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14/03/2006 | FRANCE | N°04DA00481

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation a 3, 14 mars 2006, 04DA00481


Vu, I, sous le n° 04DA00481, la requête, enregistrée le 7 juin 2004, présentée pour la société anonyme EDITIONS Y ET Z, dont le siège est 4 rue Vivien à Amiens (80000), par Me Garnier, avocat ; la société EDITIONS Y ET Z demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 00-257 en date du 6 avril 2004 par lequel le Tribunal administratif d'Amiens a ordonné avant-dire-droit un supplément d'instruction en ce qui concerne l'évaluation de l'actif de l'exercice 1996, et rejeté le surplus de sa demande tendant à la décharge, en droits et intérêts de retard, des cotisation

s supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et à la contribution sur l'imp...

Vu, I, sous le n° 04DA00481, la requête, enregistrée le 7 juin 2004, présentée pour la société anonyme EDITIONS Y ET Z, dont le siège est 4 rue Vivien à Amiens (80000), par Me Garnier, avocat ; la société EDITIONS Y ET Z demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 00-257 en date du 6 avril 2004 par lequel le Tribunal administratif d'Amiens a ordonné avant-dire-droit un supplément d'instruction en ce qui concerne l'évaluation de l'actif de l'exercice 1996, et rejeté le surplus de sa demande tendant à la décharge, en droits et intérêts de retard, des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et à la contribution sur l'impôt sur les sociétés prévue à l'article 235 ter ZA auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice 1995, ainsi que de la majoration de 10 % prévue à l'article 1761 du code général des impôts ;

2°) de prononcer la décharge demandée et de mettre à la charge de l'Etat la somme de

4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que, sur la procédure, le service a méconnu des dispositions de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales ; qu'il ne lui a pas indiqué les informations recueillies dans l'exercice du droit de communication ; que, par un détournement de procédure, il a, sous couvert de ce droit, engagé une vérification de comptabilité en méconnaissance de l'article L. 51 du même livre ; que cette seconde vérification n'a pas été précédée de l'envoi d'un avis ; que, sur le bien-fondé, le tribunal administratif a méconnu les règles de dévolution de la charge de la preuve ; que la qualification des frais relatifs à un CD-ROM est entachée d'erreurs de fait et de droit ; que le montant de ces coûts est surévalué ; qu'en raison de leur usure, les timbres qu'elle acquérait ne pouvaient être regardés comme un élément d'actif ; qu'ils devaient donc être inscrits dans les comptes à leur valeur marchande ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 14 décembre 2004, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie qui conclut au rejet de la requête ; à cette fin, il fait valoir qu'il n'a pas méconnu l'article L. 51 du livre des procédures fiscales en prenant les mesures nécessaires à l'instruction de la réclamation de la requérante ; que la succession de la vérification de comptabilité et de l'exercice du droit de communication n'est pas irrégulière ; que l'exercice de ce droit n'a débouché sur aucun supplément d'imposition par rapport à la notification de redressement en date du 4 juin 1998 ; qu'en ce qui concerne le bien-fondé des impositions, le CD-ROM n'était destiné ni à la publicité ni à la vente, mais à la confection des catalogues ; que la société requérante ne justifie pas de la diminution de 646 303 francs de la valeur retenue pour les frais relatifs à ce

CD-ROM ; que les timbres acquis par la contribuable n'étaient pas détruits dans le cycle d'exploitation ; que ces actifs devaient être évalués à leur valeur d'origine ; qu'il n'a d'autre possibilité que de procéder à une évaluation sur la base du montant des achats déjà pris en compte pour le calcul du redressement notifié en 1968 et du montant des achats constatés en 1995 et 1996 ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 22 février 2005, présenté pour la société EDITIONS Y ET Z qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens et à ce que les frais irrépétibles soient portés à 5 000 euros ; elle soutient, en outre, que le service ne pouvait exercer le droit de communication qu'à l'égard de tiers ; qu'elle a été privée des garanties attachées à la procédure de vérification de comptabilité ; que le montant de 1 451 748 francs retenu par le service pour les frais de réalisation du CD-ROM n'est pas justifié dans la décision de rejet de sa réclamation prise le 8 décembre 1999 ;

Vu, II, sous le n° 05DA00366, la requête, enregistrée le 4 avril 2005, présentée pour la société EDITIONS Y ET Z, dont le siège est 4 rue Vivien à Amiens (80000), par

Me Garnier, avocat ; la société EDITIONS Y ET Z demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 00-257 en date du 24 février 2005 par lequel le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté ses conclusions tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et à la contribution sur l'impôt sur les sociétés mentionnée à l'article

235 ter ZA auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice 1996, ainsi que de la majoration de 10 % prévue à l'article 1761 du code général des impôts ;

2°) de prononcer la décharge demandée et de mettre à la charge de l'Etat la somme de

