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08/11/2005 | FRANCE | N°04DA00087

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation a 3, 08 novembre 2005, 04DA00087


Vu la requête, enregistrée le 29 janvier 2004 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la SA MOULURES X, représentée par Me Wiart, en sa qualité de mandataire liquidateur, dont le siège social est ..., par

Me Desurmont, avocat à la Cour ; la SA MOULURES X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 01-2627 du 6 novembre 2003 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er o

ctobre 1994 au

30 septembre 1997 par avis de mise en recouvrement n° 000800011 ...

Vu la requête, enregistrée le 29 janvier 2004 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la SA MOULURES X, représentée par Me Wiart, en sa qualité de mandataire liquidateur, dont le siège social est ..., par

Me Desurmont, avocat à la Cour ; la SA MOULURES X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 01-2627 du 6 novembre 2003 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er octobre 1994 au

30 septembre 1997 par avis de mise en recouvrement n° 000800011 du 24 août 2000, et les pénalités y afférentes ;

2°) de prononcer la décharge desdits droits et pénalités ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 500 euros en application de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative ;

La SA MOULURES X soutient :

- en premier lieu, que le jugement attaqué est entaché de nullité ; qu'en effet, la requête de première instance faisait expressément référence à la réclamation contentieuse du 13 décembre 2000 laquelle portait non seulement sur les prestations de la société Y Finances, mais aussi sur les autres déductions rejetées ; que saisi de conclusions concernant ces dernières déductions, le Tribunal devait y répondre sauf à statuer irrégulièrement ; que les moyens relatifs à ces autres déductions n'ont pas été examinés par le Tribunal, qui a limité à tort la recevabilité de la requête aux premières conclusions ; qu'à supposer que les premiers juges aient considéré une partie de la requête comme irrecevable à défaut d'exposé des moyens, le mémoire en défense de l'administration est venu lier le contentieux sur ce point précis ;

- en deuxième lieu, que les impositions ne sont pas fondées ; que, d'une part en effet, les prestations de la société Y Finances ont été justifiées tant dans leur montant que dans leur nature ; qu'il appartient à l'administration de démontrer que le bien ou service acquis n'était pas nécessaire à l'exploitation ; que M. Y a été mis, par la société Y Finances, à la disposition de l'exposante pour effectuer les prestations de gestion de cette dernière qui n'emploie que du personnel technique et administratif et aucun cadre ni dirigeant ; qu'en outre, dans le cadre de la procédure d'apurement collectif du passif dont l'exposante fait l'objet depuis 1994, le président du tribunal de commerce de Calais, lors de la reddition des comptes trimestriels, n'a jamais formulé la moindre objection en ce qui concerne le paiement des factures en cause ; que celles-ci ont été approuvées par les actionnaires après un rapport spécial du commissaire aux comptes ; que, d'autre part, le lien entre les autres dépenses rejetées par l'administration et l'exploitation de la société exposante a été justifié pendant la procédure de vérification ; que l'administration s'abstient de préciser les motifs qui l'amènent à conclure que les dépenses engagées par la société ne sont pas conformes à son intérêt et à l'exploitation de l'entreprise ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 17 mai 2004, présenté pour l'Etat, par le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, représenté par le directeur départemental des impôts ; le ministre demande à la Cour de rejeter la requête ;

Il soutient :

- en premier lieu, que le jugement attaqué est régulier ; qu'en effet, la demande de première instance se référait à la réclamation, laquelle ne contenait que des motifs relatifs aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée afférents aux factures établies par la société Y Finances, les autres rappels n'étant que formellement contestés ; que le Tribunal, après avoir examiné ces conclusions, a, à bon droit, considéré qu'elles n'étaient pas motivées ; que l'administration n'a pas lié le contentieux puisqu'elle a opposé à titre principal l'irrecevabilité de la requête ;

- en second lieu, que les impositions sont bien fondées ; qu'en effet, alors qu'il résulte des dispositions combinées des articles 271 II du code général des impôts et 230 de l'annexe II de ce code que la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les biens et services achetés n'est déductible que si ces dépenses ont été engagées dans l'intérêt de l'exploitation et alors que la seule existence de factures ne saurait suffire à justifier la réalité des prestations de service et de leur caractère nécessaire à l'exploitation, la requérante a déduit la taxe sur la valeur ajoutée grevant les factures établies par la société Y Finances qui est son actionnaire principal ; qu'elle n'a jamais été en mesure de justifier la nature exacte des travaux réalisés par la société Y Finances, ni de fournir les courriers, rapports et autres documents établis par cette dernière ; qu'il est apparu, en outre, que les tâches prétendument accomplies par cette société étaient déjà accomplies soit par du personnel salarié ayant le statut de cadre, soit par divers cabinets et conseils externes ; que, par ailleurs, l'aide financière apportée par la société Y Finances à la société requérante sur la période vérifiée n'existe pas ; que la société Y Finances disposait de moyens très réduits ; qu'enfin, si la requérante a prétendu que M. X... Y assurait sa gestion dans le cadre d'une mise à disposition de celui-ci par la société Y Finances, il n'est pas contesté que l'intéressé était le PDG de cette société et rémunéré à ce titre ; qu'ainsi, les conditions de déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée posées par les dispositions précitées n'étaient pas satisfaites ; que les circonstances que les factures de la société Y Finances ont fait l'objet d'un rapport spécial du commissaire aux comptes approuvé par les actionnaires et ont été admises lors de la procédures d'apurement collectif du passif sont inopérantes ;

