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11/10/2005 | FRANCE | N°04DA00531

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation a 3, 11 octobre 2005, 04DA00531


Vu la requête, enregistrée le 2 juillet 2004 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. Léandre X, demeurant ..., par Me Pauchet ; M. X demande à la Cour :

11) d'annuler le jugement n° 0102805 en date du 8 avril 2004 du Tribunal administratif de Lille, en tant que ledit tribunal, après avoir décidé qu'il n'y avait pas lieu de statuer à concurrence du dégrèvement prononcé en cours d'instance par l'administration fiscale, a rejeté le surplus des conclusions de sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le

revenu, à la contribution sociale généralisée et à la contribution au re...

Vu la requête, enregistrée le 2 juillet 2004 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. Léandre X, demeurant ..., par Me Pauchet ; M. X demande à la Cour :

11) d'annuler le jugement n° 0102805 en date du 8 avril 2004 du Tribunal administratif de Lille, en tant que ledit tribunal, après avoir décidé qu'il n'y avait pas lieu de statuer à concurrence du dégrèvement prononcé en cours d'instance par l'administration fiscale, a rejeté le surplus des conclusions de sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu, à la contribution sociale généralisée et à la contribution au remboursement de la dette sociale auxquelles il a été assujetti au titre des années 1996, 1997 et 1998, mises en recouvrement les 31 juillet, 30 et 31 décembre 1999 et à la condamnation de l'Etat à lui rembourser les frais de constitution de garantie ;

2°) de prononcer la décharge des impositions restant en litige ;

3°) de condamner l'Etat à lui rembourser les frais exposés pour constituer des garanties ;

4°) de condamner l'Etat au paiement d'intérêts moratoires ;

5°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 2 000 euros hors taxes sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient qu'il a apporté les précisions suffisantes quant au nombre, à l'importance et à la nature professionnelle des déplacements ayant donné lieu aux frais, calculés selon le barème publié par l'administration, qu'il a portés en déduction ; qu'en particulier, les états des distances parcourues qu'il a produits, lesquels ont été établis à partir de ses agendas professionnels, sont suffisamment précis et détaillés ; que la jurisprudence et la doctrine administrative admettent d'ailleurs un tel mode de preuve ; qu'à titre complémentaire, des précisions quant aux véhicules utilisés sont apportées ; que le rapprochement de ces différentes pièces permet de constater leur cohérence ; qu'en outre, plusieurs attestations versées au dossier confirment la fréquence des déplacements effectués ; que, lors de précédents contrôles, notamment de l'examen de l'ensemble de sa situation fiscale personnelle effectué en 1991, l'administration a eu connaissance des modalités selon lesquelles il avait procédé dans les mêmes conditions à la déduction de ses frais de déplacements, sans que la méthode employée soit remise en cause ; qu'il s'agit d'une prise de position formelle de l'administration, qui lui est opposable ; que, par ailleurs, s'agissant de la déduction des frais financiers, ils correspondent aux échéances de remboursement d'un emprunt de 3 millions de francs contracté à titre personnel afin de renforcer la trésorerie de son entreprise ; que, dans ces conditions, ces frais sont déductibles de ses salaires ; que, sur cette question également, l'administration a pris formellement position, lors du précédent contrôle susmentionné, renonçant à remettre en cause les déductions pratiquées ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 8 décembre 2004, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ; il conclut au rejet de la requête ; il soutient que M. X, qui a utilisé le barème kilométrique forfaitaire publié par l'administration pour calculer ses frais de déplacement, devait néanmoins justifier avec une exactitude suffisante le nombre, l'importance et la nature professionnelle des trajets correspondants ; que l'intéressé produit une nouvelle fois des extraits de ses agendas professionnels présentant une liste de rendez-vous et le relevé des distances correspondantes ; que des incohérences peuvent être mises en évidence entre les versions successivement produites, notamment au cours de la procédure contentieuse, de ces documents ; qu'il en ressort, en outre, même si l'on peut concevoir que l'activité de ce secteur est particulièrement soutenue tout au long de l'année, que M. X n'aurait pris, hormis trois jours fériés, aucun congé en 1997 et 1998 ; que si le requérant produit, pour la première fois en appel, des pièces relatives à chacun des véhicules utilisés, ces pièces ne permettent ni de déterminer par année les déplacements effectués, ni de distinguer les déplacements privés réalisés avec ces différents véhicules et, à priori, compris dans les évaluations moyennes fournies par le requérant ; qu'en outre, eu égard au nombre de kilomètre réalisés, M. X a dû procéder à un entretien régulier de ses véhicules, ce dont il ne justifie pas par les rares factures produites, alors que de tels documents auraient permis de fixer le kilométrage parcouru par chacun d'eux ; que si les attestations fournies mentionnent que M. X effectuait de nombreux trajets en véhicule, elles n'établissent pas précisément quels étaient ces derniers et concernent, en outre, des années postérieures aux années d'imposition en litige ; qu'enfin, la circonstance que l'administration a effectué des vérifications antérieures sans qu'intervienne un rehaussement sur ce point particulier ne saurait être regardée comme impliquant une interprétation formelle d'un texte fiscal ; que, par ailleurs, s'agissant des frais financiers, le contrat d'emprunt fourni par M. X ne précise pas son objet ; qu'en outre, aucune des pièces présentées ne permet de s'assurer que les fonds empruntés ont été mis à disposition de la société ; qu'aucun engagement de caution n'apparaît avoir été établi par l'intéressé ; que le montant des intérêts d'emprunt dont M. X revendique la déduction sont, en outre, hors de proportion avec ses revenus déclarés ; qu'enfin, l'administration n'a pas entériné la déduction de ces frais au cours d'années antérieures ; que, s'agissant de la demande de remboursement des frais de constitution de garantie et le paiement d'intérêts moratoires, il n'existe aucun litige né et actuel les concernant entre le requérant et le comptable, de sorte qu'une telle demande s'avère irrecevable ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 10 janvier 2005, présenté pour M. X ; il conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ; il soutient, en outre, que les anomalies relevées par l'administration dans le détail des relevés kilométriques extraits de ses agendas professionnels ne remettent pas en cause la réalité des distances parcourues ; qu'il y a lieu, au vu des pièces produites, d'admettre qu'il consacre tout son temps à la société Import Ménager X et que, par conséquent, l'intégralité des kilomètres parcourus avec ses véhicules sont d'ordre professionnel ; que l'administration, qui se borne à exiger la production de pièces qu'il n'a plus, refuse dans le même temps d'examiner les autres moyens de preuve utilisés pour justifier ses déplacements ; qu'il n'est pas nécessaire qu'une prise de position formelle soit concrétisée par un écrit pour être opposable à l'administration ; que l'administration a, en l'espèce, formellement pris position, tant en ce qui concerne la déductibilité de ses frais de déplacement qu'en ce qui concerne celle des frais financiers ; que les frais financiers en litige répondent d'ailleurs à la définition des frais réels donnée par le code général des impôts ;