5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle reprend les moyens présentés sous la requête n° 04DA00481 ; elle soutient, en outre, que les deux jugements se contredisent ; que le service a fondé son évaluation sur des exercices prescrits ; qu'il a daté arbitrairement de 1950 le début des achats de timbres ; qu'il n'a pris en compte ni l'inflation affectant une partie de la période de reconstitution ni l'usure des timbres ; que les acquisitions des années 1964 à 1966 ont déjà fait l'objet d'un redressement ; que celles des années 1995 et 1996 auraient dû être prises en compte pour leur valeur réelle ; que le montant de ses collections est plus correctement évalué dans l'expertise de M. X en date du 2 avril 1998 ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 16 septembre 2005, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie qui conclut au rejet de la requête ; à cette fin, il fait valoir qu'il a procédé à l'évaluation des actifs, sans obtenir le concours ni de la requérante qui se présente comme la référence mondiale des collectionneurs, ni du service national des postes ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 27 octobre 2005, présenté pour la société EDITIONS Y ET Z qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens et à ce que la somme de 6 000 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 20 février 2006, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie qui conclut aux mêmes fins ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 février 2006 à laquelle siégeaient M. Philippe Couzinet, président de chambre, M. Alain Dupouy, président-assesseur et

M. Jean-Eric Soyez, premier conseiller :

- le rapport de M. Jean-Eric Soyez, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Jérôme Michel, commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes susvisées de la société anonyme EDITIONS Y ET Z présentent à juger les mêmes questions ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

Sur la régularité des jugements attaqués :

Considérant que, pour admettre, dans leur jugement en date du 24 février 2005, la méthode d'évaluation des collections de timbres de la société EDITIONS Y ET Z qu'ils avaient estimée théorique et sommaire dans leur jugement avant-dire-droit du 6 avril 2004, les premiers juges se sont fondés sur la circonstance que cette évaluation découlait des seuls éléments dont avait pu disposer le service lors du supplément d'instruction, au cours duquel la société s'est abstenue de fournir au tribunal administratif les éléments qu'elle était pourtant seule en mesure de fournir ; que, dès lors, le moyen tiré d'une contradiction entre les motifs des deux jugements manque en fait ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant, en premier lieu, que ni l'article L. 52 du livre des procédures fiscales qui limite à trois mois la durée de la vérification de comptabilité de certaines entreprises, ni aucune autre disposition de la loi fiscale ne s'opposaient à ce qu'après avoir soumis la société EDITIONS Y ET Z à une vérification de comptabilité, le service usât à son égard du droit de communication prévu aux articles L. 81 et suivants du même livre, en vue d'enquêter ponctuellement sur des éléments contestés par ladite société dans sa réclamation formée le 12 février 1999 ;

Considérant, en deuxième lieu, que la société EDITIONS Y ET Z ne saurait se prévaloir du défaut de communication des renseignements ainsi recueillis, dès lors qu'elle était à l'origine de ces informations ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de ce qui précède que l'exercice de ce droit qui n'a d'ailleurs donné lieu à aucun redressement supplémentaire, ne saurait être regardé comme un détournement de procédure en vue d'effectuer une prétendue seconde vérification de comptabilité en méconnaissance des dispositions de l'article L. 51 du livre des procédures fiscales selon lesquelles, pour une même période, le service ne peut procéder qu'à une seule vérification des écritures ;

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne la charge de la preuve :

Considérant qu'en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge de l'impôt, il appartient au service, lors d'un redressement contradictoire au cours duquel le contribuable a manifesté un désaccord dans le délai de 30 jours prévu à l'article R. 57-1 du livre des procédures fiscales, de justifier de l'évaluation des éléments d'actif à laquelle il s'est livré ; que tel est le cas en l'espèce ;

En ce qui concerne les frais de confection d'un CD-ROM :

Considérant, d'une part, que, contrairement à ce que soutient la société EDITIONS Y ET Z à l'encontre de la requalification de ces frais exposés au titre de l'exercice clos en 1995, les premiers juges n'ont pas assimilé un CD-ROM à un logiciel ; que, par ailleurs, la société requérante ne conteste pas sérieusement que ce CD-ROM servait à la conception de catalogues, et n'était donc destiné ni à la vente ni à une distribution publicitaire ; qu'ainsi, dès lors qu'ils constituaient une source régulière de profit, dotés d'une pérennité suffisante et susceptible de faire l'objet d'une cession, les frais de confection de ce CD-ROM relevaient du régime fiscal des éléments incorporels de l'actif ;

Considérant, d'autre part, qu'à l'appui de son évaluation de ces frais d'un montant de

1 451 748 francs, le service énumère dans un tableau figurant dans la décision de rejet de la réclamation prise le 8 décembre 1999, des dépenses retracées dans des factures datées ; qu'en se bornant à critiquer sans autre argument l'inclusion dans ce tableau de films vidéo et de catalogues de télécartes et de timbres, la société EDITIONS Y ET Z n'assortit pas sa propre évaluation, inférieure de 646 303 francs, d'éléments plus précis que ceux proposés par le service ; qu'il ne s'ensuit pas que le montant de ces frais ait été surévalué par l'administration ;

