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17/11/2005 | FRANCE | N°05DA01208

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, Juge des reconduites a la frontiere, 17 novembre 2005, 05DA01208


Vu la requête, enregistrée le 16 septembre 2005 par télécopie et régularisée par l'envoi de l'original le 21 septembre 2005, présentée pour Mme Faïda X, demeurant au ..., par Me Caron ; Mme X demande au président de la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 05-2204, en date du 16 août 2005, par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté, en date du 19 juillet 2005, par lequel le préfet de l'Oise a décidé sa reconduite à la frontière et fixé le pays de destination ;

2°) d'annuler cet arrêté pour excès de pouvoir ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Oise ...

Vu la requête, enregistrée le 16 septembre 2005 par télécopie et régularisée par l'envoi de l'original le 21 septembre 2005, présentée pour Mme Faïda X, demeurant au ..., par Me Caron ; Mme X demande au président de la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 05-2204, en date du 16 août 2005, par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté, en date du 19 juillet 2005, par lequel le préfet de l'Oise a décidé sa reconduite à la frontière et fixé le pays de destination ;

2°) d'annuler cet arrêté pour excès de pouvoir ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Oise de lui délivrer un titre de séjour sous astreinte de

15 euros par jour de retard ;

Elle soutient que la mesure d'éloignement est entachée de détournement de procédure dans la mesure où elle a pour but de l'empêcher de se défendre dans la procédure pénale qu'elle a engagée en France contre des policiers ; que cette décision a violé les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'elle est contraire aux stipulations des articles 3 et 9 de la Convention internationale du

20 novembre 1989 relative aux droits de l'enfant ; qu'elle méconnaît également l'article

L. 313-11 7° et 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu l'ordonnance en date du 22 septembre 2005 portant clôture de l'instruction au

17 octobre 2005 ;

Vu la décision du 27 septembre 2005 du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Douai accordant l'aide juridictionnelle totale à Mme X et désigne la SCP Caron, Daquo, Amouel pour l'assister ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 4 novembre 2005 par télécopie et par l'envoi de l'original le 8 novembre 2005, présenté par le préfet de l'Oise qui conclut au rejet de la requête et soutient que l'arrêté a été pris par une autorité compétente et n'est pas entaché d'un défaut de motivation ; que la décision est légalement justifiée en vertu des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que l'intéressée ne peut prétendre à un titre de séjour de plein droit au regard des articles L. 313-11 et L. 313-14 du même code ; qu'elle ne saurait invoquer les dispositions de l'article L. 511-4 dudit code ; que sa demande de prise en compte de sa situation médicale est postérieure à la décision attaquée ; que le médecin inspecteur de la santé publique de l'Oise sollicité a estimé, par un avis du

18 octobre 2005, que le maintien en France de l'intéressée ne se justifiait pas ; que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'ont pas en l'espèce été méconnues ; qu'elle est de nationalité congolaise et ne justifie pas être admissible dans un pays tiers ; que sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et par la Commission des recours des réfugiés ; qu'elle ne produit pas d'éléments nouveaux qui révéleraient qu'elle pourrait faire l'objet de traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine ; que les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'ont pas été méconnues ;

Vu les pièces du dossier attestant de la communication le 4 novembre 2005, du mémoire du préfet de l'Oise, cette communication valant réouverture de l'instruction ;

Vu le mémoire, enregistré le 15 novembre 2005, présenté pour Mme X et examiné sous le régime de la note en délibéré ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée, telle que reprise par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la délégation du président de la Cour en date du 3 janvier 2005 prise en vertu de l'article R. 222-33 du code de justice administrative ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 novembre 2005 :

- le rapport de M. Yeznikian, président délégué ;

- les conclusions de M. Michel, commissaire du gouvernement ;

Sur la légalité de la décision de reconduite à la frontière :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicable à la date de la décision attaquée : « L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : ( … ) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme X, ressortissante de la République démocratique du Congo, s'est vu refuser le statut de réfugiée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, le 11 août 2004, décision confirmée par la Commission de recours des réfugiés, le 18 mars 2005 ; qu'elle s'est maintenue sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 5 avril 2005, de la décision, en date du 1er avril 2005, par lequel le préfet de l'Oise a refusé de lui accorder un titre de séjour et l'a invitée à quitter le territoire ; que si Mme X soutient avoir introduit une nouvelle demande de titre de séjour « vie privée et familiale » auprès du préfet, il ressort des pièces du dossier qu'il ne s'agit que d'un courrier adressé au préfet, daté du 29 avril 2005, parvenu le 2 mai suivant, et qui peut être regardé comme un recours gracieux contre la décision du 1er avril 2005 ; qu'aucune disposition ne subordonne la légalité d'un arrêté de reconduite à la frontière à l'intervention d'une décision expresse sur un tel recours gracieux ; qu'ainsi, Mme X se trouvait dans le cas où, en application des dispositions précitées, le préfet peut décider la reconduite à la frontière d'un étranger ;

