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17/05/2005 | FRANCE | N°03DA01098

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation a 3 (ter), 17 mai 2005, 03DA01098


Vu la requête, enregistrée le 1er octobre 2003 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour le CENTRE HOSPITALIER SPECIALISE DE SAINT VENANT dont le siège est ... à Saint Venant (62350), représenté par son directeur en exercice, par la société d'avocats Yvon X... ; il demande à la Cour :

1') d'annuler le jugement n° 00-391 en date du 22 juillet 2003 par lequel le Tribunal administratif de Lille l'a déclaré responsable des conséquences de la défenestration de

Mme Carine Y... survenue dans son établissement le 21 juillet 1998 ;

2°)

de rejeter les demandes présentées par Mme Y... et la caisse primaire d'assurance m...

Vu la requête, enregistrée le 1er octobre 2003 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour le CENTRE HOSPITALIER SPECIALISE DE SAINT VENANT dont le siège est ... à Saint Venant (62350), représenté par son directeur en exercice, par la société d'avocats Yvon X... ; il demande à la Cour :

1') d'annuler le jugement n° 00-391 en date du 22 juillet 2003 par lequel le Tribunal administratif de Lille l'a déclaré responsable des conséquences de la défenestration de

Mme Carine Y... survenue dans son établissement le 21 juillet 1998 ;

2°) de rejeter les demandes présentées par Mme Y... et la caisse primaire d'assurance maladie de Lens ;

3°) de condamner Mme Y... à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que pour déterminer s'il est en présence ou non d'une faute de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier, le juge administratif statue en appréciant, d'une part, le caractère prévisible ou non de l'accident en fonction du comportement du patient, d'autre part, l'attitude du personnel vis-à-vis du patient qui a été victime d'un accident et enfin de l'aménagement des locaux ; qu'en l'absence d'antécédents immédiats et de signes défavorables de la patiente, l'accident subi par cette dernière n'est pas de nature à révéler une faute de l'établissement hospitalier ; qu'en l'espèce, le comportement de Mme Y..., qui était calme juste avant les faits en litige, ne rendait pas prévisible sa défenestration ; que selon l'expert, aucune faute de soins, dans l'organisation ou le fonctionnement du service n'a été commise ; qu'à chaque ronde pendant la nuit du 26 au

27 juillet 1998, la patiente dormait ; qu'après être restée deux jours en unité fermée, la patiente, compte tenu de l'amélioration de son état de santé, a été transférée à l'unité de soins normaux ; que le maintien dans une chambre de haute sécurité aurait compromis ses chances de récupération ; que Mme Y... avait été placée dans une chambre dont la fenêtre est munie d'un système de sécurité ; que pour se défenestrer, la patiente a forcé et manipulé la fenêtre ; que dès lors, aucune faute ne peut être retenue à l'encontre du centre hospitalier ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les mémoires, enregistrés les 18 juin 2004 et 3 mars 2005, pour Mme Y..., qui conclut au rejet de la requête et par la voie de l'appel incident, à la condamnation du CENTRE HOSPITALIER SPECIALISE DE SAINT VENANT à lui verser une somme de 10 000 euros à titre de provision à valoir sur l'indemnisation de son préjudice corporel, au paiement de la somme de

2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et aux entiers frais et dépens ; elle soutient qu'en faisant le choix d'un régime d'hospitalisation manifestement inadapté à la surveillance étroite que nécessitait son état de santé, le centre hospitalier a commis une faute engageant sa responsabilité ; que les conditions de surveillance de la patiente révèlent que toutes les précautions utiles et raisonnables n'ont pas été prises ; que l'accident démontre que le centre hospitalier n'a pas pris toutes les dispositions pour se prémunir contre tout comportement de ses patients de nature à mettre en danger leur propre santé et celle des tiers ;

Vu le mémoire, enregistré le 7 mars 2005, pour la caisse primaire d'assurance maladie de Lens, qui conclut au rejet de la requête, à la condamnation du CENTRE HOSPITALIER SPECIALISE DE SAINT VENANT à lui verser la somme de 403 532,92 euros, à ce que ses droits soient réservés au titre de frais futurs et à la condamnation du CENTRE HOSPITALIER SPECIALISE DE SAINT VENANT à lui verser la somme de 762,25 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient qu'aux termes du diagnostic médical initialement posé par le médecin traitant de Mme Y..., l'hospitalisation en service libre constitue une défaillance et n'était pas adaptée au degré de surveillance nécessaire à l'état de santé de la patiente ; que le centre hospitalier a commis une faute par l'absence de masures appropriées à l'égard de la patiente ; qu'elle est, dès lors, fondée à demander le remboursement de ses débours ;

Vu le mémoire, enregistré le 30 mars 2005, pour le CENTRE HOSPITALIER SPECIALISE DE SAINT VENANT, qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ; il conclut, en outre, au rejet des conclusions indemnitaires de Mme Y... et de la caisse primaire d'assurance maladie de Lens ; il soutient qu'en l'absence de responsabilité de son établissement, les demandes incidentes ne sont pas fondées ;

