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29/11/2005 | FRANCE | N°05DA00794

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation a 5 (bis), 29 novembre 2005, 05DA00794


Vu la requête, enregistrée le 29 juin 2005, présentée pour la société anonyme PECHE ET FROID, dont le siège est 5 rue Bellini à Puteaux (92806), par la SELAFA Barthélémy et associés, société d'avocats ; la société PECHE ET FROID demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0100296 en date du 29 mars 2005 par lequel le Tribunal administratif de Lille a annulé la décision en date du 17 novembre 2000 par laquelle l'inspecteur du travail a accordé l'autorisation de licencier M. Rémy X, salarié protégé ;

2°) de rejeter la demande tendant à l'annulation d

e ladite décision présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Lille ;

3°) ...

Vu la requête, enregistrée le 29 juin 2005, présentée pour la société anonyme PECHE ET FROID, dont le siège est 5 rue Bellini à Puteaux (92806), par la SELAFA Barthélémy et associés, société d'avocats ; la société PECHE ET FROID demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0100296 en date du 29 mars 2005 par lequel le Tribunal administratif de Lille a annulé la décision en date du 17 novembre 2000 par laquelle l'inspecteur du travail a accordé l'autorisation de licencier M. Rémy X, salarié protégé ;

2°) de rejeter la demande tendant à l'annulation de ladite décision présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Lille ;

3°) de mettre à la charge de M. X une somme de 1 500 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la phase préalable à la saisine du comité d'entreprise sur le cas de M. X était entachée d'irrégularité dès lors qu'elle avait donné aux représentants du personnel et au comité d'entreprise des informations suffisantes et précises sur le projet de délocalisation et sur le recours de la société à la sous-traitance ; que les premiers juges ont méconnu les principes du contrôle de la réalité des difficultés économiques en se fondant sur l'absence de mise en oeuvre du plan de restructuration proposé pour annuler la décision de l'inspecteur du travail en litige ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu la décision du président de la section administrative du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Douai en date du 26 octobre 2005 accordant l'aide juridictionnelle totale à M. X ;

Vu l'ordonnance en date du 12 juillet 2005 portant clôture d'instruction au 7 novembre 2005 ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 18 octobre 2005, présenté pour M. Rémy X, par Me Y, avocat ; il conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la société PECHE ET FROID à verser à son avocat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; il soutient que le comité d'entreprise a été consulté le 1er décembre 1999 et le 4 janvier 2000 sur une fermeture des sites de Boulogne-sur-Mer et d'Outreau en raison d'une délocalisation de la production en Afrique mais que la société a continué à assurer sa production au moyen de la sous-traitance ; que lors des réunions du comité d'entreprise des 17 mars et 24 juillet 2000, la question de la sous-traitance n'a été évoquée qu'à l'initiative des représentants des personnels alors que cette sous-traitance avait déjà été mise en place ; que de plus, elle n'a jamais été évoquée comme solution définitive en alternative à la délocalisation de la production ; que la société PECHE ET FROID n'établit pas avoir fait des efforts de reclassement à son égard dès lors qu'il n'a reçu aucune proposition de reclassement ;

Vu l'examen des pièces desquelles il résulte que la requête a été communiquée au ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement qui n'a pas produit de mémoire en défense ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 novembre 2005 à laquelle siégeaient M. Daël, président de la Cour, M. Couzinet, président de chambre, M. Berthoud, président-assesseur, M. de Pontonx, premier conseiller et M. Le Garzic, conseiller :

- le rapport de M. Berthoud, président-assesseur ;

- et les conclusions de M. Michel, commissaire du gouvernement ;

Considérant que par décision en date du 17 novembre 2000, l'inspecteur du travail a accordé à la société PECHE ET FROID l'autorisation de licencier pour motif économique M. X, membre titulaire et secrétaire du comité d'entreprise, délégué du personnel titulaire et membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ; que par jugement du

29 mars 2005, le Tribunal administratif de Lille a annulé ladite décision de l'inspecteur du travail ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 321-9 du code du travail : « En cas de redressement ou de liquidation judiciaire, l'administrateur ou, à défaut, l'employeur ou le liquidateur, suivant les cas, qui envisage des licenciements économiques doit réunir et consulter le comité d'entreprise dans les conditions prévues au premier, deuxième et troisième alinéas de l'article L. 321-3 et aux articles L. 321-4, L. 321-4-1, à l'exception du deuxième alinéa, L. 422-1, cinquième et sixième alinéas, et

