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06/10/2005 | FRANCE | N°05DA01019

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, Juge des reconduites a la frontiere, 06 octobre 2005, 05DA01019


Vu la requête, enregistrée le 8 août 2005, présentée par le PREFET DE L'EURE ; le PREFET DE L'EURE demande au président de la Cour :

11) d'annuler le jugement n° 05-1669, en date du 12 juillet 2005, par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Rouen a, à la demande de M. Ali X, annulé son arrêté en date du 8 juillet 2005 décidant sa reconduite à la frontière ainsi que la décision distincte fixant le pays de destination ;

2°) de rejeter la demande de M. X ;

Il soutient que, compte tenu des pièces versées au dossier, c'e

st à tort que le juge de la reconduite a estimé qu'il avait commis une erreur manifeste...

Vu la requête, enregistrée le 8 août 2005, présentée par le PREFET DE L'EURE ; le PREFET DE L'EURE demande au président de la Cour :

11) d'annuler le jugement n° 05-1669, en date du 12 juillet 2005, par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Rouen a, à la demande de M. Ali X, annulé son arrêté en date du 8 juillet 2005 décidant sa reconduite à la frontière ainsi que la décision distincte fixant le pays de destination ;

2°) de rejeter la demande de M. X ;

Il soutient que, compte tenu des pièces versées au dossier, c'est à tort que le juge de la reconduite a estimé qu'il avait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la mesure d'éloignement sur la situation de M. X ; que l'intéressé a toujours de la famille au Pakistan ; que l'absence de demande d'asile tend à démontrer que les risques encourus en cas de retour dans son pays ne sont pas justifiés ; que la mesure prise n'a pas pour but d'empêcher M. X de se marier ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les pièces du dossier au vu desquelles il résulte que la requête a été communiquée et retournée par le bureau de poste avec la mention « n'habite pas à l'adresse indiquée » ;

Vu l'ordonnance en date du 17 août 2005 portant clôture de l'instruction au

16 septembre 2005 ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 14 septembre 2005, présenté pour M. X, demeurant chez M. et Mme Patrick Y à ..., par Me Mouchabac, qui conclut au rejet de la requête et à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; il soutient que les arguments du préfet doivent être écartés ; qu'il apporte de nouvelles pièces permettant d'établir l'effectivité de sa présence en France depuis cinq ans et surtout des liens qui l'unissent à Mlle Y et à ses futurs beaux-parents ; qu'il a été, en outre, récemment embauché comme maçon ; que l'arrêté du PREFET DE L'EURE est insuffisamment motivé ; qu'il porte atteinte à sa vie privée et familiale et méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il produit des attestations probantes en ce sens ; qu'il a noué des liens étroits avec sa future belle-famille et les amis de celle-ci ; qu'il n'a plus d'attaches dans sa famille d'origine, son père étant décédé et sa mère très âgée ; qu'ils ont engagé une procédure de mariage ; que la décision fixant le pays de destination a été prise en méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que des personnes en veulent à sa vie ;

Vu les mentions au dossier qui attestent que le mémoire de M. X a été communiqué au PREFET DE L'EURE pour production d'une réplique ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la délégation du président de la Cour en date du 3 janvier 2005 prise en vertu de l'article R. 222-33 du code de justice administrative ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 septembre 2005 :

- le rapport de M. Yeznikian, président délégué ;

- et les conclusions de M. Le Goff, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement en France, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, de nationalité pakistanaise, qui a déclaré être entré en France en janvier 2000, n'a pu justifier des conditions de cette entrée, et s'est, en tout état de cause, maintenu plus de 3 mois sur le territoire national sans être titulaire d'un premier titre de séjour ; que, par suite, M. X entrait dans le champ d'application des dispositions précitées ;

Considérant toutefois qu'il ressort des pièces du dossier que les affirmations de M. X déclarant être entré en France en 2000 et vivre en concubinage depuis cinq ans avec une ressortissante française avec laquelle il aurait un projet sérieux de mariage, se trouvent corroborées par les témoignages nombreux, divers et concordants produits en cause d'appel et non contestés ; que, dans les circonstances particulières de l'espèce, et compte tenu de la durée, de la stabilité et de l'intensité de la vie commune entre les concubins ainsi que des liens entretenus par M. X avec la famille de sa compagne ou ses amis ainsi que de son degré d'intégration en France, l'arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière a porté au droit de l'intéressé, dont les attaches au Pakistan qu'il a quitté depuis de nombreuses années sont désormais moins fortes, au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels la mesure d'éloignement a été prise ; que, par suite, le PREFET DE L'EURE n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté en date du 8 juillet 2005 ordonnant la reconduite à la frontière de M. X ainsi que la décision distincte fixant le Pakistan comme pays de destination ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros sur les 1 500 euros que M. X demande en application de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du PREFET DE L'EURE est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à M. X la somme de 1 000 euros en application de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE L'EURE, à M. Ali X et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.

N°05DA01019 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : Juge des reconduites a la frontiere
Numéro d'arrêt : 05DA01019
Date de la décision : 06/10/2005
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Olivier Yeznikian
Rapporteur public ?: M. Le Goff
Avocat(s) : MOUCHABAC

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2005-10-06;05da01019 ?
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