La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/12/2005 | FRANCE | N°05DA01288

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, Juge des reconduites a la frontiere, 15 décembre 2005, 05DA01288


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai le

6 octobre 2005, présentée pour M. Khalid X, demeurant ..., par Me Mikowski ; M. X demande au président de la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 05-2163, en date du 13 septembre 2005, par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté, en date du 9 septembre 2005, par lequel le préfet de la Sarthe a décidé sa reconduite à la frontière et la décision du même jour fixant le Maroc comme pays

de destination ;

2°) d'annuler ces décisions pour excès de pouvoir ;

3°) d'annu...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai le

6 octobre 2005, présentée pour M. Khalid X, demeurant ..., par Me Mikowski ; M. X demande au président de la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 05-2163, en date du 13 septembre 2005, par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté, en date du 9 septembre 2005, par lequel le préfet de la Sarthe a décidé sa reconduite à la frontière et la décision du même jour fixant le Maroc comme pays de destination ;

2°) d'annuler ces décisions pour excès de pouvoir ;

3°) d'annuler la décision en date du 18 juillet 2005 par lequel le préfet de police de Paris a refusé de lui délivrer un titre de séjour ;

4°) d'enjoindre à l'autorité administrative de lui délivrer une carte de séjour temporaire mention « vie privée et familiale » ;

Il soutient que le Tribunal administratif a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation et a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que c'est à tort qu'il a rejeté l'exception d'illégalité soulevée à l'encontre du refus de délivrance d'un titre de séjour mention « vie privée et familiale » ; qu'en effet, il est entré en France à l'âge de quinze ans pour suivre ses parents ; qu'il séjourne en France depuis plusieurs années où il a suivi une scolarité régulière ; qu'il a obtenu un certificat d'aptitude professionnelle et bénéficie d'une promesse d'embauche ; qu'il entretient une relation sentimentale sérieuse avec une ressortissante française avec laquelle il envisage de se marier ; qu'il bénéficie du soutien de ses professeurs ; que l'état de santé de son père, résidant sur le territoire national, nécessite sa présence en France à ses côtés ; que les critères de la circulaire du

12 mai 1998 relatifs à l'appréciation de la situation familiale n'ont pas été respectés ; que tout regroupement familial est impossible ; que, pour les mêmes raisons, la décision d'éloignement a également méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu l'ordonnance en date du 14 octobre 2005 fixant la clôture de l'instruction au

5 novembre 2005 à 16 heures 30 ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 28 octobre 2005, présenté par le préfet de la Sarthe qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que ni le refus de titre de séjour ni la mesure d'éloignement n'ont porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée ou reposeraient sur une erreur manifeste d'appréciation ; que les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été respectées ; que le motif tiré de la nécessité de sa présence en France auprès de son père malade est récent et repose sur une pièce postérieure à l'arrêté de reconduite à la frontière ; que le moyen tiré de la méconnaissance des critères de la circulaire du 12 mai 1998 est inopérant ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la délégation du président de la Cour en date du 3 janvier 2005 prise en vertu de l'article R. 222-33 du code de justice administrative ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 décembre 2005 à laquelle étaient présents M. Khalid X et Mlle Ophélie :

- le rapport de M. Yeznikian, président délégué ;

- les observations de Me Mikowski, pour M. X ;

- et les conclusions de M. Le Goff, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il résulte tant de l'examen de la requête que des déclarations de Me Mikowski à l'audience que c'est suite à une erreur de plume que le dispositif de la requête déposée pour

M. X devant la Cour comporte des conclusions à fin d'annulation de la décision en date du 18 juillet 2005 par lequel le préfet de police de Paris a refusé de lui accorder un titre de séjour ; que, par suite, M. X entend uniquement soulever, par la voie d'exception, l'illégalité de cette décision à l'appui des conclusions dirigées à la fois contre la mesure de reconduite à la frontière le concernant et contre la décision fixant le Maroc comme pays de destination prises, le

9 septembre 2005, par le préfet de la Sarthe ;

Sur les conclusions d'annulation de l'arrêté préfectoral de reconduite à la frontière et la décision fixant le pays de destination :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : ( … ) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé, ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait ( … ) » ;