- enfin, et à titre subsidiaire, s'agissant de la taxe sur la valeur ajoutée concernant d'autres factures relatives à des charges non engagées dans l'intérêt de l'entreprise, les factures de dépenses d'entretien et de réparation concernaient des véhicules n'appartenant pas à la requérante et dont l'usage n'était pas effectué au profit de l'exploitation dès lors que la société possédait ses propres véhicules ; que, de même, la société n'était pas autorisée à déduire la taxe sur la valeur ajoutée grevant les dépenses d'acquisition de vêtements non professionnels dans la mesure où ces biens et services n'ont pas été acquis dans l'intérêt de l'entreprise ; que, s'agissant par ailleurs de la taxe sur la valeur ajoutée afférente à des opérations exclues du droit à déduction, la société requérante a déduit la taxe sur la valeur ajoutée grevant trois cadeaux offerts à ses clients dont la valeur excédait 200 francs taxe comprise alors que la condition de très faible valeur posée par l'article 238 de l'annexe II du code général des impôts est considérée comme remplie seulement lorsque la valeur unitaire des objets n'excède pas au cours d'une année 200 francs taxe comprise ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 octobre 2005 à laquelle siégeaient Mme Helmholtz, président de chambre, Mme Signerin-Icre, président-assesseur et M. Mesmin d'Estienne, premier conseiller :

- le rapport de Mme Signerin-Icre, président-assesseur ;

- et les conclusions de M. Le Goff, commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a rejeté la demande de la SA MOULURES X tendant à la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er octobre 1994 au

30 septembre 1996, en considérant que les conclusions portant sur les rappels de taxe motivés par la remise en cause des déductions de taxe afférente aux prestations de la société Y Finances n'étaient pas fondées et que le surplus de la demande était irrecevable ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que la demande présentée par la société requérante devant les premiers juges renvoyait aux moyens contenus dans sa réclamation préalable dont copie était jointe ; que ladite réclamation faisait état, d'une part, de ce que les prestations facturées par la société Y Finances étaient justifiées tant dans leur nature que dans leur montant, en développant à l'appui de cette affirmation différents arguments, d'autre part, de ce que, s'agissant des autres déductions rejetées, toutes les justifications nécessaires quant au lien entre les dépenses litigieuses et l'exploitation de la société avaient été apportées ; que cette dernière énonciation, même si elle n'était assortie d'aucune justification particulière, était suffisamment précise pour constituer un moyen à l'appui des conclusions auxquelles elle se rapportait ; qu'il suit de là que la société requérante est fondée à soutenir qu'en rejetant lesdites conclusions comme irrecevables pour n'être pas motivées, le Tribunal a entaché son jugement d'irrégularité ; qu'il y a lieu, par suite, d'annuler ledit jugement sur ce point et de statuer sur ces conclusions par voie d'évocation et sur les conclusions relatives aux prestations facturées par la société Y Finances, par l'effet dévolutif de l'appel ;

Sur les impositions litigieuses :

S'agissant de la taxe sur la valeur ajoutée relative aux prestations facturées par la société Y Finances :

Considérant qu'aux termes de l'article 230 de l'annexe II au code général des impôts dans sa rédaction alors applicable : « La taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les biens et services que les assujettis à cette taxe acquièrent ou qu'ils se livrent à eux-mêmes n'est déductible que si ces biens ou services sont nécessaires à l'exploitation » ; que lorsque l'administration, sur le fondement de ces dispositions, met en cause la déductibilité de la taxe ayant grevé l'acquisition d'un bien ou d'un service, il lui appartient, lorsqu'elle a mis en oeuvre la procédure de redressement contradictoire et que le contribuable n'a pas accepté le redressement qui en découle, d'établir les faits sur lesquels elle se fonde pour soutenir que le bien ou le service acquis n'était pas nécessaire à l'exploitation ; que tel est le cas en l'espèce s'agissant de la remise en cause des déductions de taxe sur la valeur ajoutée relative aux prestations facturées par la société Y Finances au titre des trois périodes litigieuses ;