Considérant, toutefois, que Mme X se prévaut d'un droit au séjour tel qu'il est garanti par les dispositions des 7° et 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile selon lesquelles : « Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » est délivrée de plein droit : ( … ) 7º A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; ( … ) 11º A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin inspecteur de santé publique compétent au regard du lieu de résidence de l'intéressé ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. Le médecin inspecteur ou le médecin chef peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'Etat » ;

Considérant, d'une part, que Mme X, qui est entrée en France le 1er juillet 2004 avec ses deux enfants en bas âge, allègue qu'elle a perdu plusieurs membres de sa famille au cours de la guerre civile et n'a plus de nouvelles des autres ; qu'il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier qu'elle serait dépourvue de toute attache dans son pays d'origine alors qu'elle vit isolée en France avec ses deux enfants, âgés respectivement de 5 et 9 ans et dont la scolarisation en France est récente ; que, dans les circonstances de l'espèce, eu égard à la durée et aux conditions du séjour en France, l'arrêté du préfet de l'Oise n'a pas porté au droit de l'intéressée qui n'établit pas être dans l'impossibilité d'emmener ses enfants avec elle, au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'il n'a, par suite, méconnu ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant, d'autre part, que, s'il n'est pas contesté que Mme X souffre de troubles psychologiques qui ne pourraient faire l'objet d'un traitement approprié dans son pays d'origine, il ne ressort, cependant, pas des pièces du dossier que ce défaut de traitement pourrait entraîner pour l'intéressée des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; qu'ainsi, la requérante ne pouvait prétendre à la délivrance d'un titre de séjour de plein droit en vertu du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention internationale du

20 novembre 1989 relative aux droits de l'enfant : « 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, ( … ), l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale » ; que, toutefois, compte tenu du jeune âge des enfants de Mme X et du caractère récent de leur arrivée en France, la circonstance qu'ils soient scolarisés dans un établissement français ne saurait faire obstacle à ce qu'ils retournent avec leur mère dans leur pays d'origine ; que, par ailleurs, nonobstant les difficultés que traverse la république démocratique du Congo, il ne ressort pas des pièces du dossier que les enfants risqueraient de s'y trouver privés de toute scolarisation élémentaire ;

Considérant que les stipulations de l'article 9 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant en vertu desquelles les Etats veillent à ce que l'enfant ne soit pas séparé de ses parents, créent seulement des obligations entre les Etats et ne peuvent donc pas être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre une décision refusant un titre de séjour ;

Considérant que Mme X soutient que l'arrêté de reconduite à la frontière du

19 juillet 2005 serait entaché d'un détournement de procédure au motif qu'il aurait été pris dans la précipitation et dans le but d'empêcher la requérante de faire valoir ses droits de victime dans un procès pénal ; que si Mme X produit à l'appui de ses affirmations copie de la plainte avec constitution de partie civile qu'elle a déposée auprès du Tribunal de grande instance de Senlis le 20 juin 2005, le dépôt de cette plainte est, à lui seul, sans influence sur la légalité de la décision de reconduite à la frontière contestée ; que, par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'autorité préfectorale aurait agi dans le seul but d'empêcher Mme X de faire valoir ses droits de victime dans la procédure engagée ; qu'ainsi, le moyen tiré du détournement de procédure doit être écarté ; qu'au demeurant, eu égard aux effets d'un arrêté de reconduite à la frontière, une telle mesure d'éloignement ne fait pas obstacle au retour en France de Mme X dans des conditions régulières ;

Considérant que, si Mme X fait valoir que son intégrité est menacée en cas de retour dans son pays d'origine, un tel moyen est sans influence sur la légalité de la décision préfectorale ordonnant la reconduite à la frontière de l'intéressée ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

Considérant que si Mme X, dont la demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, le 11 août 2004, décision confirmée par la Commission des recours des réfugiés, le 18 mars 2005, soutient qu'elle serait exposée à des risques pour sa sécurité personnelle en cas de retour en République démocratique du Congo, ses allégations ne sont assorties d'aucune précision ni de justification probante propre à établir la réalité de ces risques ; qu'ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme X n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté, en date du 19 juillet 2005, par lequel le préfet de l'Oise a décidé sa reconduite à la frontière et fixé le pays de destination ; que les conclusions à fin d'injonction présentées par Mme X ne peuvent, par suite, qu'être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme X est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Faïda X et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.

Copie sera transmise au préfet de l'Oise.

N°05DA01208 2


Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Olivier Yeznikian
Rapporteur public ?: M. Michel
Avocat(s) : SCP CARON - DAQUO - AMOUEL

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : Juge des reconduites a la frontiere
Date de la décision : 17/11/2005
Date de l'import : 04/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 05DA01208
Numéro NOR : CETATEXT000007603454 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2005-11-17;05da01208 ?
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