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16/03/2006 | FRANCE | N°04DA00110

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation a 3 (bis), 16 mars 2006, 04DA00110


Vu la requête, enregistrée le 4 février 2004, présentée pour la SCEA CRECY, représentée par son gérant, dont le siège social est situé 1 impasse de la Longe à Moisville (27320), par la société d'avocats Baron-Cosse et Gruau ; la SCEA CRECY demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 03-1437, en date du 20 novembre 2003, par lequel le Tribunal administratif de Rouen a, à la demande de M. Gérard X, annulé l'arrêté du 19 mai 2003 du maire de la commune de Marcilly-la-Campagne lui délivrant un permis de construire un hangar agricole sur des parcelles de terrain c

adastrées ZL 48 et 49 situées au hameau de Merbouton ;

2°) de rejeter la d...

Vu la requête, enregistrée le 4 février 2004, présentée pour la SCEA CRECY, représentée par son gérant, dont le siège social est situé 1 impasse de la Longe à Moisville (27320), par la société d'avocats Baron-Cosse et Gruau ; la SCEA CRECY demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 03-1437, en date du 20 novembre 2003, par lequel le Tribunal administratif de Rouen a, à la demande de M. Gérard X, annulé l'arrêté du 19 mai 2003 du maire de la commune de Marcilly-la-Campagne lui délivrant un permis de construire un hangar agricole sur des parcelles de terrain cadastrées ZL 48 et 49 situées au hameau de Merbouton ;

2°) de rejeter la demande de M. X ;

3°) de condamner les époux X à verser à la SCEA CRECY la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La SCEA soutient que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur les dispositions de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme pour considérer qu'en fonction de l'environnement préexistant, le bâtiment projeté pouvait porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, au site ou au paysage naturel ; que le hameau de Merbouton ne présente pas un caractère exceptionnel imposant une préservation sur le fondement des dispositions de l'article

R. 111-21 du code de l'urbanisme ; qu'une éventuelle privation de vue subie par les voisins est sans incidence sur la légalité du permis ; que le maire n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article R. 111-21 précité ; qu'il appartiendra ensuite à la Cour d'écarter les autres moyens des demandeurs de première instance ; que le plan de situation figurait au dossier et répondait aux exigences de l'article R. 421-2 du code de l'urbanisme ; que la SCEA n'a pas manqué à une obligation de traitement des espaces extérieurs prévue par l'article R. 421-2 alinéa 4 du code de l'urbanisme ; que d'ailleurs, le bâtiment proprement dit, la configuration du terrain et les espaces extérieurs existants ne sont pas modifiés par le projet ; que le volet paysager du projet, traité à partir des photographies jointes au dossier, respecte les exigences de l'article R. 421-2 5è et 7è alinéas du code de l'urbanisme ; qu'en vertu de l'article R. 421-2 C, alinéa 2, l'indication d'une desserte électrique sur les plans soumis au service instructeur n'était pas nécessaire ; que la puissance électrique nécessitée par les nouvelles installations ne devait donner lieu à aucun renforcement de la ligne EDF ; qu'ainsi, l'article L. 421-5 du code de l'urbanisme n'était pas applicable ; que l'exploitation du futur bâtiment n'aura pas de conséquence sur le trafic ; que l'instructeur n'a commis sur ce point aucune erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article R. 111-4 du code de l'urbanisme ; que l'accès des véhicules poids lourds à partir du VC n° 22 s'effectuera en ligne droite sans que les véhicules aient besoin d'emprunter le virage à angle droit ; que l'arrêté municipal limitant à 3,5 tonnes le tonnage des véhicules empruntant le pont situé sur le RD 45 est postérieur au permis de construire critiqué ; que l'arrêté portant permis de construire fait, en son article 2, obligation pour la SCEA de se soumettre à l'avis en date du 5 mai 2003 émis par la direction départementale des services d'incendie et de secours ; que le service instructeur a exigé la réalisation d'une réserve d'eau de 120 m3 ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 18 février 2005, présenté pour M. Gérard X et Mme Laurence Y, épouse X, demeurant ..., par Me Poncet de la société d'avocats Thorel-Poncet-Devoeuf-Deslandes ;

M. et Mme X demandent à la Cour de rejeter la requête et de condamner la SCEA CRECY à leur verser la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; ils soutiennent que le dossier de demande de permis de construire n'était pas recevable dès lors qu'il méconnaissait les règles de composition du dossier fixées par l'article

R. 421-2 du code de l'urbanisme ; qu'aucun document ne permet de connaître précisément le traitement réservé aux espaces extérieurs ; qu'aucun des documents du volet paysager ne décrit suffisamment précisément le paysage, son environnement, l'intégration du bâtiment dans celui-ci ; que le dossier doit faire apparaître l'impact du projet dans le site ; que la SCEA CRECY n'a pas fourni toutes les indications nécessaires à l'appréciation des critères énumérés par la loi ; que le plan de masse ne répond pas aux exigences de l'article R. 421-2 du code de l'urbanisme en ce qui concerne les équipements, notamment la desserte électrique ; que les dispositions de l'article