Vu le mémoire, enregistré le 26 janvier 2005, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ; il conclut aux mêmes fins que précédemment et fait connaître que le dernier mémoire produit pour M. X n'appelle aucune observation de sa part ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 septembre 2005 à laquelle siégeaient Mme Helmholtz, président de chambre, Mme Signerin-Icre, président-assesseur et Mme Eliot, conseiller :

- le rapport de Mme Signerin-Icre, président-assesseur ;

- et les conclusions de M. Le Goff, commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. X forme appel du jugement en date du 8 avril 2004 du Tribunal administratif de Lille, en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu, à la contribution sociale généralisée et à la contribution au remboursement de la dette sociale auxquelles il a été assujetti au titre des années 1996, 1997 et 1998, en conséquence de la remise en cause par l'administration des déductions qu'il avait opérées dans ses déclarations de revenus souscrites au titre desdites années et correspondant, d'une part, aux frais de déplacement exposés par lui pour effectuer, à l'aide de ses véhicules personnels, des actions de démarchage commercial et des visites de suivi de chantier dans différents établissements exploités par les clients de la société qu'il dirige, d'autre part, aux échéances de remboursement d'un emprunt qu'il aurait contracté dans le but de renforcer la trésorerie de ladite société ;

Considérant qu'aux termes de l'article 83 du code général des impôts dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : « Le montant net du revenu imposable est déterminé en déduisant du montant brut des sommes payées et des avantages en argent ou en nature accordés : …3° Les frais inhérents à la fonction ou à l'emploi lorsqu'ils ne sont pas couverts par des allocations spéciales. La déduction à effectuer du chef des frais professionnels est calculée forfaitairement en fonction du revenu brut… ; elle est fixée à 10 % du montant de ce revenu. … Les bénéficiaires de traitements et salaires sont également admis à justifier du montant de leurs frais réels… Les frais de déplacement de moins de quarante kilomètres entre le domicile et le lieu de travail sont admis, sur justificatifs, au titre des frais professionnels réels. » ;

Sur la déduction des frais de déplacement :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

