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17/11/2005 | FRANCE | N°05DA01243

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, Juge des reconduites a la frontiere, 17 novembre 2005, 05DA01243


Vu la requête, enregistrée le 23 septembre 2005, présenté par M. Yassine X, détenu à la ... ainsi que le mémoire complémentaire, enregistré par télécopie le 27 septembre 2005 et régularisé par l'envoi de l'original le 28 septembre 2005, présenté pour M. X, par la SCP Baille, Bali, Gosselin, Jolly, Picard ; M. X demande au président de la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 05-2002, en date du 25 août 2005, par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté, en date du 11 a

oût 2005, par lequel le préfet de l'Eure a décidé sa reconduite à la frontière e...

Vu la requête, enregistrée le 23 septembre 2005, présenté par M. Yassine X, détenu à la ... ainsi que le mémoire complémentaire, enregistré par télécopie le 27 septembre 2005 et régularisé par l'envoi de l'original le 28 septembre 2005, présenté pour M. X, par la SCP Baille, Bali, Gosselin, Jolly, Picard ; M. X demande au président de la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 05-2002, en date du 25 août 2005, par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté, en date du 11 août 2005, par lequel le préfet de l'Eure a décidé sa reconduite à la frontière et a fixé le pays de destination ;

2°) d'annuler cet arrêté pour excès de pouvoir ;

Il soutient que sa demande devant le tribunal administratif a été envoyée dans le délai de 48 heures tel que prévu par l'article 22 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée et n'était donc pas tardive, contrairement à ce qui a été jugé par l'ordonnance attaquée ; qu'il se trouvait en situation de détention ; qu'il est entré régulièrement sur le territoire français en vue de se marier après avoir résidé plusieurs années en Italie ;

Vu l'ordonnance et l'arrêté attaqués ;

Vu la demande d'aide juridictionnelle déposée par M. X auprès de la Cour administrative d'appel le 7 octobre 2005, actuellement en cours d'instruction ;

Vu la mesure d'instruction diligentée le 11 octobre 2005 par la Cour auprès du directeur de la maison d'arrêt d'Evreux ;

Vu le mémoire, enregistré par télécopie le 27 octobre 2005 et régularisé par l'envoi de l'original le 31 octobre 2005, présenté pour M. X ; il conclut aux mêmes fins que sa requête et, en outre, à ce qu'il soit enjoint au préfet de l'Eure, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour ou de procéder à un nouvel examen de sa demande et de lui délivrer, dans cette attente, un titre provisoire de séjour ainsi qu'à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat la somme de 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il fait valoir qu'il n'a pas eu la possibilité d'adresser son recours par télécopie et que compte tenu de sa situation de détenu, sa requête doit être déclarée recevable ;

Vu le mémoire, en défense, enregistré le 4 novembre 2005 par télécopie et régularisé par l'envoi de l'original le 7 novembre 2005, présenté par le préfet de l'Eure qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que la demande présentée devant le Tribunal administratif de Rouen était irrecevable ; qu'il résulte de la mesure d'instruction que l'intéressé n'a pas agi avec la diligence nécessaire pour que son courrier parvienne dans les délais au Tribunal ; que l'intéressé a choisi d'adresser son recours sous pli fermé ce qui n'a pas permis de l'envoyer plus rapidement par télécopie ; que le retard n'est imputable qu'au requérant et non à l'autorité pénitentiaire ; que le fait d'être titulaire d'un titre de séjour en Italie ne permet pas à lui seul de justifier d'une entrée régulière en France ; que l'intéressé ne justifie d'aucune ressource ; qu'il ne remplissait pas les conditions prévues par les articles 5 et 21 de la convention de Schengen ; qu'ayant été écroué pour avoir commis un certain nombre de délits, il serait susceptible d'être reconduit en application du 8° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le projet de mariage invoqué par l'intéressé ne révèle pas à lui seul une erreur manifeste d'appréciation dans les conséquences de la mesure sur la situation personnelle de l'intéressé ni une violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il n'est pas dépourvu de toute attache dans son pays d'origine ;

Vu le mémoire, enregistré par télécopie le 7 novembre 2005 et régularisé par l'envoi de l'original le 8 novembre 2005, présenté pour M. X qui conclut aux mêmes fins que ses précédentes conclusions par les mêmes moyens et, en outre, par le moyen qu'il a déposé le courrier de son recours avant l'expiration du délai de recours ; qu'enfin, le préfet méconnaît le principe de la présomption d'innocence en se fondant sur des faits délictueux pour justifier son arrêté de reconduite ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée reprise par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de la procédure pénale et notamment les articles D. 262, A. 40 et A. 40-1 ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique et le décret

n° 91-1266 du 19 décembre 1991, modifié ;

Vu la délégation du président de la Cour en date du 3 janvier 2005 prise en vertu de l'article R. 222-33 du code de justice administrative ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 novembre 2005 :

- le rapport de M. Yeznikian, président délégué ;

