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30/03/2006 | FRANCE | N°04DA00116

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 5 (bis), 30 mars 2006, 04DA00116


Vu la requête, enregistrée le 6 février 2004 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la SA CAUDIS, représentée par son représentant légal, dont le siège est rue de Cambrai à Caudry (59540), par la SCP Savoye et associés ; la SA CAUDIS demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 02-4238 en date du 11 décembre 2003 par lequel le Tribunal administratif de Lille, à la demande de l'association de défense du commerce local de Caudry, d'une part, a annulé la décision du 12 septembre 2002 de la commission départementale d'équipement commer

cial du Nord lui accordant l'autorisation d'exploitation commerciale du pro...

Vu la requête, enregistrée le 6 février 2004 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la SA CAUDIS, représentée par son représentant légal, dont le siège est rue de Cambrai à Caudry (59540), par la SCP Savoye et associés ; la SA CAUDIS demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 02-4238 en date du 11 décembre 2003 par lequel le Tribunal administratif de Lille, à la demande de l'association de défense du commerce local de Caudry, d'une part, a annulé la décision du 12 septembre 2002 de la commission départementale d'équipement commercial du Nord lui accordant l'autorisation d'exploitation commerciale du projet de transfert et d'extension à plus de 6 000 m² à Caudry de la surface de vente et de sa galerie marchande composant l'hypermarché à l'enseigne Leclerc et, d'autre part, l'a condamnée solidairement avec l'Etat à lui verser la somme de 1 000 euros au titre des frais ;

2°) de rejeter la demande présentée par l'association de défense du commerce local de Caudry ;

3°) de condamner l'association de défense du commerce local de Caudry à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que l'association de défense du commerce local de Caudry n'avait pas intérêt à agir ; que, sans qu'il soit question de demander au juge administratif de se prononcer sur la licéité de l'association, par ailleurs non déclarée, il ressort que celle-ci ne défend pas, comme son objet social l'indique, le commerce local, mais, de manière dissimulée, les intérêts d'une autre grande enseigne ; que la requête introductive d'instance devant le tribunal administratif, qui n'était pas suffisamment motivée, ne répondait pas aux exigences de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ; que, pour prononcer l'annulation de la décision de la commission départementale d'équipement commercial, les premiers juges se sont fondés uniquement sur le rapport de la direction départementale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes et sur l'avis émis par la chambre des métiers du Nord, seul membre de la commission ayant voté contre le projet alors que la décision attaquée a été adoptée par cinq voix contre une ; qu'ont été considérablement surévalués les effets négatifs du projet et n'ont pas été examinés ses effets positifs ; que le projet ne conduit pas à un gaspillage des équipements commerciaux ; que les chiffres retenus ne permettent pas de le déduire ; que la décision ne tient pas suffisamment compte de la distinction tirée de la nature des ventes, le projet ne comportant pas seulement une extension du secteur alimentaire ; que dans le secteur de l'électro-ménager et du textile, il existe une carence du commerce dans le centre de Caudry ; que le projet permettait ainsi de freiner l'évasion commerciale, au moins dans les secteurs autres qu'alimentaires ; que, d'autre part, l'écrasement allégué du petit commerce n'est pas prouvé ; qu'enfin, les effets positifs du projet n'ont pas été examinés par le Tribunal ; que l'extension demandée entraînerait la création d'emplois ; que le transfert du magasin actuel permettrait de profiter du trafic engendré par la route nationale et d'assurer un accès et des possibilités de stationnements plus aisés ; que le projet est d'autant plus important pour le développement économique de la ville de Caudry que la concurrence de Cambrai se fera plus forte en raison du renforcement actuel de son potentiel commercial ; que le contrôle du juge sur les décisions des commissions départementales d'équipement commercial se limite à l'erreur manifeste d'appréciation ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en intervention, enregistré le 11 mai 2005, présenté pour la commune de Caudry représentée par son maire en exercice dûment habilité, par Me Eric Landot par lequel la commune s'associe aux conclusions tendant à l'annulation du jugement attaqué et demande la condamnation de l'association de défense du commerce local de Caudry à lui verser la somme de

2 300 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient que, l'association de défense du commerce local de Caudry n'ayant pas été déclarée en préfecture, était dépourvue de la capacité à ester en justice ; que c'est donc à tort que le tribunal administratif a déclaré sa requête recevable ; que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé uniquement sur le critère du taux d'équipement commercial en négligeant les autres critères légaux ; qu'il a également retenu un taux calculé sur une base erronée et a omis de rapporter ce taux au taux national en se bornant à le rapporter à un taux dans l'arrondissement qui n'est pas pertinent ; que l'augmentation du taux au plan local est modeste ; que s'il est supérieur à la moyenne nationale, cela tient également à l'assiette de calcul qui est erronée en ce qu'elle retient les surfaces de la galerie marchande ; qu'en tout état de cause, le taux retenu n'est pas sensiblement supérieur à celui du département du Nord ; qu'il n'entache pas, dès lors, l'autorisation d'exploitation commerciale d'illégalité ; que le tribunal administratif n'a pas tenu compte de nombreux aspects importants et positifs du projet de transfert-extension ;

