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15/12/2005 | FRANCE | N°05DA01302

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, Juge des reconduites a la frontiere, 15 décembre 2005, 05DA01302


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai le

10 octobre 2005 par télécopie et régularisée par l'envoi de l'original le 11 octobre 2005, présentée pour Mme Joy X, demeurant à la ..., par Me Carlier ; Mme X demande au président de la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 05-5103, en date du 26 août 2005, par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 18 août 2005 par lequel le préfet du Nord a décidé sa reconduite à la

frontière et la décision du même jour qui a fixé le pays de destination avec maintie...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai le

10 octobre 2005 par télécopie et régularisée par l'envoi de l'original le 11 octobre 2005, présentée pour Mme Joy X, demeurant à la ..., par Me Carlier ; Mme X demande au président de la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 05-5103, en date du 26 août 2005, par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 18 août 2005 par lequel le préfet du Nord a décidé sa reconduite à la frontière et la décision du même jour qui a fixé le pays de destination avec maintien en rétention administrative ;

2°) d'annuler ces décisions pour excès de pouvoir ;

Elle soutient que le jugement est irrégulier ; qu'elle n'a pas eu la possibilité d'être assistée, malgré sa demande, d'un interprète à l'audience ; que le jugement a été rendu au-delà du délai prévu de 72 heures ; que les décisions sont illégales car elles ont été prises par une autorité incompétente ; qu'elles ne sont pas suffisamment motivées ; qu'elles violent les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, de confession chrétienne, elle craint pour sa vie en cas de retour au Nigeria où elle est recherchée ;

Vu le jugement et les décisions attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 18 novembre 2005 présenté par le préfet du Nord qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que les décisions attaquées ont été prises par une autorité régulièrement habilitée et ne sont pas entachées d'un défaut de motivation ; que la décision de reconduite est légalement fondée, l'intéressée s'étant irrégulièrement maintenue sur le territoire national ; qu'elle a pu bénéficier du concours d'un interprète au cours de la procédure administrative ; qu'elle a pu bénéficier lors de l'audience du concours de son conseil ; que la présence d'un avocat n'était donc pas nécessaire ; que cette absence d'interprète à l'audience est sans influence sur la légalité de ses propres décisions ; qu'il n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation ni méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle en date du 12 octobre 2005 prononçant l'admission à l'aide juridictionnelle totale de Mme X ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée telle que reprise par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique et le décret

n° 91-1266 du 19 décembre 1991, modifié ;

Vu la délégation du président de la Cour en date du 3 janvier 2005 prise en vertu de l'article R. 222-33 du code de justice administrative ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 décembre 2005 :

- le rapport de M. Yeznikian, président délégué ;

- et les conclusions de M. Le Goff, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 776-1 du code de justice administrative qui reproduit les dispositions de l'article 22 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 reprises par l'article L. 512-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « L'étranger qui fait l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière peut, dans les quarante-huit heures suivant sa notification, lorsque l'arrêté est notifié par voie administrative, ou dans les sept jours, lorsqu'il est notifié par voie postale, demander l'annulation de cet arrêté au président du tribunal administratif.

( … ) / L'étranger peut demander au président du tribunal administratif ou à son délégué le concours d'un interprète ( … ) » ; que l'article R. 776-11 du code de justice administrative dispose : « Dans le cas où l'étranger, qui ne parle pas suffisamment la langue française, le demande, le président nomme un interprète ( … ). Cette demande peut être formulée dès le dépôt de la requête introductive d'instance » ;

Considérant que Mme X, de nationalité nigériane, anglophone, ne maîtrisant pas la langue française, a sollicité l'assistance d'un avocat et le concours d'un interprète dès le dépôt de sa requête tendant à l'annulation des mesures relatives à son éloignement ; que, si elle a pu bénéficier de l'assistance d'un avocat lors de l'audience qui s'est déroulée le 26 août 2005, il ne ressort ni des mentions du jugement, ni d'aucune autre pièce du dossier, qu'elle aurait renoncé à sa demande de concours d'un interprète ou que ce concours serait devenu inutile ; que le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Lille a statué sans se prononcer sur cette demande qui n'apparaissait pas, eu égard notamment au déroulement de la procédure administrative, manifestement injustifiée ; que, dans ces conditions, le premier juge a méconnu les dispositions précitées et a entaché son jugement d'irrégularité ; que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen tiré de l'irrégularité du jugement, un tel jugement doit donc être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme X devant le Tribunal administratif de Lille ;

Sur la légalité de la décision de reconduite à la frontière :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : ( … ) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé, ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait » ;

Considérant que Mme X, de nationalité nigériane, n'ayant pas obtenu le statut de réfugiée, selon la décision du 20 septembre 2004 prise par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et confirmée par la Commission des recours des réfugiés le 14 mars 2005, notifiée le 17 mai 2005, s'est maintenue sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 1er juin 2005, de la décision du 26 mai 2005 par laquelle le préfet du Nord a refusé de l'admettre au séjour, a retiré son récépissé de demande de titre et l'a invitée à quitter le territoire ; qu'ainsi, Mme X se trouvait, à la date du 18 août 2005, dans le cas où, en vertu des dispositions précitées, le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;

Considérant que M. Y, directeur de la réglementation et des libertés publiques à la préfecture du Nord, avait reçu délégation de signature, par un arrêté du préfet du Nord en date du

1er mars 2005, régulièrement publié, en vue notamment de signer les décisions prises en application des dispositions des articles L. 511-1 et L. 513-1 à L. 513-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile concernant tant les arrêtés de reconduite à la frontière que les mesures de désignation du pays de destination ; que les décisions dont Mme X demande l'annulation et qui ont été signées par délégation du préfet du Nord, par M. Y, entrent dans le champ de ladite délégation ; que, dès lors, elles n'ont pas été prises par une autorité incompétente ;

Considérant que les décisions attaquées comportent l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles l'autorité administrative s'est fondée ; qu'elles sont, par suite, suffisamment motivées ;

Considérant que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'encontre de l'arrêté du préfet ordonnant la reconduite de l'intéressée à la frontière qui ne comporte pas par lui-même fixation d'un pays de destination ; que le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation n'est pas assorti des précisions nécessaires à l'appréciation de son

bien-fondé ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination et prolongeant la rétention administrative :

Considérant que Mme X soutient que, de confession chrétienne, sa vie serait menacée au Nigeria où son père et son ami auraient trouvé la mort au cours de l'année 2003 ou 2004 suite aux actions violentes de certains groupes musulmans ; que les menaces dont elle se prévaut n'ont, toutefois, pas été regardées comme la concernant de manière personnelle et actuelle par la Commission des recours des réfugiés dans sa décision du 14 mars 2005 ; qu'elle n'apporte à l'appui de ses allégations aucun document probant ; que la seule lettre récente d'une dénommée Z ne présente pas ce caractère ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la décision fixant le Nigeria méconnaîtrait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté ; que le préfet du Nord n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation ; qu'en outre, elle n'allègue ni établit être légalement admissible dans un pays tiers ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la demande présentée par

Mme X devant le président du Tribunal administratif de Lille doit être rejetée ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 05-5103 du magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Lille en date du 26 août 2005 est annulé et la demande de Mme X est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme Joy X et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.

Copie sera adressée au préfet du Nord.

N°05DA01302 2


Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Olivier Yeznikian
Rapporteur public ?: M. Le Goff
Avocat(s) : CARLIER

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : Juge des reconduites a la frontiere
Date de la décision : 15/12/2005
Date de l'import : 04/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 05DA01302
Numéro NOR : CETATEXT000007603785 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2005-12-15;05da01302 ?
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