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17/05/2005 | FRANCE | N°04DA00977

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation a 3, 17 mai 2005, 04DA00977


Vu la requête, enregistrée le 5 novembre 2004 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. et Mme Boniface X, demeurant rue ..., par Me Berthe ; M. et Mme X demandent à la Cour :

1') d'annuler le jugement nos 0303608 et 0303609 du 22 juin 2004 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des décisions du préfet du Nord en date du 7 février 2003 portant refus de délivrance d'un titre de séjour, ensemble la décision implicite rejetant leur recours gracieux, ainsi qu'à la condamnation de l'Etat à leur

verser à chacun une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés...

Vu la requête, enregistrée le 5 novembre 2004 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. et Mme Boniface X, demeurant rue ..., par Me Berthe ; M. et Mme X demandent à la Cour :

1') d'annuler le jugement nos 0303608 et 0303609 du 22 juin 2004 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des décisions du préfet du Nord en date du 7 février 2003 portant refus de délivrance d'un titre de séjour, ensemble la décision implicite rejetant leur recours gracieux, ainsi qu'à la condamnation de l'Etat à leur verser à chacun une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir lesdites décisions ;

3°) d'enjoindre, sous astreinte, au préfet du Nord de leur délivrer une carte de séjour

vie privée et familiale ;

4°) de condamner l'Etat à verser à leur conseil, sous réserve qu'il renonce à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent que le préfet a estimé à tort que Mme X pouvait bénéficier de soins adaptés à son état de santé au Congo ; que, par ailleurs, les décisions de refus de titre de séjour contestées portent, contrairement à ce qui a été jugé, à leur droit au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elles ont été prises, dès lors qu'ils justifiaient à la date desdites décisions d'une vie familiale stable depuis plusieurs années sur le territoire français, que leurs enfants résidaient régulièrement dans ce pays, qu'ils ne disposaient plus d'attaches familiales proches dans leur pays d'origine et qu'ils établissent avoir noué à cette date, dans le cadre de leur engagement religieux en France, des relations amicales et sociales fortes ; qu'ainsi, les décisions contestées méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales tant prises isolément que combinées avec celles de l'article 9 de la même convention ;

Vu le jugement et les décisions attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 13 janvier 2005, présenté par le préfet du Nord ; il conclut au rejet de la requête ; il soutient que l'erreur d'appréciation alléguée quant à l'état de santé de Mme X n'est nullement établie par les pièces produites qui ne sont pas de nature à remettre en cause l'avis rendu et plusieurs fois confirmé par le médecin inspecteur de la santé publique ; que l'admission au séjour pour raisons de santé est conditionnelle et limitée à la durée de la prise en charge médicale sur le territoire français ; que, par ailleurs, les décisions attaquées ne méconnaissent pas l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dans la mesure où il n'est pas démontré que la vie familiale des requérants ne puisse se poursuivre avec leur fils cadet au Congo, pays dans lequel ils ont habituellement vécu, contracté mariage, mis leur deux aînés au monde et conservé des attaches familiales ; que, par ailleurs, les décisions de refus de titre de séjour attaquées ne portent aucunement atteinte à la liberté religieuse des requérants ; qu'enfin, M. et Mme X, qui disposaient d'un droit au séjour temporaire et conditionnel sur le territoire national et s'y maintenaient irrégulièrement depuis les refus de séjour successifs qui leur ont été notifiés, ne peuvent prétendre que les décisions contestées seraient illégales en tant qu'elles constitueraient une ingérence dans leur vie privée et sociale ;

Vu les décisions en date du 9 septembre 2004 par lesquelles le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Douai accorde à M. et à Mme X l'aide juridictionnelle totale pour la présente procédure ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 mai 2005 à laquelle siégeaient

M. Gipoulon, président de chambre, Mme Signerin-Icre, président-assesseur et

M. Mesmin d'Estienne, premier conseiller :

- le rapport de Mme Signerin-Icre, président-assesseur ;

- les observations de M. et Mme X, requérants ;

- et les conclusions de M. Paganel, commissaire du gouvernement ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