Considérant que M. X, de nationalité marocaine, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification de la décision, en date du 18 juillet 2005, du préfet de police de Paris lui refusant la délivrance d'un titre de séjour ; que le recours gracieux exercé contre cette décision ne faisait pas obstacle à ce qu'elle puisse faire l'objet d'une mesure d'exécution ; qu'ainsi M. X se trouvait, à la date de l'arrêté attaqué, dans la situation prévue par les dispositions précitées, qui autorisait, en l'espèce, le préfet de la Sarthe à décider sa reconduite à la frontière ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. Khalid X, né en avril 1986, est entré en France à l'âge de quinze ans, où il a rejoint son père chez lequel il est toujours domicilié ; que ce dernier, arrivé en France en 1968, est, aujourd'hui âgé de soixante-deux ans, de santé fragile, vit seul, séparé du reste de la famille demeurée au Maroc, à l'exception de son fils Khalid qui vit avec lui en France sans interruption depuis 2001 ; que M. X a suivi avec succès une scolarité sanctionnée en juin 2004 par la délivrance du certificat d'aptitude professionnelle dans un secteur d'activités lui permettant de trouver actuellement un emploi ; qu'il est intégré à la société française ; qu'il a sollicité un titre de séjour après avoir atteint l'âge de

dix-huit ans ; qu'il forme, enfin, avec Mlle Ophélie , étudiante de nationalité française qu'il fréquente depuis deux ans, un projet sérieux de vie commune, ce qu'elle confirme, sans que puissent avoir d'incidence les circonstances qui ont provoqué son interpellation dans la Sarthe sans, au demeurant, donner lieu à aucune poursuite ; que, dans les conditions particulières de l'espèce, l'arrêté, en date du 9 septembre 2005, par lequel le préfet de la Sarthe a ordonné sa reconduite à la frontière repose sur une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la mesure d'éloignement sur la situation personnelle de l'intéressé dont l'ensemble des centres d'intérêt sont désormais en France ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède et, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. X est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Rouen a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 9 septembre 2005 par lequel le préfet de la Sarthe a ordonné sa reconduite à la frontière et la décision distincte, du même jour, fixant le Maroc comme pays de destination ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une décision dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution » ; qu'aux termes de l'article L. 911-2 du même code : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette décision doit intervenir dans un délai déterminé » ; que l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : « Si l'arrêté de reconduite à la frontière est annulé, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues au titre V du présent livre et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas » ;

Considérant que la présente décision prononce l'annulation pour excès de pouvoir d'un arrêté ordonnant la reconduite à la frontière de M. X et non pas d'une décision refusant de délivrer à celui-ci une carte de séjour temporaire ; que, contrairement à ce qui est demandé, la présente décision n'implique pas nécessairement, au sens des dispositions précitées de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, la délivrance d'une carte de séjour temporaire mention « vie privée et familiale » ;

Mais considérant qu'à la suite de l'annulation d'un arrêté de reconduite à la frontière, il incombe au préfet, en application des dispositions précitées de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, non seulement de munir l'intéressé d'une autorisation provisoire de séjour mais aussi, qu'il ait été ou non saisi d'une demande en ce sens, de se prononcer sur son droit à un titre de séjour ; que, dès lors, il appartient au juge administratif, lorsqu'il prononce l'annulation d'un arrêté de reconduite à la frontière et qu'il est saisi de conclusions en ce sens, d'user des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 911-2 du code de justice administrative pour fixer le délai dans lequel la situation de l'intéressé doit être réexaminée, au vu de l'ensemble de la situation de droit et de fait existant à la date de ce réexamen ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de prescrire, compte tenu du lieu de résidence de M. X, au préfet de police de Paris de se prononcer sur la situation de l'intéressé dans le délai d'un mois suivant la notification de la présente décision ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 05-2163, en date du 13 septembre 2005, du magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Rouen, ensemble l'arrêté du 9 septembre 2005, du préfet de la Sarthe, ordonnant la reconduite à la frontière de M. X et la décision du même jour fixant le Maroc comme pays de destination, sont annulés.

Article 2 : Le préfet de police de Paris statuera sur la régularisation de la situation de

M. Khalid X, dans le délai d'un mois suivant la notification de la présente décision.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Khalid X, au préfet de la Sarthe, au préfet de police de Paris et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.

N°05DA01288 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : Juge des reconduites a la frontiere
Numéro d'arrêt : 05DA01288
Date de la décision : 15/12/2005
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Olivier Yeznikian
Rapporteur public ?: M. Le Goff
Avocat(s) : MIKOWSKI

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2005-12-15;05da01288 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award