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17/11/2005 | FRANCE | N°04DA00847

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation a 3 (bis), 17 novembre 2005, 04DA00847


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai le

17 septembre 2004, présentée pour le GROUPEMENT DES PRODUCTEURS AUTONOMES D'ENERGIE HYDRO-ELECTRIQUE (GPAE), dont le siège social est ..., par Me Le Gall ; le GPAE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 02-2440 en date du 24 juin 2004 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 18 octobre 2002 par laquelle le préfet de l'Eure a ordonné l'ouverture en configuration maximale des ouvrages hydrauliques équipés de v

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Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai le

17 septembre 2004, présentée pour le GROUPEMENT DES PRODUCTEURS AUTONOMES D'ENERGIE HYDRO-ELECTRIQUE (GPAE), dont le siège social est ..., par Me Le Gall ; le GPAE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 02-2440 en date du 24 juin 2004 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 18 octobre 2002 par laquelle le préfet de l'Eure a ordonné l'ouverture en configuration maximale des ouvrages hydrauliques équipés de vannes sur le cours d'eau de la rivière Eure-Aval et l'ensemble de ses affluents à compter du 4 novembre 2002 jusqu'au 31 mars 2003 ;

2°) d'annuler ladite décision pour excès de pouvoir ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient qu'en écartant le moyen tiré du défaut de publication imposée par le décret du

24 septembre 1992, le jugement attaqué a violé les dispositions législatives applicables ; que le jugement attaqué doit être annulé pour avoir écarté chacun des moyens soulevés ; que l'arrêté attaqué, qui n'est fondé sur aucune étude scientifique mais seulement sur une étude globale réalisée en 2001 par le bureau de recherches géologiques et minières est entaché d'une erreur de fait ; que la décision d'imposer l'ouverture générale et coordonnée des ouvrages hydrauliques situés sur le cours de la rivière Eure-Aval ne repose pas sur une analyse exacte des faits et traduit une erreur manifeste d'appréciation ; que la sujétion imposée par le préfet n'était pas nécessaire pour atteindre le but qu'il se proposait d'atteindre et était inutile compte tenu notamment de l'existence d'un règlement d'eau applicable dans l'Eure imposant aux exploitants d'ouvrages hydrauliques des obligations pour la prévention des crues ; que le préfet pouvait, par des mesures plus limitées, faire face au danger d'inondations et n'avait pas l'obligation d'édicter une mesure générale et absolue ; que le jugement attaqué est entaché d'une contradiction de motifs s'agissant du caractère général et absolu de la décision en cause ; que la possibilité prévue par l'arrêté de consentir des dérogations à certains exploitants ne pouvait enlever audit arrêté son caractère général et absolu ; que l'arrêté attaqué est entaché de détournement de pouvoir ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 25 avril 2005, présenté par le ministre de l'écologie et du développement durable, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que la majorité des propriétaires des ouvrages visée par la mesure attaquée a été informée par lettre recommandée avec accusé de réception et par affichage en mairie ; que la décision attaquée se fonde sur des études hydrologiques du bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) d'août et septembre 2002 et sur le bulletin de situation hydrologique de la direction régionale de l'environnement (DIREN) de juillet-août 2002, considérés comme des références en matière d'expertise ; qu'il est constant qu'il existe une liaison entre les eaux de surface et les nappes phréatiques ; que ce n'est pas le rôle du BRGM de préconiser une ouverture des vannes sur une période de cinq mois ; que le BRGM a réalisé chaque mois un rapport de situation au vu des relevés piézométriques effectués en permanence sur l'ensemble des départements ; que la mise en évidence d'un fort risque d'inondation justifiait de faire primer l'intérêt général de la préservation de la sécurité des personnes et des biens sur l'intérêt particulier représenté par le GPAE ; que le règlement d'eau applicable dans l'Eure dont se prévaut le groupement concerne la Charentonne, pourrait, en tout état de cause, être utilisé contre le requérant et peut être remis en cause par le préfet en cas d'exigence supérieure liée à l'intérêt général ; que la mesure attaquée n'a pas de caractère général et absolu ; que les dérogations accordées concernent les exploitants de pisciculture et producteurs d'énergie hydraulique ; que la mesure d'ouverture est justifiée par l'urgence compte tenu des sept inondations que le département a connues en sept ans ; que, pour le département de l'Eure, aucun arrêté de zone d'alerte n'a été pris ; que la décision attaquée ne viole donc pas les dispositions du décret du 24 septembre 1992 ; que l'arrêté attaqué, dont l'efficacité est patente, n'est pas entaché de détournement de pouvoir ; que seules cinquante dérogations ont été accordées pour quatre cents ouvrages ; que le refus d'octroyer une dérogation à M. X constitue une mesure particulière concernant la rivière Andelle ;

Vu le mémoire, enregistré le 4 août 2005, présenté pour le GROUPEMENT DES PRODUCTEURS AUTONOMES D'ENERGIE HYDRO-ELECTRIQUE (GPAE), qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 92-3 du 3 janvier 1992 sur l'eau ;