Vu l'ordonnance en date du 18 mai 2005 du président de la 1ère chambre portant clôture de l'instruction au 24 juin 2005 à 16 heures 30 ;

Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 22 juin 2005 par télécopie et régularisé par l'envoi de l'original qui a été reçu le 23 juin 2005, présenté pour la commune de Caudry qui conclut aux mêmes fins que son mémoire en intervention par les mêmes moyens et, en outre, par le moyen tiré de ce que l'association requérante ne défendait pas, devant le tribunal administratif, un intérêt propre mais celui de l'enseigne Intermarché, concurrente directe de la SA CAUDIS ; que cette association n'a été créée qu'en vue de faire échec à la décision litigieuse et n'a pas d'existence réelle ; qu'il résulte de l'étude détaillée du projet que si le taux d'équipement sera quelque peu supérieur à celui de la moyenne départementale, les avantages du projet l'emportent nettement sur ses inconvénients ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 24 juin 2005 par télécopie et régularisé par l'envoi de l'original reçu le 27 juin 2005, présenté pour l'association de défense du commerce local de Caudry, par la SCP Chéneau et Puybasset, qui conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la SA CAUDIS à lui verser la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient que la capacité à agir de l'association est incontestable ; que son intérêt à agir doit être apprécié au regard de son objet social et non par rapport à la profession ou aux intérêts personnels, réels ou supposés, des personnes adhérentes ou encore de leurs relations avec la commune ; que la jurisprudence admet la recevabilité des recours des associations de commerçants locaux contre une autorisation d'urbanisme commercial ; que son objet social précisé à l'article 2 de ses statuts démontre de façon très claire qu'elle intervient pour la défense du commerce local de Caudry et que, par suite, son intérêt à agir ne saurait être contesté ; que sa requête était suffisamment motivée et contenait des conclusions suffisamment précises ; que la SA CAUDIS a d'ailleurs critiqué de manière précise son argumentation ; que le contrôle exercé par le juge sur ce type de décisions litigieuses n'est pas limité à l'erreur manifeste d'appréciation mais s'étend au contrôle normal ; qu'en ce qui concerne les risques que ferait courir le projet pour l'équilibre du commerce, la société appelante ne produit aucune pièce nouvelle ni aucun argument nouveau permettant d'infirmer la solution motivée du Tribunal administratif de Lille ; que le fait que la décision a été adoptée à une forte majorité n'établit pas sa légalité ; qu'il ne saurait être fait grief au Tribunal de s'être fondé sur un rapport circonstancié et comportant des éléments objectifs qui ne sont pas sérieusement contredits ; que le projet de transfert avec extension du Leclerc de Caudry viendrait à nouveau aggraver l'écart entre la densité de la zone de chalandise, l'arrondissement et le département en termes de densité commerciale ; qu'un risque existe d'affaiblissement du centre-ville de Caudry du fait des nouveaux flux de circulation en direction du nouveau site du « Leclerc » ; que les avantages attendus de la réalisation du projet ne parviennent pas à compenser le déséquilibre qu'il provoquerait ;

Vu l'ordonnance en date du 28 juin 2005 du président de la Cour portant réouverture de l'instruction ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 8 juillet 2005, présenté pour la SA CAUDIS qui conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures par les mêmes moyens et soutient qu'elle s'associe aux éléments détaillés fournis par la commune dans son mémoire en intervention concernant l'association et le nouveau rapport de 2005 établi par la direction de la concurrence ; qu'en ce qui concerne l'intérêt à agir, la Cour pourra retenir l'irrecevabilité de l'action en se fondant soit sur le principe que nul ne plaide par procureur, soit sur le constat que l'association n'a aucune réalité juridique ;

Vu la lettre en date du 27 janvier 2006, informant les parties, en application de l'article

R. 611-7 du code de justice administrative, que la décision à intervenir est susceptible d'être fondée sur un moyen soulevé d'office ;

Vu le mémoire, enregistré le 13 février 2006 par télécopie et régularisé par l'envoi de l'original reçu le 15 février 2006, présenté pour la commune de Caudry en réponse au moyen d'ordre public communiqué ; elle précise qu'elle s'approprie le moyen tiré de l'irrecevabilité de la demande en l'absence d'exercice du recours administratif préalable devant la commission nationale d'équipement commercial ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du commerce ;

Vu la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 modifiée, et notamment son article 1er ;

