La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/03/2006 | FRANCE | N°04DA00198

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation a 3 (bis), 16 mars 2006, 04DA00198


Vu la requête, enregistrée le 3 mars 2004, présentée pour le GAEC X, représenté par ses gérants MM. David X et Germain X, dont le siège social est ..., et par Me Ottaviani ; le GAEC X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 03-1963, du 22 décembre 2003, par lequel le Tribunal administratif de Rouen a, à la demande de M. et Mme Y, d'une part, annulé l'arrêté du

27 septembre 2003 du maire d'Harcanville lui accordant un permis de construire à l'effet d'édifier un bâtiment agricole destiné au stockage de pommes de terre et, d'autre part, l'a condamné à

verser à M. et Mme Y la somme de 400 euros au titre de l'article L. 761-1 du cod...

Vu la requête, enregistrée le 3 mars 2004, présentée pour le GAEC X, représenté par ses gérants MM. David X et Germain X, dont le siège social est ..., et par Me Ottaviani ; le GAEC X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 03-1963, du 22 décembre 2003, par lequel le Tribunal administratif de Rouen a, à la demande de M. et Mme Y, d'une part, annulé l'arrêté du

27 septembre 2003 du maire d'Harcanville lui accordant un permis de construire à l'effet d'édifier un bâtiment agricole destiné au stockage de pommes de terre et, d'autre part, l'a condamné à verser à M. et Mme Y la somme de 400 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de rejeter la demande présentée en première instance par M. et Mme Y ;

3°) de condamner M. et Mme Y à lui verser la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que le Tribunal n'a ni rappelé, ni analysé, le mémoire qu'il avait déposé ; que le Tribunal s'est fondé sur des faits erronés ; qu'il convenait d'apprécier la situation et la mise en oeuvre des dispositions de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme, au regard des objectifs définis par les dispositions des articles L. 111-1 et L. 111-2 du code rural qui fixent les principes directeurs de l'aménagement du territoire en milieu rural ; que l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme est placé en-dessous de la loi et donc des articles précités du code rural ; qu'en l'espèce, l'activité du GAEC est quasiment la seule activité du village qui fait vivre trois familles ; que la construction du bâtiment permet de maintenir et de développer l'activité agricole dans le village ; que, pour le surplus, il entend reprendre ses moyens de première instance ; que la propriété n'est pas bordée par l'église et le cimetière mais en est séparée par une voie publique ; que la propriété des époux Y n'est que l'ancien presbytère de l'église ; que, si elle est située à proximité immédiate du terrain sur lequelle le GAEC exerce son activité d'exploitation, cette situation était connue des intéressés lorsqu'ils ont acquis leur propriété ; que l'avis de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales n'est exigé par aucun texte ; que le premier refus du maire de délivrer au GAEC un permis de construire ne faisait pas obstacle à ce qu'il lui accorde l'autorisation sollicitée sur la base d'un nouveau projet ; que les modifications apportées dans la seconde demande n'étaient pas mineures ; que la construction projetée ne porte pas atteinte aux dispositions de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme ; que la construction projetée respecte l'article R. 111-22 du même code concernant les hauteurs des constructions ; que l'exception d'illégalité fondée sur la méconnaissance de l'article R. 421-38-19 du code de l'urbanisme n'est pas fondée dès lors que le cimetière en cause n'est pas un cimetière transféré ; que le prétendu non-respect des prescriptions spéciales prévues par le permis du 27 septembre 2003 est inopérant ; que les dispositions du code de l'urbanisme n'ont pas pour objet de protéger les intérêts d'un particulier ; que le bâtiment, une fois construit, s'insère dans son environnement ; que l'emplacement sur lequel le bâtiment a été édifié pour les besoins d'une exploitation agricole est le seul qui soit situé en zone non inondable ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 21 juillet 2004, présenté pour Monsieur Michaël Y et son épouse, Madame Christine Z-Y, demeurant ..., par la SCP Lenglet, Malbesin et associés ; M. et Mme Y demandent le rejet de la requête et la condamnation du GAEC X, de la commune d'Harcanville et de l'Etat à leur verser la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; ils soutiennent que c'est à bon droit que le Tribunal administratif de Rouen, qui n'a pas retenu des faits erronés, a annulé le permis de construire en ce qu'il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation sur le fondement des dispositions de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme ; que la législation en matière d'urbanisme est totalement indépendante des autres législations et notamment des dispositions du code rural ; qu'au surplus, les dispositions des articles L. 111-1 et L. 111-2 du code rural ne fixent que des objectifs et des priorités permettant d'orienter la politique d'aménagement rural sans que ces objectifs soient applicables en matière d'urbanisme et plus particulièrement à l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme ; que la commune d'Harcanville n'est pas dotée du plan d'occupation des sols ou d'un plan local d'urbanisme ; que les dispositions du règlement national d'urbanisme sont donc applicables ; que le bâtiment projeté, de par son volume, ses dimensions et son aspect extérieur, est de nature à porter atteinte à l'intérêt des lieux avoisinants ; que la seconde demande de permis de construire n'apporte que des modifications mineures au projet par rapport à la première demande qui a été refusée ; que l'absence de consultation de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales entache d'illégalité l'arrêté de permis de construire du 27 septembre 2003 ; que, par voie d'exception, les dispositions de l'article R. 421-38-19 du code de l'urbanisme ont été méconnues ;

Vu le mémoire, enregistré le 2 août 2004, présentée pour le GAEC X, qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ;

