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29/12/2005 | FRANCE | N°04DA01019

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation a 3 (bis), 29 décembre 2005, 04DA01019


Vu la requête, enregistrée par télécopie le 29 novembre 2004 et son original en date du

2 décembre 2004 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la société EUROVIA, dont le siège est 57 avenue de Bretagne à Rouen (76100), venant aux droits de la société X, par la SCP Hervé, Porchy ; la société EUROVIA demande à la Cour :

11) d'annuler le jugement n° 0200648 en date du 30 septembre 2004 par lequel le Tribunal administratif de Rouen l'a condamnée à verser à la commune de Mont-Saint-Aignan la somme de 104 663,87 euros avec intérêts

au taux légal à compter du 5 avril 2002, en réparation de 50 % des conséquences d...

Vu la requête, enregistrée par télécopie le 29 novembre 2004 et son original en date du

2 décembre 2004 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la société EUROVIA, dont le siège est 57 avenue de Bretagne à Rouen (76100), venant aux droits de la société X, par la SCP Hervé, Porchy ; la société EUROVIA demande à la Cour :

11) d'annuler le jugement n° 0200648 en date du 30 septembre 2004 par lequel le Tribunal administratif de Rouen l'a condamnée à verser à la commune de Mont-Saint-Aignan la somme de 104 663,87 euros avec intérêts au taux légal à compter du 5 avril 2002, en réparation de 50 % des conséquences dommageables des désordres affectant le revêtement de la chaussée de la place Colbert ;

2°) de rejeter la demande présentée par la commune de Mont-Saint-Aignan devant le Tribunal administratif de Rouen ;

3°) à titre subsidiaire, de condamner la société Composants Tarnais Béton à la garantir de toutes condamnations susceptibles d'être mises à sa charge ;

4°) de condamner la commune de Mont-Saint-Aignan à lui verser une somme de

10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que les désordres affectant le revêtement de la chaussée de la place Colbert sont imputables, pour une part prépondérante, aux services techniques de la commune de

Mont-Saint-Aignan qui ont défini la nature des matériaux à employer et ont choisi les produits proposés par la société Composants Tarnais Béton sans effectuer d'essais préalables ; qu'est également engagée la responsabilité de la société Composants Tarnais Béton, qui a fourni des pavés défectueux et inadaptés ; que la société X, qui n'a pas participé au choix des matériaux et à laquelle aucun manquement à son obligation de conseil ne peut être reproché, a parfaitement exécuté la mission de pose des pavés qui lui était confiée, de sorte que la responsabilité de la société EUROVIA, venant aux droits de la société X, doit être écartée ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 13 mai 2005, présenté pour la commune de

Mont-Saint-Aignan par la SCP Emo Hebert et Associés ; la commune de Mont-Saint-Aignan conclut au rejet de la requête et demande en outre à la Cour :

1°) par la voie du recours incident et provoqué, d'écarter toute responsabilité de la commune et de condamner solidairement la société EUROVIA et la société Composants Tarnais Béton à lui verser la somme de 209 327,74 euros, majorée des intérêts à compter du 5 avril 2002 et de la capitalisation de ces intérêts, ainsi qu'une somme de 5 805,50 euros au titre des frais annexes ;

2°) de condamner solidairement la société EUROVIA et la société Composants Tarnais Béton à lui verser la somme de 5 451 euros au titre des frais expertise ;

3°) de condamner solidairement la société EUROVIA et la société Composants Tarnais Béton à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La commune soutient que les désordres ne lui sont aucunement imputables en sa qualité de maître d'oeuvre de l'opération de rénovation de la place Colbert, dès lors que, disposant des essais effectués par le centre de recherches et d'études du bâtiment et des travaux publics à la demande de la société Composants Tarnais Béton et ayant transmis à cette société les informations relatives aux contraintes auxquelles pouvaient être soumis les pavés sur la place Colbert, elle n'avait pas à réaliser d'autres essais pour s'assurer que ce type de matériaux était adapté à l'opération projetée ; que la société X, qui a procédé à la pose des pavés, a manqué à son obligation de conseil pour n'avoir pas exigé ou fait exécuter des essais sur les pavés livrés ; que la responsabilité de la société Composants Tarnais Béton est engagée sur le fondement soit des principes dont s'inspire l'article 1792-4 du code civil, soit de la garantie des vices cachés, pour avoir livré des matériaux affectés d'un vice tenant à des défauts de collage entre le parement de granit et la partie en béton des pavés, soit encore de la responsabilité délictuelle ;