Considérant qu'en vertu des dispositions précitées, les frais de transport réellement exposés par les salariés dans le cadre de l'exercice de leur profession sont, en principe, sous réserve d'être justifiés tant dans leur réalité que dans leur nature professionnelle, admis en déduction de leurs rémunérations brutes ; que si les contribuables peuvent avoir recours, pour calculer lesdits frais, au barème kilométrique forfaitaire établi par l'administration, ils ne sont fondés à le faire que s'ils déterminent avec une exactitude suffisante le nombre, l'importance et la nature professionnelle des déplacements correspondants ; que M. X produit au soutien de sa requête d'appel une liste, par dates, de rendez-vous et, en regard, un relevé des distances correspondantes, qui ne saurait être, compte tenu de son manque de précision et des incohérences mises en évidence par l'administration, de nature à elle seule à justifier avec une exactitude suffisante tant du nombre et de l'importance que de la nature professionnelle des déplacements allégués ; que si M. X produit, en outre, des attestations établies par deux anciens salariés, d'une part, et par des clients, d'autre part, les premières sont insuffisamment circonstanciées pour être regardées comme probantes et les secondes font état de faits postérieurs aux années d'imposition en litige ; qu'enfin, les documents fournis par M. X pour justifier de l'utilisation effective de ses véhicules successifs et notamment les quelques factures d'entretien produites, lesquelles sont d'ailleurs pour la plupart postérieures aux années d'imposition en litige, sont insuffisants pour justifier de la réalité des déplacements ayant donné lieu à la déduction des frais correspondants ; que, dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration a remis en cause comme insuffisamment justifiées les déductions opérées par M. X au titre des frais de déplacement ;

En ce qui concerne le bénéfice de l'interprétation de la loi fiscale :

Considérant, en premier lieu, que la réponse apportée le 25 mai 1987 par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie à M. Y, député, selon laquelle : « … la production d'un agenda professionnel précis et détaillé pourrait justifier du kilométrage parcouru à titre professionnel. », n'ajoute rien sur ce point à la loi fiscale et ne comporte pas d'interprétation de celle-ci dont M. X pourrait se prévaloir de manière pertinente sur le terrain de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;

Considérant, en second lieu, que M. X se prévaut également des dispositions de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, aux termes desquelles : « La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal » ; que, toutefois, l'absence de redressement relatif aux frais de déplacement à la suite de l'examen de l'ensemble de la situation fiscale personnelle du contribuable effectué en 1991, qui ne repose pas sur une décision motivée de l'administration, ne peut être regardée comme constituant une prise de position formelle par l'administration sur l'appréciation d'une situation de fait ;

Sur la déduction des échéances de remboursement d'emprunt :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

Considérant que M. X, qui exerçait les fonctions de président-directeur général de la société anonyme Import Ménager X, a souscrit, en octobre 1990, un emprunt d'un montant de trois millions de francs auprès du Crédit foncier de France ; qu'à supposer même que M. X ait fait apport des fonds ainsi obtenus au compte courant ouvert à son nom dans les écritures de la société, en vue d'assurer la solvabilité de cette dernière, les charges qu'il a supportées en 1996, 1997 et en 1998, pour rembourser l'emprunt qu'il avait contracté, ne peuvent, en raison du caractère spontané de cet engagement, être regardées comme des dépenses ou frais susceptibles de donner lieu à déduction en vertu des dispositions précitées du 3°) de l'article 83 du code général des impôts ;

En ce qui concerne le bénéfice de l'interprétation de la loi fiscale :

Considérant que si M. X fait là encore valoir que l'administration avait procédé à un examen de l'ensemble de sa situation fiscale personnelle au titre des années antérieures sans qu'intervienne aucun rehaussement relatif aux échéances de remboursement d'emprunt portées en déduction dans les mêmes conditions, cette circonstance ne saurait davantage que précédemment être regardée comme impliquant, en l'absence de toute décision motivée, que l'administration ait pris formellement position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard du texte fiscal, dont le requérant serait fondé à se prévaloir sur le fondement de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a rejeté le surplus des conclusions de sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu, à la contribution sociale généralisée et à la contribution au remboursement de la dette sociale auxquelles il a été assujetti au titre des années 1996, 1997 et 1998 ;

Sur les conclusions tendant à la condamnation de l'Etat au remboursement des frais exposés pour constituer des garanties et au paiement d'intérêts moratoires :

Considérant que, compte tenu de ce qui précède, lesdites conclusions ne peuvent, en tout état de cause, qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que l'article L. 761-1 du code de justice administrative dispose que : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation » ;

Considérant que ces dispositions s'opposent à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. X demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. Léandre X est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Léandre X et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Copie sera transmise au directeur de contrôle fiscal Nord.

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N°04DA00531


Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : Mme Helmholtz
Rapporteur ?: Mme Corinne Signerin-Icre
Rapporteur public ?: M. Le Goff
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS FIDAL

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation a 3
Date de la décision : 11/10/2005
Date de l'import : 04/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 04DA00531
Numéro NOR : CETATEXT000007605548 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2005-10-11;04da00531 ?
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