Considérant, en premier lieu, que les pièces produites par M. et Mme X, notamment la lettre du Professeur Y, chef du service de chirurgie digestive au centre hospitalier et universitaire de Brazzaville, faisant état des difficultés matérielles auxquelles est confronté cet établissement, ainsi que les certificats médicaux versés au dossier, ne sont pas de nature à démontrer que le préfet du Nord se serait mépris sur la réalité de l'état de santé de

Mme X en estimant que l'intéressée pouvait faire l'objet d'un suivi médical adapté dans son pays d'origine ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et des libertés d'autrui. ; qu'il ressort des pièces du dossier que si, à la date des décisions attaquées, M. et Mme X séjournaient ensemble en France depuis quatre ans, il est constant qu'ils se sont maintenus irrégulièrement sur le territoire national durant cette période après les rejets successifs de leurs demandes tendant à obtenir la reconnaissance du statut de réfugié politique, puis de délivrance d'une carte de séjour temporaire assortie de la mention vie privée et familiale ; qu'en outre, si leur fils Daniel résidait également en France, il a fait l'objet, antérieurement aux arrêtés préfectoraux attaqués, d'une décision de refus de délivrance de titre de séjour ; que, par ailleurs, M. et Mme X ne sauraient se prévaloir des seules circonstances que leur fille Sara a acquis par mariage la nationalité française et que leur fils cadet Tite est né en France ; qu'ils n'apportent aucun élément de nature à démontrer que leur vie familiale ne pourrait pas se poursuivre avec leur fils mineur au Congo, pays dans lequel ils ont habituellement vécu, où ils se sont mariés et ont fondé leur famille et où ils n'établissent, ni même n'allèguent se trouver isolés en cas de retour ; qu'enfin, si les requérants font état des liens sociaux et amicaux qu'ils ont tissés en France, dans le cadre de leur engagement religieux, il ressort des pièces du dossier que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment de la durée et des conditions de séjour des requérants en France, les décisions du préfet du Nord leur refusant la délivrance d'un titre de séjour n'ont pas porté à leur droit au respect de leur vie privée une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elles ont été prises ; qu'il suit de là que M. et Mme X ne sont pas fondés à soutenir que lesdites décisions ont été prises en méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article 9 de la même convention : 1. Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l'enseignement, les pratiques et l'accomplissement des rites. 2. La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l'ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ; que les décisions attaquées, qui se bornent à refuser aux requérants la délivrance d'un titre de séjour, n'ont ni pour objet, ni pour effet de porter atteinte aux droits et libertés garanties par les stipulations précitées, alors même que

M. X a exercé son ministère en France depuis quatre ans et que son épouse s'est investie à ses côtés durant cette période ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 9 précité de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'est pas fondé ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

Considérant que l'article L. 911-1 du code de justice administrative dispose que : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ; que le présent arrêt, qui rejette la requête de M. et Mme X, n'implique aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions aux fins d'injonction présentées par M. et Mme X doivent être rejetées ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme X ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a rejeté leurs demandes ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que l'article L. 761-1 du code de justice administrative dispose que : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ;

Considérant que lesdites dispositions s'opposent à ce que l'Etat, qui n'est pas, en la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à Me Berthe la somme qu'il demande au titre des frais exposés par M. et Mme X et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme X est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme Boniface X et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

Copie sera transmise au préfet du Nord.

Délibéré après l'audience du 3 mai 2005, à laquelle siégeaient :

- M. Gipoulon, président de chambre,

- Mme Signerin-Icre, président-assesseur,

- M. Mesmin d'Estienne, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 17 mai 2005.

Le rapporteur,

Signé : C. SIGNERIN-ICRE

Le président de chambre,

Signé : J.F. GIPOULON

Le greffier,

Signé : G. VANDENBERGHE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le Greffier

G. VANDENBERGHE

2

N°04DA00977


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 04DA00977
Date de la décision : 17/05/2005
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Gipoulon
Rapporteur ?: Mme Corinne Signerin-Icre
Rapporteur public ?: M. Paganel
Avocat(s) : BERTHE

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2005-05-17;04da00977 ?
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