Vu la lettre, enregistrée le 27 octobre 2005, adressée à la Cour par Me Quinchon qui indique que la société Composants Tarnais Béton a été cédée à la société Y dont il n'est pas le conseil ;

Vu la lettre du président de la 1ère chambre de la Cour, en date du 15 novembre 2005, informant les parties, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt à intervenir était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office ;

Vu le mémoire, enregistré le 18 novembre 2005, présenté pour la commune de

Mont-Saint-Aignan qui indique que les conclusions présentées contre la société Composants Tarnais Béton sur le fondement de la garantie des vices cachés ne sont pas nouvelles en appel, dès lors que ce fondement de responsabilité avait déjà été invoqué en première instance ;

Vu le mémoire, enregistré le 1er décembre 2005, présenté pour la société EUROVIA ; la société EUROVIA conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens et demande en outre le rejet de l'appel incident de la commune de Mont-Saint-Aignan ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 décembre 2005 à laquelle siégeaient Mme Tricot, président de chambre, M. Dupouy, président-assesseur et Mme Eliot, conseiller :

- le rapport de M. Dupouy, président-assesseur,

- et les conclusions de M. Lepers, commissaire du gouvernement ;

Considérant que, dans le cadre du réaménagement de la place Colbert, la commune de

Mont-Saint-Aignan a confié à la société X, par un marché de travaux en date du 1er juin 1995, la réalisation du lot n° 1 « assainissement-voirie-mobilier urbain » ; que ces travaux ont fait l'objet d'une réception prononcée sans réserve le 27 février 1996 ; que, par jugement du 30 septembre 2004, le Tribunal administratif de Rouen a condamné la société EUROVIA, venant aux droits de la société X, sur le fondement de la responsabilité décennale des constructeurs, à supporter 50 % du coût des travaux de réparation des désordres affectant le revêtement de la chaussée de la place Colbert ; que la société EUROVIA relève appel de ce jugement en demandant principalement sa mise hors de cause ; que, par la voie de l'appel incident et provoqué, la commune de Mont-Saint-Aignan demande à la Cour d'écarter sa responsabilité en sa qualité de maître d'oeuvre des travaux et de déclarer solidairement responsables des désordres la société EUROVIA et la société Composants Tarnais Béton, fabricant et fournisseur des pavés utilisés pour le revêtement de la chaussée ;

Sur le partage de responsabilité :

Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expert désigné par ordonnance du juge des référés du Tribunal de grande instance de Rouen en date du 10 août 1999 que les désordres en cause consistent en des fissurations et des décollements du revêtement de surface des pavés, ainsi qu'en des tassements de la chaussée dans certaines zones supportant le trafic des autobus ; que ces désordres, qui entraînent une gêne importante pour les piétons et sont susceptibles de causer des accidents, rendent l'ouvrage impropre à sa destination ; que, par suite, c'est à bon droit que le tribunal administratif a estimé que lesdits désordres étaient de nature à engager la responsabilité décennale des constructeurs sur le fondement des principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que les pavés de la gamme Y utilisés pour le revêtement de la chaussée de la place Colbert ont été choisis par les services techniques de la commune de Mont-Saint-Aignan, prévus au cahier des clauses techniques particulières et imposés à l'entrepreneur ; que la commune a retenu ces matériaux en se fondant sur les résultats d'essais que lui avait communiqués la société Composants Tarnais Béton, sans effectuer ses propres tests et sans s'assurer que le type de pavés retenu était adapté à la destination particulière de l'ouvrage ; que la société X, s'il n'est pas contesté qu'elle a exécuté les travaux conformément aux prescriptions contractuelles et aux règles de l'art, n'a formulé aucune observation sur le type de revêtement choisi compte tenu de l'usage auquel il était destiné et n'a pas fait réaliser d'essais sur les pavés livrés avant d'entreprendre leur pose ; qu'ainsi, ni la société EUROVIA, ni la commune de Mont-Saint-Aignan ne sont fondées à demander à être dégagées de toute responsabilité dans la survenance des désordres ; que, toutefois, dès lors que les désordres sont principalement imputables au choix des matériaux employés, le tribunal administratif, en fixant à 50 % la part de responsabilité mise à la charge de la société EUROVIA, a fait une inexacte appréciation des fautes respectives du maître d'oeuvre et de l'entrepreneur ; qu'il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'affaire en condamnant la société EUROVIA à supporter 20 % des conséquences des désordres ;

