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14/04/2005 | FRANCE | N°05DA00216

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, Juge des reconduites a la frontiere, 14 avril 2005, 05DA00216


Vu la requête, enregistrée le 21 février 2005 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée par le PREFET DE LA SEINE-MARITIME ; le PREFET DE LA

SEINE-MARITIME demande au président de la Cour :

1') d'annuler le jugement n° 05-00014 en date du 10 janvier 2005 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Rouen a, à la demande de M. Ramaz X, annulé son arrêté en date du 5 janvier 2005 décidant la reconduite à la frontière de l'intéressé et fixant le pays de destination ;

2°) de rejeter la demande de M. R

amaz X ;

Il soutient qu'il est clairement établi, par les documents transmis par les ...

Vu la requête, enregistrée le 21 février 2005 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée par le PREFET DE LA SEINE-MARITIME ; le PREFET DE LA

SEINE-MARITIME demande au président de la Cour :

1') d'annuler le jugement n° 05-00014 en date du 10 janvier 2005 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Rouen a, à la demande de M. Ramaz X, annulé son arrêté en date du 5 janvier 2005 décidant la reconduite à la frontière de l'intéressé et fixant le pays de destination ;

2°) de rejeter la demande de M. Ramaz X ;

Il soutient qu'il est clairement établi, par les documents transmis par les autorités britanniques et les empreintes relevées et centralisées dans le fichier EURODAC, que

M. X a déposé une demande d'asile sous une autre identité en Grande-Bretagne ; que les allégations de M. X n'ont pas apporté d'éléments probants permettant de douter de la fiabilité de ces documents ; qu'à titre subsidiaire, la fraude étant manifeste, il était fondé à refuser d'admettre plus longtemps au séjour l'intéressé en application de l'article 9 alinéa 2 de la loi du 25 juillet 1952 modifiée ; qu'en l'espèce, en effet, le recours devant la commission de recours des réfugiés n'est plus suspensif ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu l'ordonnance en date du 7 mars 2005 portant clôture de l'instruction au 2 avril 2005 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la Convention de Genève du 28 juillet 1951 précitée, modifiée par le protocole de New York du 31 janvier 1967 ;

Vu le règlement (CE) n° 2725/2000 du Conseil du 11 décembre 2000 concernant la création du système EURODAC pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l'application efficace de la convention de Dublin ;

Vu le règlement, dit de Dublin, (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant d'un pays tiers ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;

Vu la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 modifiée ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la délégation du président de la Cour en date du 3 janvier 2005 prise en vertu de l'article R. 222-33 du code de justice administrative ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 avril 2005 à laquelle siégeait M. Yeznikian, président délégué :

- les conclusions de M. Lepers, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 16 du règlement, dit de Dublin, (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 susvisé : 1. L'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile en vertu du présent règlement est tenu de : (...) c) reprendre en charge, dans les conditions prévues à l'article 20, le demandeur d'asile dont la demande est en cours d'examen et qui se trouve, sans en avoir reçu la permission, sur le territoire d'un autre Etat membre ;

Considérant qu'aux termes du 3ème alinéa de l'article 8 de la loi du 25 juillet 1952 modifiée alors applicable dans sa rédaction en vigueur à la date de l'arrêté attaqué, devenu l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sous réserve du respect des dispositions de l'article 33 de la convention de Genève susmentionnée, l'admission en France d'un étranger qui demande à bénéficier de l'asile ne peut être refusée que si : (...) 4° La demande d'asile repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures d'asile ou n'est présentée qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement prononcée ou imminente (...) ; qu'en application du 1er alinéa de l'article 10 de la même loi dans sa rédaction alors en vigueur, repris à l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : L'étranger admis à séjourner en France bénéficie du droit à s'y maintenir jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la commission des recours. Il dispose d'un délai d'un mois à compter de la notification du refus de renouvellement ou du retrait de son autorisation de séjour pour quitter volontairement le territoire français. ; qu'en application du 2ème alinéa du même article 10 repris à l'article

L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : L'étranger présent sur le territoire français dont la demande d'asile entre dans l'un des cas visés aux 2° à 4° de l'article 8 bénéficie du droit de se maintenir en France jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides , lorsqu'il s'agit d'une décision de rejet. En conséquence, aucune mesure d'éloignement mentionnée aux articles 19, 22, 23 ou 26 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 ne peut être mise à exécution avant la décision de l'office. (...) ;

Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier que la demande d'asile en date du 19 août 2003, présentée par M. X, né le 27 février 1981 à Tbilissi, a été refusée le

13 octobre 2003 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et que l'intéressé a déposé le 27 novembre 2003 un recours devant la commission de recours des réfugiés ;

Considérant, d'autre part, qu'en application des dispositions de l'article 16. 1, c du règlement dit de Dublin du 18 février 2003 susmentionnées, les autorités françaises ont accepté, à la demande des autorités britanniques, la reprise en charge de M. X qui se trouvait sans permission sur le territoire de la Grande-Bretagne et sous une autre identité ainsi que la comparaison des empreintes digitales de l'intéressé à travers la consultation du système EURODAC a permis de l'établir ;

