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15/07/2005 | FRANCE | N°05DA00557

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, Juge des reconduites a la frontiere, 15 juillet 2005, 05DA00557


Vu la requête, enregistrée le 12 mai 2005, présentée pour M. Galip X demeurant ... ; M. X demande au président de la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 05-00946, en date du 8 avril 2005, par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 29 mars 2005 par lequel le préfet de l'Oise a décidé sa reconduite à la frontière et a fixé le pays de destination ;

2°) d'annuler cet arrêté pour excès de pouvoir ;

Il soutient que le jugement fait apparaître des

léments qui ne paraissent pas correspondre aux procédures engagées ; qu'il n'a pas eu la po...

Vu la requête, enregistrée le 12 mai 2005, présentée pour M. Galip X demeurant ... ; M. X demande au président de la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 05-00946, en date du 8 avril 2005, par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 29 mars 2005 par lequel le préfet de l'Oise a décidé sa reconduite à la frontière et a fixé le pays de destination ;

2°) d'annuler cet arrêté pour excès de pouvoir ;

Il soutient que le jugement fait apparaître des éléments qui ne paraissent pas correspondre aux procédures engagées ; qu'il n'a pas eu la possibilité de s'exprimer et que l'interprète n'était pas présent ; que la décision de refus de séjour va à l'encontre de l'intérêt de ses quatre enfants et méconnaît la convention internationale des droits de l'enfant, notamment ses articles 3-1 et 9 ; que sa famille ne menace aucunement l'ordre public et qu'ils se sont intégrés à la société française ; que sa reconduite à la frontière en Turquie présente des risques graves ; que, par ailleurs, un recours contre la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 11 mars 2005 est toujours pendant devant la Commission des recours des réfugiés ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu la lettre du 18 mai 2005 portant demande de régularisation de la requête ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle en date du 18 mai 2005 prononçant l'aide juridictionnelle provisoire ;

Vu le mémoire, enregistré le 17 juin 2005, présenté pour M. X par Me Lausin, avocat en vue de régulariser la requête d'appel ; M. X conclut aux mêmes fins que la requête et, en outre, à ce qu'il soit enjoint au préfet de l'Oise de lui délivrer une autorisation provisoire ou une carte de séjour temporaire vie privée et familiale ; qu'il confirme ses précédents moyens tirés de la violation des articles 8 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 1er juillet 2005, présenté par le préfet de l'Oise qui conclut au rejet de la requête et fait valoir que la décision contestée, qui est motivée, a été signée par une autorité régulièrement habilitée ; qu'il a été débouté de sa demande d'asile à trois reprises ; qu'il ne justifie pas être en droit de prétendre à une décision d'admission au séjour sur le fondement des articles L. 313-11 ou L. 314-11 du code ; qu'il est démuni du visa de long séjour ; qu'il n'est pas isolé dans son pays d'origine où réside sa famille ; que son épouse fait également l'objet d'une mesure d'éloignement ; qu'il ne doit pas bénéficier des protections de l'article L. 511-4 du code ; qu'il ne soulève pas de difficultés d'ordre médical s'opposant à son départ ; qu'il n'établit pas sur la base de faits nouveaux non examinés par les instances compétentes que sa sécurité serait menacée dans son pays d'origine ; qu'il ne conteste pas avoir la nationalité turque ; que les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'ont pas été en l'espèce méconnus ; que les droits de l'enfant ne sont pas violés en l'espèce ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique et le décret n°91-1266 du 19 décembre 1991, modifié ;

Vu la délégation du président de la Cour en date du 3 janvier 2005 prise en vertu de l'article R. 222-33 du code de justice administrative ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 juillet 2005 à laquelle siégeait

M. Yeznikian, président délégué :

- les observations de Me Lausin, pour M. X ;

- et les conclusions de M. Lepers, commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 776-11 du code de justice administrative : Dans le cas où l'étranger, qui ne parle pas suffisamment la langue française, le demande, le président nomme un interprète qui doit prêter serment d'apporter son concours à la justice en son honneur et en sa conscience. Cette demande peut être formulée dès le dépôt de la requête introductive d'instance ; qu'il appartient au président du Tribunal ou au magistrat délégué par lui d'apprécier si l'intéressé est en mesure de comprendre et de s'exprimer suffisamment en français ;

