé et la nécessité d'une poursuite des soins en France ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu l'ordonnance en date du 10 février 2005 portant clôture de l'instruction au

2 avril 2005 ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 31 mars 2005 par télécopie et régularisé le

4 avril par l'envoi de l'original, présenté pour Mme Anna X demeurant chez Mme Rose X, ..., par Me Madeline ; Mme X conclut au rejet de la requête et à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 800 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient que la requête du préfet est irrecevable comme ayant été adressée au Conseil d'Etat qui n'était plus la juridiction compétente et tardivement à la Cour ; que le préfet se borne à reprendre devant la Cour les mêmes arguments qu'en première instance ; qu'il conviendra de les rejeter par adoption des motifs du premier juge ; qu'en outre, l'arrêté attaqué est entaché de plusieurs irrégularités ; qu'il a été pris en violation du 5° de l'article 26 de l'ordonnance du

2 novembre 1945 désormais repris à l'article L. 521-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il méconnaît également les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, subsidiairement, le défaut de saisine pour avis du médecin inspecteur de la santé publique méconnaît les dispositions de l'article 7-5 du décret n° 46-1574 du 30 juin 1946 ; qu'elle a dû engager des frais d'avocat dont elle est bien-fondée à demander le remboursement ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;

Vu le décret n° 46-1574 du 30 juin 1946 modifié réglementant les conditions d'entrée et de séjour en France des étrangers, et notamment son article 7-5 ;

Vu l'arrêté du ministre de l'emploi et de la solidarité en date du 8 juillet 1999 relatif aux conditions d'établissement des avis médicaux concernant les étrangers malades prévus à l'article 7-5 du décret n° 46-1574 du 30 juin 1946 modifié ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la délégation du président de la Cour en date du 3 janvier 2005 prise en vertu de l'article R. 222-33 du code de justice administrative ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 avril 2005 à laquelle siégeait M. Yeznikian, président délégué :

- les observations de Me Falacho, pour Mme X ;

- et les conclusions de M. Lepers, commissaire du gouvernement ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées à la requête d'appel par Mme X :

Considérant qu'aux termes, d'une part, du I de l'article 22 de l'ordonnance du

2 novembre 1945 modifiée alors applicable, dans sa rédaction en vigueur, repris désormais à l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police, peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) ; qu'aux termes, d'autre part, de l'article 26 de la même ordonnance, dans sa rédaction alors en vigueur, repris à l'article L. 521-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : (...) ne peut faire l'objet d'une expulsion (...) 5° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. (...) / Ces mêmes étrangers ne peuvent faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière en application de l'article 22 ;

Considérant que Mme X, née en 1936 au Sénégal, pays dont elle a la nationalité, est entrée en France le 20 septembre 2001 avec un visa de 60 jours pour rejoindre sa fille, mère de trois jeunes enfants et s'y est maintenue au-delà de cette durée compte tenu de la maladie du mari de sa fille puis du décès de ce dernier en janvier 2002 ; qu'ayant sollicité, en juillet 2003, auprès du préfet de l'Eure, un titre de séjour avec la mention visiteur , celui-ci lui a été refusé le 8 octobre 2003 ; qu'elle s'est maintenue irrégulièrement sur le territoire français plus d'un mois après la notification de ce refus ; qu'elle était ainsi dans le cas prévu par les dispositions du 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, où le préfet peut décider la reconduite à la frontière d'un étranger ;

Considérant, cependant, qu'il ressort des pièces du dossier et notamment des certificats médicaux établis entre le 3 mai et le 23 novembre 2004, que le diabète dont souffre

Mme X, découvert en France, s'est brutalement aggravé en avril 2004 et nécessite, selon le certificat médical produit et non contredit, un traitement journalier continu afin de ne pas compromettre le pronostic vital ; que s'il est exact que ni ces pièces, ni aucun rapport médical établi par un médecin agréé ou un praticien hospitalier conformément aux dispositions de l'article 1er de l'arrêté susvisé de l'arrêté ministériel du 8 juillet 1999, ni aucun dossier médical n'ont été produits au préfet de l'Eure avant l'intervention de son arrêté du 15 novembre 2004 décidant la reconduite à la frontière de l'intéressée afin de permettre à cette autorité de saisir pour avis le médecin inspecteur de santé publique de la direction des affaires sanitaires et sociales en application des articles 3 et 4 du même arrêté ministériel du 8 juillet 1999, cette circonstance, quoique regrettable, n'est pas de nature à établir, en l'espèce, l'existence d'une manoeuvre destinée à priver l'autorité administrative de son pouvoir d'examen et à faire ainsi échec à la mesure d'éloignement ;

Considérant, enfin, qu'il ressort des pièces médicales produites non remises en cause devant le juge d'appel que le défaut de mise en oeuvre du traitement prescrit à Mme X pour soigner son affection diabétique pourrait entraîner pour elle des conséquences d'une extrême gravité ; qu'il n'est pas davantage sérieusement contesté que, compte tenu du lieu d'habitation de Mme X, ou de celui de ses fils, au Sénégal ainsi que des ressources dont Mme X dispose, cette dernière ne pourrait pas bénéficier d'un traitement médical approprié dans son pays d'origine ; que, dans ces conditions, le préfet de l'Eure a entaché son arrêté du

15 novembre 2004 décidant la reconduite à la frontière de Mme X d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE L'EURE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Rouen a annulé, pour le motif susanalysé, l'arrêté du

15 novembre 2004 ordonnant la reconduite à la frontière de Mme X ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 800 euros que Mme X réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du PREFET DE L'EURE est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à Mme X la somme de 800 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au PREFET DE L'EURE, à Mme Anna X et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

Lu en audience publique, le 14 avril 2005.

Le président délégué,

Signé : O. YEZNIKIAN

Le greffier,

Signé : B. ROBERT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

Le Greffier

Bénédicte Robert

N°05DA00136 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : Juge des reconduites a la frontiere
Numéro d'arrêt : 05DA00136
Date de la décision : 14/04/2005
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Olivier Yeznikian
Rapporteur public ?: M. Lepers
Avocat(s) : MADELINE

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2005-04-14;05da00136 ?
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