Considérant que pour remettre en cause la déductibilité de la taxe ayant grevé les prestations de services facturées à la requérante par la société Y Finances, au motif que ces prestations n'avaient pas été engagées dans l'intérêt de l'exploitation, l'administration s'est fondée, d'une part, sur ce que, alors que la convention passée entre les deux sociétés prévoyait des prestations en matière d'analyse financière, de publicité et d'études de marché, aucune pièce écrite, de nature à attester l'effectivité et la nature exacte des prestations facturées, n'avait pu être fournie, d'autre part, sur ce que ces prestations correspondaient à des tâches déjà accomplies, soit par le personnel de la requérante elle-même, soit par des cabinets ou conseils externes, rémunérés à cet effet par l'intéressée, les fonctions de direction étant, quant à elles, assumées par le président-directeur général de la société, également rémunéré à cet effet, enfin, sur ce que les moyens humains et techniques de la société Y Finances étaient très réduits, cette société ne disposant d'aucun salarié, d'aucun immeuble et de très peu de matériel, l'aide financière prévue par la convention étant

par ailleurs inexistante ; que, dans ces conditions, et alors que la requérante se borne à soutenir, sans apporter aucune justification à l'appui de ladite affirmation, que M. Y a été mis à sa disposition par la société Y Finances pour effectuer les prestations de gestion qu'elle ne peut effectuer elle-même, faute d'employer le personnel adéquat, et à se prévaloir de ce que, dans le cadre de la procédure d'apurement collectif du passif dont elle fait l'objet depuis 1994, le président du Tribunal de commerce de Calais n'a jamais formulé la moindre objection en ce qui concerne le paiement des factures en cause et que celles-ci ont été approuvées par les actionnaires après un rapport spécial du commissaire aux comptes, l'administration doit être considérée comme apportant la preuve du caractère non nécessaire à l'exploitation de l'entreprise des dépenses dont il s'agit ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SA MOULURES X n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande relative à ce chef de redressement ;

S'agissant de la taxe sur la valeur ajoutée relative aux autres dépenses :

Considérant, en premier lieu, que les notifications de redressement des 4 décembre 1998 et 21 septembre 1999 précisent, contrairement à ce que soutient la société requérante, les raisons pour lesquelles l'administration a considéré que les dépenses afférentes à des véhicules n'appartenant pas à la société ainsi que d'autres dépenses étrangères à l'objet même de l'entreprise n'avaient pas été engagées dans l'intérêt de l'entreprise ;

Considérant, en deuxième lieu, que, s'agissant de la période du 1er octobre 1994 au

30 septembre 1995, la société requérante, qui supporte la charge de la preuve faute d'avoir contesté ces chefs de redressement dans le délai imparti, n'établit pas, se bornant à alléguer de ce que le lien entre les dépenses et l'exploitation de la société a été justifié, sans fournir aucun élément à l'appui de cette affirmation, le caractère mal fondé des impositions litigieuses ; que s'agissant des périodes postérieures, l'administration, qui fait état, sans être contestée, de ce que la société a engagé des dépenses relatives, d'une part, à l'entretien et à la réparation de véhicules ne lui appartenant pas, alors qu'elle possédait ses propres véhicules, d'autre part, à l'acquisition de chaussures et de vêtements non professionnels, enfin, à des frais de transport, de séjour et de restaurant sans rapport avec l'activité de l'entreprise compte-tenu des lieux, des dates et des bénéficiaires en cause, établit que les biens et services ainsi acquis n'étaient pas nécessaires à l'exploitation ; que, dès lors, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les rappels de taxe correspondants lui ont été notifiés ;

Considérant, enfin, que le moyen tiré de ce que les dépenses auraient été nécessaires à l'exploitation de l'entreprise est sans incidence sur le bien-fondé du redressement motivé par le caractère non déductible de la taxe ayant grevé divers cadeaux offerts aux clients en application de l'article 238 1° b du code général des impôts ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SA MOULURES X n'est pas fondée à demander la décharge des impositions litigieuses ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que l'article L. 761-1 du code de justice administrative dispose que : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. » ;

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la SA MOULURES X demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 01-2627 du 6 novembre 2003 est annulé en tant qu'il a rejeté la demande de la SA MOULURES X relative aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée autres que ceux relatifs aux prestations de la société Y Finances.

Article 2 : La demande de la SA MOULURES X relative aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée autres que ceux relatifs aux prestations de la société Y Finances et le surplus des conclusions de la requête de la SA MOULURES X sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SA MOULURES X et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Copie sera transmise au directeur de contrôle fiscal Nord.

2

N°04DA00087


Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : Mme Helmholtz
Rapporteur ?: Mme Corinne Signerin-Icre
Rapporteur public ?: M. Le Goff
Avocat(s) : SCP AVOCATS DU NOUVEAU SIECLE

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation a 3
Date de la décision : 08/11/2005
Date de l'import : 04/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 04DA00087
Numéro NOR : CETATEXT000007602360 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2005-11-08;04da00087 ?
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