L. 421-5 du code de l'urbanisme n'ont pas été respectées ; que le maire était alors tenu de rejeter la demande ; que le maire de Marcilly ne s'est pas inquiété des conséquences qui résulteraient de l'autorisation de la commune de Moisville par laquelle devrait être réalisé le renforcement de la ligne électrique ; que l'acte attaqué est, par ailleurs, entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions du règlement national d'urbanisme codifié aux articles R. 111-1 et suivants du code de l'urbanisme ; que la construction autorisée est incompatible avec les exigences de sécurité et la préservation de l'environnement d'un site sensible ; que la construction est de nature à porter atteinte à la sécurité publique au regard des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ; que le projet porte atteinte à la sécurité de circulation au regard des dispositions de l'article R. 111-4 du même code ; que le stockage de 1 300 tonnes de pommes de terre destinées à la commercialisation entraînera la mise en oeuvre de moyens de transports conséquents ; que l'entrée de l'exploitation se trouve dans un virage à angle droit bordé par une maison ; que la chaussée empruntée sur la commune de Moisville est une voie communale constituée d'un enrobé de largeur inégale, de 2,80 m en face de la propriété X ; qu'eu égard au problème de sécurité, le conseil municipal de la commune de Moisville, par délibération du 7 juillet 2003, a pris un arrêté limitant la circulation aux véhicules d'un tonnage non supérieur à 3,5 tonnes ; que, dans un courrier du

10 juillet 2003, le maire de la commune de Moisville s'inquiétait pour la sécurité des habitants de sa commune, eu égard au trafic de poids lourds trop important pour la largeur des voies accédant au futur site d'exploitation ; que l'indication du maire de Marcilly concernant la largeur de la voie est fausse et son appréciation entachée d'une erreur grave et manifeste ; que les conditions de sécurité édictées par les services de la direction départementale des services d'incendie et de secours ne peuvent être mises en oeuvre ; que la construction est incompatible avec l'environnement au sens de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme qui énonce des dispositions d'ordre public ; que la propriété de M. et Mme X possède un intérêt historique et architectural indéniable alors que le bâtiment agricole de la SCEA CRECY présente en réalité le caractère d'un bâtiment industriel ; que la construction du hangar concerne davantage la commune de Moisville que celle de Marcilly ;

Vu l'ordonnance en date du 16 mai 2005 portant clôture de l'instruction au 24 juin 2005 ;

Vu le mémoire « en défense », enregistré le 27 juin 2005 par télécopie et régularisé par l'envoi de l'original le 1er juillet 2005, présenté par le ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer qui, invité à produire ses observations, conclut à l'annulation du jugement attaqué et fait valoir qu'il n'est pas établi que le projet litigieux porterait une atteinte à l'intérêt des lieux avoisinants au sens des dispositions de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme ; que les premiers juges ont fait une appréciation insuffisante de l'ensemble des lieux avoisinants qui ne présentent aucun caractère particulier ;

Vu les mentions au dossier attestant de la communication du premier mémoire en défense à la société appelante ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 mars 2006 à laquelle siégeaient Mme Christiane Tricot, président de chambre, M. Olivier Yeznikian, président-assesseur et

Mme Agnès Eliot, conseiller :

- le rapport de M. Olivier Yeznikian, président-assesseur ;

- et les conclusions de M. Jacques Lepers, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme : « Le permis de construire peut être refusé ou n'être accordé que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales » ;

Considérant que, compte tenu notamment de l'éloignement du bâtiment projeté par rapport à la propriété de M. X et de sa situation dans la partie du hameau de Merbouton situé sur le territoire de la commune de Marcilly-la-Campagne, il ne ressort pas des pièces du dossier produites devant le juge administratif, qu'en délivrant le 19 mai 2003 le permis de construire un hangar agricole, le maire de la commune de Marcilly-la-Campagne ait entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation des intérêts pris en compte par les dispositions précitées de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme et notamment de l'atteinte portée au caractère et à l'intérêt des lieux avoisinants résultant, dans la partie du hameau situé sur le territoire de la commune de Moisville, de la présence d'un manoir et d'un pigeonnier ancien au sein d'un parc, propriété des époux X ; que la circonstance que ce hangar serait susceptible de réduire la vue dont jouissait cette propriété sur la campagne environnante est sans influence sur la mise en oeuvre des dispositions précitées ; que, par suite, la SCEA CRECY est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rouen a annulé le permis de construire attaqué en retenant l'existence d'une erreur manifeste d'appréciation du maire au regard des dispositions de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme ;