Vu le décret n° 93-306 du 9 mars 1993 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 mars 2006 à laquelle siégeaient M. Serge Daël, président de la Cour, Mme Christiane Tricot, président de chambre,

M. Olivier Yeznikian, président-assesseur, M. Christian Bauzerand, premier conseiller, et

Mme Agnès Eliot, conseiller :

- le rapport de M. Olivier Yeznikian, président-assesseur ;

- les observations de Me Daval, pour la SA CAUDIS et de Me Dobsik, pour la commune de Caudry ;

- et les conclusions de M. Jacques Lepers, commissaire du gouvernement ;

Sur l'intervention de la commune de Caudry :

Considérant que la commune de Caudry a intérêt à l'annulation du jugement attaqué ; qu'ainsi son intervention est recevable ;

Sur la recevabilité des conclusions de première instance :

Considérant que, si l'intérêt à agir d'une association est apprécié par le juge administratif au regard de son objet social tel qu'il est énoncé dans ses statuts, il est fait exception à cette règle lorsqu'il est soutenu et qu'il ressort manifestement des pièces du dossier que l'association agit exclusivement pour le compte d'autrui et dans un but autre que celui qu'elle est censée poursuivre à travers son objet social ;

Considérant qu'aux termes de l'article 2 des statuts de l'association de défense du commerce local de Caudry : « Cette association a pour objet d'assurer et de faire assurer la défense du commerce local de Caudry, notamment par la promotion des commerces existants, par les démarches auprès des pouvoirs publics pour le soutien des initiatives des commerçants de la cité, et par le recours et actions contre les implantations ou extensions commerciales susceptibles de porter atteinte à l'équilibre actuel des diverses formes de commerces » ;

Considérant qu'il est soutenu et il ressort manifestement des pièces du dossier produites en cause d'appel que, compte tenu de la composition de l'association et des actions entreprises par celle-ci, l'association non déclarée dénommée « association de défense du commerce local de Caudry » a été, en fait, constituée exclusivement en vue d'assurer la défense des intérêts commerciaux de deux magasins de la moyenne ou de la grande distribution exerçant leurs activités sous une enseigne directement concurrente de celle devant bénéficier de l'autorisation attaquée et qui sont implantés à Caudry et au Cateau-Cambrésis, soit respectivement dans la première et la deuxième sous zones de chalandise de l'ensemble commercial autorisé par la décision litigieuse ; que, dans les conditions particulières de l'espèce, l'association, agissant exclusivement pour le compte d'un groupe commercial dans un but autre que celui de la défense du commerce local de Caudry, ne peut, par suite, légitimement se prévaloir, devant le juge administratif, de l'intérêt à agir que lui confèrerait normalement son objet social tel qu'énoncé à l'article 2 de ses statuts ; que, par suite, la demande présentée par l'association de défense du commerce local de Caudry devant le Tribunal administratif de Lille n'était pas recevable et devait être rejetée ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres fins de non-recevoir opposées à la demande de première instance, que la SA CAUDIS est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a admis la recevabilité de l'action introduite par l'association de défense du commerce local de Caudry avant de prononcer l'annulation de la décision, en date du 12 septembre 2002, par laquelle la commission départementale d'équipement commercial du Nord l'avait autorisée à créer un ensemble commercial sur le territoire de la commune de Caudry ; qu'il y a lieu, par suite, d'annuler ledit jugement et de rejeter la demande présentée par l'association de défense du commerce local de Caudry comme irrecevable ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SA CAUDIS, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que l'association de défense du commerce local de Caudry demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de « l'association de défense du commerce local de Caudry » la somme de 2 000 euros que la SA CAUDIS demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

Considérant que, la commune de Caudry, intervenante, n'étant pas partie à la présente instance, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'association de défense du commerce local de Caudry la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'intervention de la commune de Caudry est admise.

Article 2 : Le jugement n° 02-4238, du Tribunal administratif de Lille, en date du

11 décembre 2003, est annulé et la demande de l'association de défense du commerce local de Caudry est rejetée.

Article 3 : « L'association de défense du commerce local de Caudry » versera à la

SA CAUDIS la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de la commune de Caudry et celles de l'association de défense du commerce local de Caudry présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SA CAUDIS, à l'association de défense du commerce local de Caudry, à la commune de Caudry et au ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et des professions libérales.

Copie sera transmise au préfet du Nord.

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N°04DA00116


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. Daël
Rapporteur ?: M. Olivier Yeznikian
Rapporteur public ?: M. Lepers
Avocat(s) : SCP SAVOYE ET ASSOCIES

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 5 (bis)
Date de la décision : 30/03/2006
Date de l'import : 04/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 04DA00116
Numéro NOR : CETATEXT000007604568 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2006-03-30;04da00116 ?
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