Considérant que M. X fait valoir qu'il n'a pas eu la possibilité de s'exprimer lors de l'audience du 8 avril 2005 ou de bénéficier du concours d'un interprète ; qu'il résulte des mentions non contredites du jugement attaqué que M. X, présent à l'audience, était représenté par un avocat commis d'office qui a été invité à présenter des observations orales et a développé les moyens présentés au soutien de la demande ; que, par ailleurs, il ne ressort ni du jugement attaqué ni des autres pièces du dossier que l'intéressé, qui se prévaut de son apprentissage du français en vue de son intégration, avait demandé le concours d'un interprète devant le Tribunal ; que, dans ces conditions, en estimant qu'il n'y avait pas lieu, dans ces conditions, de faire appel à un interprète ou de donner directement la parole à l'intéressé, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif d'Amiens n'a pas entaché d'irrégularité son jugement, lequel comporte, en outre, les visas des actes de procédure ;

Sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé, ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà d'un délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, de nationalité turque, après le rejet de sa demande d'obtention du statut de réfugié, s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 1er avril 2004 de la décision du

17 mars 2004 par laquelle le préfet de l'Oise lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et l'a invité à quitter le territoire français ; qu'il était ainsi dans le cas prévu par les dispositions du 3° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut décider la reconduite à la frontière d'un étranger ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'après que la demande de statut de réfugié présentée par M. X a été rejetée une première fois par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 24 juillet 2003 puis par la commission de recours des réfugiés le 5 mars 2004, l'intéressé a sollicité le réexamen de sa situation devant l'Office français de protection des réfugiés et apatrides à deux reprises et a obtenu à nouveau deux décisions de rejet prononcées les 29 juin 2004 et 11 mars 2005 ; que, si cette dernière décision examinée par l'Office français des réfugiés et apatrides, dans le cadre de la procédure prioritaire, a été contestée devant la commission de recours des réfugiés, cet appel doit être regardé comme ayant eu pour seul objet de faire échec, dans un but dilatoire, à la mesure d'éloignement susceptible d'être prise à l'encontre de M. X ; que, par suite, le préfet de l'Oise n'a pas entaché d'erreur de droit son arrêté en prononçant, avant la décision de la commission de recours des réfugiés, l'éloignement de l'intéressé ;

Sur l'exception d'illégalité de la décision du préfet de l'Oise du 17 mars 2004 :

Considérant que M. X excipe de l'illégalité de la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour en faisant valoir, d'une part, qu'il a quatre enfants en bas âge dont des jumeaux de quatre ans qui sont les aînés et qui fréquentent régulièrement l'école où ils sont parfaitement intégrés, que, d'autre part, sa présence ainsi que celle de son épouse ne constituent pas une menace pour l'ordre public, enfin, qu'ils sont eux-mêmes bien intégrés à la société française ; que, toutefois, la circonstance que des mineurs ne puissent pas faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière ne fait pas obstacle à ce que les parents de ces enfants fassent l'objet d'une telle mesure, alors même que certains des enfants mineurs sont scolarisés en France ; que, par ailleurs, il ressort des pièces du dossier qu'en l'absence de toute circonstance mettant l'intéressé et son épouse - laquelle fait également l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière -, dans l'impossibilité d'emmener leurs enfants avec eux, la mesure prise à l'égard de

M. X, qui n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; que, par suite, le moyen tiré d'une violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté ;

Considérant qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant, publiée par le décret du 8 octobre 1990 : Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ; qu'il résulte de ces dispositions que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ; que, toutefois, dans les circonstances de l'espèce, et eu égard au fait que M. X et sa famille peuvent poursuivre leur vie familiale ailleurs qu'en France, ces stipulations n'ont pas été méconnues par la décision attaquée ;

Considérant que les stipulations de l'article 9 de la convention internationale des droits de l'enfant créent seulement des obligations entre Etats sans ouvrir de droits aux intéressés ; que le requérant ne peut, par suite, utilement s'en prévaloir ;

Sur la décision distincte fixant la Turquie comme pays de destination :

Considérant que si M. X invoque la situation générale en Turquie, sa vie militante, un emprisonnement assorti de mauvais traitements, des risques personnels en cas de renvoi, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé, dont la demande d'admission au statut de réfugié a d'ailleurs été rejetée à plusieurs reprises comme il a été dit, n'apporte pas d'élément de nature à établir la réalité des risques personnels que comporterait pour lui un retour dans son pays d'origine ; que, par suite, la décision fixant le pays de destination n'est pas contraire aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué qui n'est entaché d'irrégularité, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant que la présente décision n'appelle aucune mesure d'exécution ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. X est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Galip X et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.

Copie sera transmise au préfet de l'Oise.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : Juge des reconduites a la frontiere
Numéro d'arrêt : 05DA00557
Date de la décision : 15/07/2005
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Olivier Yeznikian
Rapporteur public ?: M. Lepers
Avocat(s) : LAUSIN

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2005-07-15;05da00557 ?
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