Sur les conclusions dirigées contre la société Composants Tarnais Béton :

Considérant, d'une part, qu'il y a lieu, par adoption des motifs retenus par les premiers juges, de rejeter les conclusions de la société EUROVIA dirigées contre la société Composants Tarnais Béton et celles de la commune de Mont-Saint-Aignan présentées contre cette dernière société sur le fondement des dispositions de l'article 1792-4 du code civil ;

Considérant, d'autre part, que si, devant la Cour, la commune de Mont-Saint-Aignan invoque également au soutien de ses conclusions dirigées contre la société Composants Tarnais Béton la garantie des vices cachés au sens de l'article 1643 du code civil, et la responsabilité quasi-délictuelle de cette entreprise, cette argumentation constitue une demande nouvelle en appel et, par suite, irrecevable ;

Sur le montant du préjudice :

Considérant que le coût des travaux nécessaires pour remédier aux désordres a été évalué par l'expert à la somme de 209 327,74 euros ; qu'il n'y a pas lieu d'inclure dans le montant du préjudice la somme de 5 805,50 euros correspondant à des frais annexes qui auraient été exposés par la commune de Mont-Saint-Aignan et pour lesquels la commune n'a pas apporté de justification suffisante ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, compte tenu du partage de responsabilité retenu, il y a lieu de ramener le montant de la réparation due par la société EUROVIA à la commune de Mont-Saint-Aignan à la somme de 41 865,55 euros et de réformer, dans cette mesure, le jugement attaqué ;

Sur les intérêts :

Considérant que la commune de Mont-Saint-Aignan a droit aux intérêts de la somme de

41 865,55 euros à compter du 5 avril 2002, date d'enregistrement de sa demande devant le tribunal administratif ;

Sur les intérêts des intérêts :

Considérant que la commune de Mont-Saint-Aignan a demandé la capitalisation des intérêts dans son mémoire du 13 mai 2005 ; qu'à cette date, les intérêts étaient dus pour au moins une année entière ; que, dès lors, il y a lieu de faire droit à cette demande à compter de cette date ;

Sur les frais d'expertise :

Considérant qu'il y a lieu de mettre 20 % de ces frais, dans la mesure où ils ont été exposés et tels qu'ils ont été liquidés, à la charge de la société EUROVIA ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de la commune de

Mont-Saint-Aignan le paiement à la société EUROVIA d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, les conclusions de la commune de Mont-Saint-Aignan tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La somme de 104 663,87 euros que la société EUROVIA a été condamnée à verser à la commune de Mont-Saint-Aignan est ramenée à 41 865,55 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 5 avril 2002. Les intérêts échus le 13 mai 2005 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 2 : Le jugement n° 0200648 du Tribunal administratif de Rouen en date du

30 septembre 2004 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Les frais d'expertise exposés sont mis à la charge de la société EUROVIA à concurrence de 20 % de leur montant et à la charge de la commune de Mont-Saint-Aignan à concurrence de 80 %.

Article 4 : La commune de Mont-Saint-Aignan versera à la société EUROVIA une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de la société EUROVIA ainsi que les conclusions de l'appel incident et provoqué de la commune de Mont-Saint-Aignan et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative présentées par cette collectivité sont rejetés.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société EUROVIA, à la commune de

Mont-Saint-Aignan, à la société Y venant aux droits de la société Composants Tarnais Béton et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.

Copie sera transmise au préfet de la Seine-Maritime.

2

N°04DA01019


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation a 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 04DA01019
Date de la décision : 29/12/2005
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme Tricot
Rapporteur ?: M. Alain Dupouy
Rapporteur public ?: M. Lepers
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS HERVE-PORCHY

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2005-12-29;04da01019 ?
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