Considérant, enfin, qu'il résulte des pièces du dossier, et nonobstant les allégations contraires de M. X, que ce dernier a, pendant son séjour en Grande-Bretagne, déposé, le 28 juin 2004, une demande d'asile sous le nom de Y, né le 27 avril 1978 ;

Considérant que, dans ces conditions, M. X, ayant déposé plusieurs demandes d'admission au séjour au titre de l'asile sous des identités différentes, a eu recours de manière abusive aux procédures d'asile au sens du 4° de l'article 8 de la loi 25 juillet 1952 ; que, par suite, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ayant rejeté la demande initiale le 13 octobre 2003 et le recours devant la commission des recours des réfugiés et apatrides contre cette décision étant privé de son caractère suspensif en application des dispositions de l'article

10 de la loi du 25 juillet 1952, le préfet de la Seine-Maritime a pu légalement refuser de renouveler son autorisation provisoire de séjour dans l'attente de la décision de la commission de recours des réfugiés ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE LA SEINE-MARITIME est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Rouen a retenu, pour annuler l'arrêté du 5 janvier 2005 décidant la reconduite à la frontière de M. X, le moyen tiré de ce que l'intéressé, n'ayant pas eu recours abusivement aux procédures d'asile, devait être autorisé à se maintenir en France jusqu'à ce que la commission des recours des réfugiés ait statué ;

Considérant qu'il appartient toutefois au juge d'appel, saisi par l'effet dévolutif, d'examiner les autres moyens présentés par M. X en première instance ;

Sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière :

Considérant qu'aux termes des dispositions du I de l'article 22 de l'ordonnance du

2 novembre 1945 alors applicable dans sa rédaction en vigueur, repris à l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police, peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 6° Si le récépissé de la demande de carte de séjour ou l'autorisation provisoire de séjour qui avait été délivré à l'étranger lui a été retiré ou si le renouvellement de ces documents lui a été refusé ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que conformément aux dispositions du 2ème alinéa de l'article 10 de la loi du 25 juillet 1952 susrappelées, M. X a bénéficié du droit de se maintenir en France jusqu'à la notification de la décision de rejet prise par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides intervenue le 13 octobre 2003 ; que ni en vertu de ces mêmes dispositions, ni en vertu de celles du 6° du I de l'article 22 de l'ordonnance du

2 novembre 1945 susmentionnées, l'intervention d'une mesure de reconduite à la frontière n'était subordonnée à l'expiration d'un délai d'un mois laissé à l'intéressé pour quitter volontairement le territoire français ; que, dès lors, M. X se trouvait, dès le

5 janvier 2005, dans le cas où, en vertu du 6° du I de l'article 22 de l'ordonnance du

2 novembre 1945 précité, le PREFET DE LA SEINE-MARITIME pouvait prendre une telle mesure d'éloignement à son encontre ;

Considérant que l'arrêté de reconduite à la frontière du 5 janvier 2005 comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de cette décision ; qu'ainsi, alors même que certaines mentions sont rédigées avec des formules stéréotypées, ledit arrêté, qui a été pris par une autorité compétente, répond aux exigences de motivation des actes administratifs ;

Considérant que si M. X entend invoquer le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, un tel moyen est, en tout état de cause, inopérant à l'encontre de l'arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière qui ne comporte pas, par lui-même, désignation du pays de destination ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

Considérant que si M. X a soutenu qu'il craint de subir des persécutions et des traitements dégradants en cas de retour dans son pays d'origine, il n'établit pas qu'il court un risque personnel avéré, ni ne fournit aucun document probant à l'appui de ses allégations ; que, par suite, la décision fixant la Géorgie comme pays de destination n'a méconnu ni les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions de l'article 27 bis de l'ordonnance du

2 novembre 1945 alors applicable ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 5 janvier 2005 ordonnant sa reconduite à la frontière et fixant le pays de destination ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Rouen en date du 10 janvier 2005 est annulé et la demande de M. X est rejetée.

Article 2 : le présent arrêt sera notifié au PREFET DE LA SEINE-MARITIME, à

M. Ramaz X et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

Copie sera transmise en application de l'article R. 751-11 du code de justice administrative au Procureur de la République près le Tribunal de grande instance du Havre.

Lu en audience publique, le 14 avril 2005.

Le président délégué,

Signé : O. YEZNIKIAN

Le greffier,

Signé : B. ROBERT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

Le Greffier

Bénédicte Robert

2

N°05DA00216


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : Juge des reconduites a la frontiere
Numéro d'arrêt : 05DA00216
Date de la décision : 14/04/2005
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Olivier Yeznikian
Rapporteur public ?: M. Lepers

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2005-04-14;05da00216 ?
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