- et les conclusions de M. Michel, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 776-1 précité qui reproduit les dispositions de l'article 22 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 précité désormais reprises par l'article

L. 512-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « L'étranger qui fait l'objet d'un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière peut, dans les quarante-huit heures suivant sa notification, lorsque l'arrêté est notifié par voie administrative ou dans les sept jours lorsqu'il est notifié par voie postale, demander l'annulation de cet arrêté au président du tribunal administratif » ; qu'aux termes de l'article R. 776-6 du code de justice administrative : « La requête doit être enregistrée au greffe du tribunal administratif dans les délais visés à l'article

L. 776-1. / Toutefois, si, au moment de la notification de l'arrêté, l'étranger est retenu par l'autorité administrative, sa requête peut valablement être déposée dans le même délai, soit auprès de ladite autorité administrative, soit au greffe du tribunal devant lequel il comparaît en vue de la prorogation de sa rétention administrative. / Dans le cas prévu à l'alinéa précédent, mention du dépôt est faite sur un registre ouvert à cet effet. Un récépissé indiquant la date et l'heure est délivré au requérant. / L'autorité qui a reçu la requête la transmet sans délai et par tous moyens au président du tribunal administratif » ; que les présidents des tribunaux administratifs figurent parmi les autorités administratives et judiciaires françaises avec lesquelles les détenus peuvent correspondre sous pli fermé en application des dispositions combinées des articles D. 262 et A. 40 du code de procédure pénale ; qu'en vertu des dispositions de l'article

D. 262 susmentionné, les lettres des détenus remises sous pli fermé échappent à tout contrôle, sont envoyées sans retard et font l'objet d'un enregistrement sous la responsabilité du chef d'établissement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X a reçu notification de l'arrêté de reconduite à la frontière le lundi 22 août 2005 à 16 heures alors qu'il était incarcéré à la maison d'arrêt d'Evreux ; que la notification de cet arrêté comportait la mention des voies et délais de recours ouverts contre cette décision ; qu'il ressort des pièces du dossier et notamment de la mesure d'instruction diligentée par la Cour que la lettre adressée, dès le 22 août, au président du Tribunal administratif de Rouen par M. X tendait à l'annulation de l'arrêté préfectoral précité et a été confiée, sous pli fermé, au vaguemestre du centre pénitentiaire le

23 août 2005 vers 8 heures puis postée, le jour même, à 8 heures 30 ; qu'acheminé par la Poste dans un délai qui ne peut être regardé comme anormalement long, ce recours n'a été enregistré que le jeudi 25 août 2005 à 9 heures au greffe du Tribunal administratif de Rouen, soit après l'expiration du délai de 48 heures fixé par les dispositions précitées ; que, toutefois, eu égard à la date à laquelle il a été déposé au sein de l'institution pénitentiaire par l'intéressé pour que son recours parvienne, raisonnablement, dans les délais fixés par la notification et à l'incapacité où il se trouvait d'assurer lui-même l'acheminement de son recours, la circonstance que celui-ci ne soit parvenu au tribunal administratif que le 25 août 2005, soit après l'expiration du délai

ci-dessus mentionné, ne permet pas, de le regarder comme tardif ; que, par suite et sans que soit en cause le fonctionnement de l'institution pénitentiaire au regard des dispositions de l'article

D. 262 du code de procédure pénale, M. X est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Rouen a rejeté son recours pour irrecevabilité à raison de sa tardiveté ; qu'ainsi l'ordonnance en date du 25 août 2005 du magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Rouen doit être annulée ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de renvoyer M. X devant le Tribunal administratif de Rouen pour qu'il soit statué sur sa requête ; que, par suite, il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'injonction formulée en appel ;

Considérant qu'eu égard aux données du présent litige, il y a lieu d'accorder, en application de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991, l'admission provisoire de M. X à l'aide juridictionnelle ; que la SCP Baille, Bali, Gosselin, Jolly, Picard, sous réserve qu'elle renonce au bénéfice de l'indemnité d'aide juridictionnelle, est fondée à demander que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'ordonnance n° 05-2002, en date du 25 août 2005, du magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Rouen est annulée.

Article 2 : M. X est renvoyé devant le Tribunal Administratif de Rouen pour qu'il soit statué sur sa requête.

Article 3 : L'Etat versera à la SCP Baille, Bali, Gosselin, Jolly, Picard, sous réserve qu'elle renonce au bénéfice de l'indemnité d'aide juridictionnelle, une somme de 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Yassine X, au préfet de l'Eure et au ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.

Copie sera transmise au directeur de la maison d'arrêt d'Evreux.

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N°05DA01243 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : Juge des reconduites a la frontiere
Numéro d'arrêt : 05DA01243
Date de la décision : 17/11/2005
Sens de l'arrêt : Renvoi
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Olivier Yeznikian
Rapporteur public ?: M. Michel
Avocat(s) : SCP BAILLE - BALI - GOSSELIN - JOLLY - PICARD

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2005-11-17;05da01243 ?
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