Vu le mémoire, enregistré le 15 avril 2005, présenté pour la caisse primaire d'assurance maladie de Lens, qui conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire, enregistré le 15 avril 2005, présenté pour Mme Y..., qui conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire par les mêmes moyens ;

Vu la pièce, enregistrée le 27 avril 2005, produite pour le CENTRE HOSPITALIER SPECIALISE DE SAINT VENANT ;

Vu les pièces du dossier établissant que les parties ont été informées en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative de ce que le présent arrêt serait susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 mai 2005 à laquelle siégeaient

M. Gipoulon, président de chambre, Mme Signerin-Icre, président-assesseur et Mme Eliot, conseiller :

- le rapport de Mme Eliot, conseiller ;

- et les conclusions de M. Paganel, commissaire du gouvernement ;

Sur la responsabilité du CENTRE HOSPITALIER SPECIALISE DE SAINT VENANT :

Considérant que Mme Y..., hospitalisée le 21 juillet 1998 pour état anxio-dépressif et menace de passage à l'acte suicidaire au CENTRE HOSPITALIER SPECIALISE DE SAINT VENANT, s'est le 27 juillet jetée dans le vide par la fenêtre de la chambre du 3ème étage de l'unité de soins normalisée, et s'est grièvement blessée lors de sa chute ; que si la fenêtre par laquelle

Mme Y... s'est jetée dans le vide ne comportait qu'un ouvrant oscillo-battant sur la gauche permettant une ouverture limitée à 13 cm, il est constant que la victime a pu, en prenant appui sur le radiateur situé en dessous de la fenêtre et en accroissant par simple pression la partie flexible du mécanisme de sécurité, se glisser par l'ouverture de la fenêtre ; que cette circonstance, compte tenu du caractère spécialisé de l'établissement en cause, révélait un aménagement défectueux de ses locaux constitutif d'une faute ; que par suite, le CENTRE HOSPITALIER SPECIALISE DE SAINT VENANT n'est pas fondé à soutenir, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a retenu sa responsabilité dans la survenance de l'accident dont s'agit ;

Sur les conclusions à fin d'indemnité formulées par Mme Y... et la caisse primaire d'assurance maladie de Lens :

Considérant que Mme Y... et la caisse primaire d'assurance maladie de Lens sollicitent respectivement l'allocation d'une provision de 10 000 euros à valoir sur l'indemnisation de son préjudice corporel et la condamnation du CENTRE HOSPITALIER SPECIALISE DE SAINT VENANT à verser à l'organisme de sécurité sociale la somme de 403 532,92 euros au titre du remboursement de ses débours ; que ces recours incidents présentés dans le cadre de l'instance d'appel relative à un jugement, ayant, avant dire droit sur les préjudices subis par les intéressées, ordonné une mesure d'expertise, concernent un litige distinct de celui soumis à la Cour par l'appel principal du CENTRE HOSPITALIER SPECIALISE DE SAINT VENANT ; que par suite, les conclusions sus-analysées de Mme Y... et de la caisse primaire d'assurance maladie de Lens sont irrecevables ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que Mme Y... qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à payer au CENTRE HOSPITALIER SPECIALISE DE SAINT VENANT la somme qu'il réclame au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de condamner le CENTRE HOSPITALIER SPECIALISE DE SAINT VENANT à verser à Mme Y... la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens et à la caisse primaire d'assurance maladie de Lens la somme de 762,25 euros qu'elle réclame sur le même fondement ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du CENTRE HOSPITALIER SPECIALISE DE SAINT VENANT et les recours incidents de Mme Y... et de la caisse primaire d'assurance maladie de Lens sont rejetés.

Article 2 : Le CENTRE HOSPITALIER SPECIALISE DE SAINT VENANT est condamné à verser à Mme Y... la somme de 1 500 euros et à la caisse primaire d'assurance maladie de Lens la somme de 762,25 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au CENTRE HOSPITALIER SPECIALISE DE SAINT VENANT, à Mme Carine Y..., à la caisse primaire d'assurance maladie de Lens et au ministre des solidarités, de la santé et de la famille.

Délibéré après l'audience du 3 mai 2005, à laquelle siégeaient :

- M. Gipoulon, président de chambre,

- Mme Signerin-Icre, président-assesseur,

- Mme Eliot, conseiller,

Lu en audience publique, le 17 mai 2005.

Le rapporteur,

Signé : A. ELIOT

Le président de chambre,

Signé : J.F. GIPOULON

Le greffier,

Signé : G. VANDENBERGHE

La République mande et ordonne au ministre des solidarités, de la santé et de la famille en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le Greffier

G. VANDENBERGHE

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N°03DA01098


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation a 3 (ter)
Numéro d'arrêt : 03DA01098
Date de la décision : 17/05/2005
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Gipoulon
Rapporteur ?: Mme Agnès Eliot
Rapporteur public ?: M. Paganel
Avocat(s) : CABINET YVON COUDRAY

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2005-05-17;03da01098 ?
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