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06/10/2005 | FRANCE | N°05DA00898

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, Juge des reconduites a la frontiere, 06 octobre 2005, 05DA00898


Vu la requête, enregistrée le 20 juillet 2005 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, et son mémoire enregistré le 2 août 2005, présentés par le PREFET DU PAS-DE-CALAIS ; le PREFET DU PAS-DE-CALAIS demande au président de la Cour :

11) d'annuler le jugement n° 05-3394, en date du 10 juin 2005, en tant que, par ledit jugement, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Lille a, à la demande de Mme , née , annulé son arrêté en date du 31 mai 2005 par lequel il a fixé la Turquie comme pays de destination ;

2°) de rejeter la d

emande présentée par Mme devant le Tribunal administratif ;

Il soutient que le...

Vu la requête, enregistrée le 20 juillet 2005 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, et son mémoire enregistré le 2 août 2005, présentés par le PREFET DU PAS-DE-CALAIS ; le PREFET DU PAS-DE-CALAIS demande au président de la Cour :

11) d'annuler le jugement n° 05-3394, en date du 10 juin 2005, en tant que, par ledit jugement, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Lille a, à la demande de Mme , née , annulé son arrêté en date du 31 mai 2005 par lequel il a fixé la Turquie comme pays de destination ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme devant le Tribunal administratif ;

Il soutient que le magistrat délégué a commis une erreur de fait, une erreur de droit et une erreur manifeste d'appréciation ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les pièces desquelles il résulte que la requête a été communiquée à Mme et retournée par le bureau de poste avec la mention « n'habite pas à l'adresse indiquée » ;

Vu l'ordonnance en date du 28 juillet 2005 portant clôture de l'instruction au

10 septembre 2005 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la délégation du président de la Cour en date du 3 janvier 2005 prise en vertu de l'article R. 222-33 du code de justice administrative ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 septembre 2005 :

- le rapport de M. Yeznikian, président délégué ;

- les observations de Mme A, représentant le préfet du Pas-de-Calais ;

- et les conclusions de M. Le Goff, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 3 du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du

18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant d'un pays tiers : « 1. Les Etat membres examinent toute demande d'asile par un ressortissant d'un pays tiers à l'un quelconque d'entre eux, que ce soit à la frontière ou sur le territoire de l'Etat membre concerné. La demande d'asile est examinée par un seul Etat membre qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. 2. Par dérogation au paragraphe 1, chaque Etat membre peut examiner une demande d'asile qui lui est présentée par un ressortissant d'un pays tiers, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. Dans ce cas, cet Etat devient l'Etat responsable au sens du présent règlement et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. Le cas échéant, il en informe l'Etat membre antérieurement responsable, celui qui conduit une procédure de détermination de l'Etat membre responsable ou celui qui a été requis aux fins de prise en charge ou de reprise en charge » ;

Considérant que, suite à son interpellation par les services de la police de l'air et des frontières de Coquelles, Mme X... , née , de nationalité turque, après avoir signalé avoir eu l'intention de se rendre clandestinement en Angleterre, a déclaré souhaiter déposer une demande d'asile en France afin d'éviter un retour dans son pays d'origine où, selon elle, elle serait menacée du fait de son engagement en faveur de la cause kurde ; que, si postérieurement à ses premières déclarations et à l'intervention de la décision préfectorale litigieuse du 31 mai 2005, elle a, dans le cadre de la procédure de maintien en rétention provisoire qui s'est déroulée devant le Tribunal de grande instance de Boulogne-sur-Mer le 3 juin 2005, reconnu avoir déjà sollicité l'asile en Allemagne, elle a également précisé, à cette occasion, avoir quitté ce pays sans attendre la réponse à sa demande et a ajouté ne pas souhaiter y retourner ; que les éléments recueillis par la police de l'air et des frontières le 8 juin 2005 ont confirmé les dernières déclarations de Mme et ont fait apparaître qu'elle ne s'était pas rendue à la convocation à l'entretien prévu pour l'instruction de la demande d'asile en Allemagne ; que, dès lors, en permettant à Mme de déposer un dossier de demande d'asile en France sans engager une procédure destinée à désigner l'Allemagne comme l'Etat responsable de la demande d'asile et sans davantage solliciter des autorités de ce pays la prise en charge de l'intéressée en application des dispositions générales du règlement (CE) précité du

18 février 2003, les autorités françaises doivent être regardées comme ayant entendu faire usage de la dérogation prévue au paragraphe 2 de l'article 3 susmentionné du même règlement qui permet le transfert à l'Etat membre sur lequel l'étranger se trouve de la responsabilité de l'examen de la demande d'asile au sein de l'Union européenne ; que, par suite, le PREFET DU PAS-DE-CALAIS est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat délégué par le Tribunal administratif de Lille s'est fondé sur le motif tiré de la méconnaissance des articles 13 et 15 du règlement (CE)

n° 343/2003, dont il a déduit qu'il appartenait à l'Allemagne d'examiner la demande d'asile déposée par l'intéressée, pour annuler, par l'article 1er de son jugement, la décision préfectorale du

31 mai 2005 fixant la Turquie comme pays de destination sous réserve du rejet par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides de la demande d'asile ;

Considérant que, saisi par l'effet dévolutif de l'appel, il y a lieu d'examiner l'autre moyen soulevé par Mme devant le Tribunal administratif et dirigé contre de la décision fixant le pays de destination ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « L'étranger qui doit être reconduit à la frontière est éloigné : 1°) A destination du pays dont il a nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Commission des recours des réfugiés lui a reconnu le statut de réfugié ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; 2°) ou à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ; 3°) ou à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible. Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 » ;

Considérant que si Mme fait état des risques que lui ferait courir son retour dans son pays d'origine au regard des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la décision fixant le pays de destination a été prise, en tout état de cause, sous réserve de l'examen de sa demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ; qu'en outre, elle ne produit pas, devant le juge de la reconduite, d'éléments suffisamment probants de nature à justifier qu'elle encourrait personnellement des risques du type de ceux que dénonce l'article 3 de ladite convention ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations ne peut, à la date à laquelle la décision a été prise, qu'être écarté ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DU PAS-DE-CALAIS est fondé à demander l'annulation de l'article 1er du jugement du magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Lille ainsi que le rejet des conclusions de la demande présentée par

Mme devant le Tribunal administratif dirigées contre l'arrêté en date du 31 mai 2005 fixant le pays de destination ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'article 1er du jugement n° 05-3394, en date du 10 juin 2005, du magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Lille est annulé et la demande de Mme en tant qu'elle est dirigée contre l'arrêté en date du 31 mai 2005 du PREFET DU PAS-DE-CALAIS fixant le pays de renvoi, est rejetée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DU PAS-DE-CALAIS, à

Mme X... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.

N°05DA00898 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : Juge des reconduites a la frontiere
Numéro d'arrêt : 05DA00898
Date de la décision : 06/10/2005
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Olivier Yeznikian
Rapporteur public ?: M. Le Goff

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2005-10-06;05da00898 ?
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