L. 432-1, troisième alinéa » ; qu'en vertu des dispositions de l'article L. 321-4 du même code, l'employeur est tenu d'adresser aux représentants du personnel, avec la convocation à la réunion où le comité d'entreprise est consulté sur le projet de licenciements économiques, tous renseignements utiles sur le projet de licenciement collectif, notamment « les critères proposés pour l'ordre des licenciements » ainsi que « les mesures ou le plan social... qu'il envisage de mettre en oeuvre pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre et pour faciliter le reclassement du personnel dont le licenciement ne pourrait être évité » ; que par ailleurs, aux termes de l'article L. 436-1 du code du travail : « Tout licenciement envisagé par l'employeur d'un membre titulaire ou suppléant du comité d'entreprise ou d'un représentant syndical... est obligatoirement soumis au comité d'entreprise qui donne un avis sur le projet de licenciement. Le licenciement ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement » ; qu'enfin, aux termes de l'article R. 436-2 dudit code, relatif au licenciement des représentants du personnel, des représentants syndicaux et des salariés assimilés : « L'avis du comité d'entreprise est exprimé au scrutin secret après audition de l'intéressé. Lorsque le salarié concerné est inclus dans un licenciement collectif pour motif économique concernant au moins dix salariés dans une même période de trente jours, la délibération du comité d'entreprise prévue au premier alinéa du présent article ne peut avoir lieu avant ... la réunion du comité prévue à l'article L. 321-9 » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la société PECHE ET FROID a présenté au comité d'entreprise le 19 octobre 1999 son projet de réorganisation prévoyant l'arrêt des activités de production et de conditionnement sur les sites de Boulogne-sur-Mer et d'Outreau et leur délocalisation en Côte d'Ivoire et à Madagascar ainsi que son projet de plan social prévoyant un licenciement collectif pour motif économique de 139 salariés ; que ce n'est que le 17 mars 2000, après plusieurs réunions du comité d'entreprise, que la société PECHE ET FROID a fait connaître aux membres du comité son intention de recourir à la sous-traitance pour ses activités de production et de conditionnement ; qu'il est établi par les pièces versées au dossier que la société PECHE ET FROID a effectivement mis en oeuvre cette sous-traitance avant d'avoir procédé à cette consultation ; que contrairement à ce que soutient la société PECHE ET FROID, cette consultation n'a pas été faite, lors de la réunion du 18 janvier 2000, dès lors que cette question ne figurait pas à l'ordre du jour, et que c'est seulement pour faire suite à une interrogation des membres du comité que la société s'est bornée à répondre succinctement que pendant une période transitoire, s'il y avait besoin, il y aurait une sous-traitance temporaire ; qu'il ressort également des pièces du dossier que le recours à cette sous-traitance s'est poursuivi dès lors qu'un contrat a été conclu pour les opérations de conditionnement avec une autre société jusqu'en octobre 2002 ; qu'ainsi, la société PECHE ET FROID ne peut être regardée comme ayant adressé au comité d'entreprise tous les renseignements utiles sur le projet de restructuration et les licenciements envisagés avant la mise en oeuvre dudit projet ; que par suite, c'est à bon droit que les premiers juges, qui ne se sont pas fondés pour annuler l'autorisation en litige sur la circonstance que le licenciement n'aurait pas été justifié par la situation économique de l'entreprise, ont estimé que la consultation des délégués du personnel et du comité d'entreprise avait été privée de toute portée utile et que du seul fait que cette phase de la procédure préalable avait été entachée d'irrégularité, l'inspecteur du travail était tenu de refuser l'autorisation de licencier M. X pour motif économique ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, que la société PECHE ET FROID n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a annulé la décision du 17 novembre 2000 par laquelle l'inspecteur du travail a accordé l'autorisation de licencier M. X ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'en revanche, M. X ayant obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle, il y a lieu, sur le fondement desdites dispositions et de celles de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de la société PECHE ET FROID le paiement à son avocat, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société PECHE ET FROID est rejetée.

Article 2 : La société PECHE ET FROID versera à Me Y, avocat de M. X, une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Y renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 3° : Le présent arrêt sera notifié à la société anonyme PECHE ET FROID, au ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement et à M. Rémy X.

N°05DA00794 2


Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. Daël
Rapporteur ?: M. Joël Berthoud
Rapporteur public ?: M. Michel
Avocat(s) : SELAFA BARTHELEMY et ASSOCIES

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation a 5 (bis)
Date de la décision : 29/11/2005
Date de l'import : 04/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 05DA00794
Numéro NOR : CETATEXT000007605509 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2005-11-29;05da00794 ?
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