Considérant cependant qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés en première instance et repris en appel par les intimés ;

Considérant qu'aux termes de l'article R. 421-2 du code de l'urbanisme : « A. Le dossier joint à la demande de permis de construire comporte : 1º Le plan de situation du terrain ; 2º Le plan de masse des constructions à édifier ou à modifier coté dans les trois dimensions, des travaux extérieurs à celles-ci et des plantations maintenues, supprimées ou créées ; 3º Les plans des façades ; 4º Une ou des vues en coupe précisant l'implantation de la construction par rapport au terrain naturel à la date du dépôt de la demande de permis de construire et indiquant le traitement des espaces extérieurs ; 5º Deux documents photographiques au moins permettant de situer le terrain respectivement dans le paysage proche et lointain et d'apprécier la place qu'il y occupe. Les points et les angles des prises de vue seront reportés sur le plan de situation et le plan de masse ; 6º Un document graphique au moins permettant d'apprécier l'insertion du projet de construction dans l'environnement, son impact visuel ainsi que le traitement des accès et des abords. Lorsque le projet comporte la plantation d'arbres de haute tige, les documents graphiques devront faire apparaître la situation à l'achèvement des travaux et la situation à long terme ; 7º Une notice permettant d'apprécier l'impact visuel du projet. A cet effet, elle décrit le paysage et l'environnement existants et expose et justifie les dispositions prévues pour assurer l'insertion dans ce paysage de la construction, de ses accès et de ses abords ; … C. (...) / Lorsque la demande concerne la construction de bâtiments ou d'ouvrages devant être desservis par des équipements publics, le plan de masse visé à l'alinéa précédent indique le tracé de ces équipements et les modalités selon lesquelles les bâtiments ou ouvrages y seront raccordés. A défaut d'équipements publics, le plan de masse indique les équipements privés prévus, notamment pour l'alimentation en eau et l'assainissement » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le document graphique et la notice prévus aux 6° et 7° de l'article susrappelé, fournis par la SCEA CRECY à l'appui de sa demande de permis de construire, ne comportent que des représentations partielles et des indications succinctes qui ne permettaient pas d'apprécier de manière complète l'insertion du projet de construction du hangar agricole dans l'environnement ainsi que son impact visuel ; qu'en particulier, la notice qui ne contient pas de description du paysage et de l'environnement existants, n'expose ni ne justifie les dispositions prévues pour assurer l'insertion de la construction dans le paysage malgré la présence dans une partie du hameau de Merbouton, d'un manoir et d'un pigeonnier ancien ; que ces lacunes ne se trouvent pas compensées par les autres pièces figurant au dossier de permis de construire et notamment par les dix photographies que comprend le volet paysager ;

Considérant que, par ailleurs, contrairement à ce que prévoit le C de l'article R. 412-2 du code de l'urbanisme précité, le plan de masse figurant au dossier de permis de construire ne contient aucune mention du tracé des équipements publics, notamment électriques, et des modalités de leur raccordement au nouveau bâtiment projeté qui ne constitue pas une simple extension des constructions existantes relevant de l'exploitation ; que ce plan de masse n'indique pas davantage les équipements privés susceptibles d'être utilisés par l'exploitation, notamment pour ses besoins en électricité ; que les autres pièces du dossier ne permettent pas de satisfaire à l'exigence prévue par la disposition susrappelée qui ne s'avérait pas, en l'espèce, superflue ;

Considérant, pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, qu'aucun autre moyen invoqué par M. et Mme X n'est susceptible de fonder l'annulation prononcée par le présent arrêt ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SCEA CRECY n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté en date du 19 mai 2003 par lequel le maire de la commune de Marcilly-la-Campagne lui a, au nom de l'Etat, délivré un permis de construire un hangar agricole au hameau de Merbouton ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que la SCEA CRECY, partie perdante, n'est pas fondée à demander la condamnation de M. et Mme sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'en revanche, il sera mis à la charge de la SCEA CRECY la somme de

1 500 euros sur les 5 000 euros que M. et Mme X réclament en application des mêmes dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SCEA CRECY est rejetée.

Article 2 : La SCEA CRECY versera à M. et Mme X la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCEA CRECY, à M. et Mme X, à la commune de Marcilly-la-Campagne ainsi qu'au ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer.

Copie sera transmise en application de l'article R. 751-11 du code de justice administrative au Procureur de la République près le Tribunal de grande instance d'Evreux.

Copie sera transmise au préfet de la Seine-Maritime.

2

N°04DA00110


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation a 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 04DA00110
Date de la décision : 16/03/2006
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Tricot
Rapporteur ?: M. Olivier Yeznikian
Rapporteur public ?: M. Lepers
Avocat(s) : SCP BARON - COSSE et GRUAU

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2006-03-16;04da00110 ?
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