Vu le décret n° 95-1205 du 6 novembre 1995 approuvant le modèle de règlement d'eau des entreprises autorisées à utiliser l'énergie hydraulique ;

Vu le décret n° 92-1041 du 24 septembre 1992 ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 novembre 2005 à laquelle siégeaient Mme Tricot, président de chambre, M. Dupouy, président-assesseur et Mme Eliot, conseiller :

- le rapport de Mme Eliot, conseiller ;

- et les conclusions de M. Lepers, commissaire du gouvernement ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

Considérant qu'aux termes de l'article 9 de la loi du 3 janvier 1992 sur l'eau repris à l'article L. 211-3 du code de l'environnement, des décrets en Conseil d'Etat « déterminent en particulier les conditions dans lesquelles l'autorité administrative peut : 1° Prendre des mesures de limitation ou de suspension provisoire des usages de l'eau, pour faire face à une menace ou aux conséquences d'accidents, de sécheresse, d'inondations ou à un risque de pénurie ( ... ) » ; que, selon l'article 1er du décret du 24 septembre 1992 pris pour l'application de ces dispositions et relatif à la limitation ou à la suspension provisoire des usages de l'eau : « Les mesures générales ou particulières prévues par le 1° de l'article 9 de la loi du 3 janvier 1992 ( ... ) sont prescrites par arrêté du préfet du département

( ... ) / Ces mesures, proportionnées au but recherché, ne peuvent être prescrites que pour une période limitée, éventuellement renouvelable ( ... ) » ;

Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces versées au dossier que le préfet, pour prendre la décision contestée, laquelle a ordonné, du 4 novembre 2002 au 31 mars 2003, l'ouverture en configuration maximale des ouvrages hydrauliques équipés de vannes sur le cours d'eau de la rivière Eure-Aval, s'est fondé sur des études du bureau de recherches géologiques et minières d'août à septembre 2002 et sur le bulletin hydrologique de juillet-août 2002 réalisé par la direction régionale de l'environnement ; que si ces études constatent un ralentissement des décrues estivales en vallée et une tendance précoce à la hausse annuelle des niveaux phréatiques résultant essentiellement des fortes pluies de juillet et août 2002, elles n'indiquent aucun risque de débordement phréatique potentiel futur pour la période concernée par l'arrêté attaqué alors qu'un tel risque avait été fortement signalé par les mêmes organismes l'année antérieure ; que ces mêmes études précisent, par ailleurs, que la décrue estivale annuelle devrait à priori rester, malgré tout, la tendance générale tant que le climat reste sec ; qu'ainsi, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, les informations recueillies par l'autorité administrative, en l'absence de précision circonstanciée sur l'évolution des nappes phréatiques, ne justifiaient pas, au moment où elles ont été prises, les mesures adoptées par l'arrêté attaqué ; que ledit arrêté est ainsi entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Considérant, d'autre part, qu'il n'est pas contesté que l'activité de chaque entreprise autorisée à utiliser l'énergie hydraulique est encadrée par un règlement d'eau ayant pour objet de déterminer les conditions d'exploitation de l'ouvrage ; que si le préfet soutient que ces règlements peuvent être remis en cause en cas d'exigence supérieure liée à l'intérêt général, il ne ressort d'aucune pièce du dossier, que la mesure attaquée applicable de manière uniforme à tous les ouvrages hydrauliques équipés de vannes sur le cours de la rivière Eure-Aval ait été justifiée par la configuration des terrains et par les risques d'inondations dont fait état le préfet ; que, par suite, celui-ci a également entaché l'arrêté attaqué d'une erreur de droit ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, que le GROUPEMENT DES PRODUCTEURS AUTONOMES D'ENERGIE HYDRO-ELECTRIQUE (GPAE) est fondé, d'une part, à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif a rejeté sa requête et, d'autre part, à demander l'annulation de l'arrêté du 18 octobre 2002 ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant, qu'il y a lieu, en application des dispositions susmentionnées, de condamner l'Etat à verser au GROUPEMENT DES PRODUCTEURS AUTONOMES D'ENERGIE

HYDRO-ELECTRIQUE (GPAE) la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Rouen en date du 24 juin 2004 et l'arrêté préfectoral du 18 octobre 2002 sont annulés.

Article 2 : L'Etat versera au GROUPEMENT DES PRODUCTEURS AUTONOMES D'ENERGIE HYDRO-ELECTRIQUE (GPAE) la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au GROUPEMENT DES PRODUCTEURS AUTONOMES D'ENERGIE HYDRO-ELECTRIQUE (GPAE) et au ministre de l'écologie et du développement durable.

Copie sera transmise au préfet de l'Eure.

N°04DA00847 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation a 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 04DA00847
Date de la décision : 17/11/2005
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Tricot
Rapporteur ?: Mme Agnès Eliot
Rapporteur public ?: M. Lepers
Avocat(s) : LE GALL

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2005-11-17;04da00847 ?
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