Vu les mémoires, enregistrés les 18 octobre 2004 et 18 mars 2005, présentés pour

M. et Mme Y, qui concluent aux mêmes fins que leur précédent mémoire par les mêmes moyens ;

Vu l'ordonnance du 16 mai 2005 prononçant la clôture de l'instruction au 24 janvier 2005 à 16 h 30 ;

Vu le mémoire « en défense », enregistré le 27 juin 2005 par télécopie et régularisé par l'envoi de l'original le 1er juillet 2005, présenté par le ministre de l'équipement, des transports, du tourisme et de la mer qui, invité à produire ses observations, conclut à l'annulation du jugement attaqué et fait valoir qu'il n'est pas établi que le projet litigieux porterait une atteinte caractérisée aux lieux avoisinants, aux sites et aux paysages naturels ou urbains ; que le jugement retient des faits inexacts ; que l'architecte des bâtiments de France a émis un avis favorable sur le projet sous réserve de certaines prescriptions qui ont été reprises dans le permis concernant les façades et la couverture ; que l'absence de respect de ces prescriptions par le pétitionnaire est sans influence sur la légalité du permis ; que cette question relève du contrôle de la conformité des travaux ; que l'arrêté a également prescrit la plantation d'arbres de hautes tiges qui sont de nature à réduire l'impact visuel du bâtiment et à améliorer de manière sensible son intégration dans le milieu environnant ; que, par suite, le maire n'a pas, en délivrant le permis litigieux, commis d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme ;

Vu l'ordonnance en date du 4 juillet 2005 prononçant la réouverture de l'instruction ;

Vu le mémoire, enregistré le 25 août 2005, présenté pour M. et Mme Y, qui concluent aux mêmes fins que leurs précédentes écritures et, en outre, à ce que la somme réclamée en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative soit portée à

4 000 euros ; ils confirment leurs moyens et entendent répondre aux deux arguments principaux du ministre présentés dans un mémoire tardif et tirés de la situation de la propriété du GAEC par rapport au centre du village et des effets des plantations d'arbres ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code rural ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 mars 2006 à laquelle siégeaient Mme Christiane Tricot, président de chambre, M. Olivier Yeznikian, président-assesseur et

Mme Agnès Eliot, conseiller :

- le rapport de M. Olivier Yeznikian, président-assesseur :

- les observations de Me Ottavioni, pour le GAEC X ;

- et les conclusions de M. Jacques Lepers, commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant que le GAEC soutient que le jugement attaqué est irrégulier en tant qu'il a omis de viser et d'analyser le mémoire qu'il a produit dans l'instance n° 03-1963 ayant donné lieu audit jugement ; que s'il ressort des pièces du dossier qu'un tel mémoire a été enregistré - et d'ailleurs visé et analysé - dans l'instance en référé, n° 03-1958, ayant donné lieu à l'ordonnance du

16 octobre 2003, il ne ressort, en revanche, ni des pièces du dossier de première instance, ni de celles produites en appel, que le GAEC X aurait produit un mémoire comparable dans l'instance au fond ; que, dans ces conditions, le GAEC X n'est pas fondé, en tout état de cause, à soutenir que le jugement rendu le 22 décembre 2003 aurait été irrégulier faute d'avoir visé et analysé le mémoire qu'il allègue avoir produit devant le Tribunal administratif de Rouen sous le n° 03-1963 ;

Sur les conclusions du GAEC X :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme : « Le permis de construire peut être refusé ou n'être accordé que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales » ;

Considérant que si, d'une part, le maire avait repris, dans ses prescriptions, les recommandations contenues dans l'avis de l'architecte du bâtiment de France - lesquelles n'ont, toutefois, pas été totalement respectées lors de la réalisation de la construction - et que si, d'autre part, il avait tenu compte de ce que le hangar avait été, au regard d'un précédent projet, légèrement diminué en hauteur et éloigné quelque peu par rapport à la limite de la propriété Y, il ressort des pièces du dossier qu'en accordant au GAEC X le permis de construire un hangar agricole situé au centre de la partie historique du village, à proximité immédiate de l'église des 17ème et

18ème siècles, de son cimetière attenant et en bordure de la propriété où se trouve le manoir presbytéral remontant au 17ème siècle, communément dénommé « château » appartenant aux époux Y, le maire de la commune d'Harcanville a commis une erreur manifeste dans l'appréciation de l'atteinte portée au caractère et à l'intérêt des lieux avoisinants, en raison notamment du volume, de la hauteur et de l'implantation de la construction critiquée ; que, par suite, le GAEC X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Rouen a, par le jugement attaqué qui ne repose pas sur des faits matériellement inexacts, annulé l'arrêté du maire de la commune d'Harcanville en date du 27 septembre 2003 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du

GAEC X, partie perdante, la somme de 1 500 euros que M. et Mme Y réclament en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme réclamée par

M. et Mme Y sur le même fondement ; que la commune d'Harcanville n'étant pas partie à l'instance, les conclusions présentées par les époux Y sur le fondement précité contre la commune doivent être rejetées ; qu'enfin, les conclusions présentées sur le fondement précité par le GAEC X, partie perdante, ne peuvent par suite qu'être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1 : La requête du GAEC X est rejetée.

Article 2 : Le GAEC X versera à M. et Mme Y la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par M. et Mme Y sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au GAEC X, à M. et Mme Michaël Y et au ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer.

Copie sera transmise au préfet de la Seine-Maritime.

N°04DA00198 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation a 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 04DA00198
Date de la décision : 16/03/2006
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Tricot
Rapporteur ?: M. Olivier Yeznikian
Rapporteur public ?: M. Lepers
Avocat(s) : OTTAVIANI

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2006-03-16;04da00198 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award