En ce qui concerne les achats de timbres :

Considérant qu'il est constant qu'en sus de l'achat de pièces rares destinées à compléter sa collection commencée dans les années 50, la société EDITIONS Y ET Z se livrait à des acquisitions de timbres en vue de la mise à jour de ses catalogues ; que si elle ne conteste pas sérieusement la requalification des premiers en éléments d'actif, elle soutient que les seconds subissaient une usure rapide liée à des manipulations fréquentes ; que, toutefois, elle ne dément pas que ces derniers faisaient l'objet de consultations ponctuelles après l'exercice au cours duquel ils avaient été acquis ; qu'ainsi, elle ne combat pas efficacement le caractère d'accroissement d'actif de ces acquisitions ;

Considérant qu'il résulte de cette qualification que ces timbres devaient être inscrits dans les comptes de la société requérante à leur valeur d'origine, conformément aux dispositions de l'article 38 quinquies de l'annexe III au code général des impôts ;

Considérant qu'en ordonnant un supplément d'instruction à l'effet pour les parties de produire tous éléments propres à justifier de la valeur d'origine de ces éléments d'actifs réunis dans deux-cent-quarante-neuf albums et une cinquantaine de boîtes, les premiers juges n'ont pas méconnu les règles relatives à la prescription, dès lors que les communications qui devaient en résulter n'ont entraîné aucun rappel d'impositions au titre d'exercices prescrits ;

Considérant que, pour procéder à l'évaluation de ces timbres, le service a retenu, d'une part, des achats d'un montant moyen de 10 000 francs au titre de chacun des exercices 1964, 1965, et 1966 ; que cette constatation résulte d'un redressement assigné en 1969 et accepté par la société requérante ; qu'il s'est, d'autre part, fondé sur un montant moyen de 47 000 francs au titre des achats constatés en 1995, 1996 et 1997 ; que, faute de pouvoir recueillir des informations plus précises de la société requérante ou du service national des timbres postes, il en a inféré des achats de

10 000 francs par an pour les années 1950 à 1970, de 20 000 francs pour les années 1971 à 1980, de 30 000 francs pour les années 1981 à 1990 et de 45 000 francs pour les années 1991 à 1996 ;

Considérant que la société EDITIONS Y ET Z qui ne conteste pas que ses collections portent sur des timbres émis depuis les années 1950, ne saurait critiquer la date à partir de laquelle ses acquisitions ont été reconstituées ; que si elle allègue l'insuffisante prise en considération de l'inflation monétaire des années 1970, elle n'assortit pas sa critique de données plus crédibles ; qu'en se bornant à opposer une expertise, en date du 2 avril 1998, de la valeur vénale des actifs litigieux, elle ne combat pas efficacement les estimations du service qui portent sur leur valeur d'origine ; que, toutefois, elle soutient avec raison que les acquisitions de timbres des années 1964 à 1966 ont déjà fait l'objet d'un rehaussement, ainsi qu'il est constant, et qu'en conséquence, ses bases doivent être réduites de 30 000 francs ; qu'elle fait valoir également à juste titre que les acquisitions effectuées au cours des années 1995 et 1996 auraient dû être prises en compte à leur valeur réelle, soit 47 859 et 39 301 francs, entraînant une réduction en base de 2 840 francs ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société EDITIONS Y ET Z est seulement fondée à demander une réduction en base de 32 840 francs au titre de l'exercice clos en 1996 et la réformation, dans cette seule mesure, du jugement du 24 février 2005 ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'Etat la somme que la société EDITIONS Y ET Z, qui est principalement la partie perdante, demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La base de l'impôt sur les sociétés et de la contribution sur l'impôt sur les sociétés prévue à l'article 235 ter ZA, assignée à la société EDITIONS Y ET Z au titre de l'exercice 1996, est réduite d'une somme de 32 840 francs.

Article 2 : La société EDITIONS Y ET Z est déchargée de la différence entre les compléments d'impôt sur les sociétés et de contribution sur l'impôt sur les sociétés auxquels elle été assujettie au titre de l'exercice clos en 1996, et celle résultant de l'article 1er. Elle est déchargée de l'obligation de payer la majoration correspondante de 10 % prévue à l'article 1761 du code général des impôts.

Article 3 : Le jugement du Tribunal administratif d'Amiens en date du 24 février 2005 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions des requêtes de la société EDITIONS Y ET Z est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société anonyme EDITIONS Y ET Z et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Copie sera transmise au directeur des services fiscaux chargé de la direction de contrôle fiscal Nord.

Nos04DA00481,05DA00366 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 04DA00481
Date de la décision : 14/03/2006
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Couzinet
Rapporteur ?: M. Jean-Eric Soyez
Rapporteur public ?: M. Michel
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS SEJEF

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2006-03-14;04da00481 ?
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