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04/04/2006 | FRANCE | N°05DA00204

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation a 3 (bis), 04 avril 2006, 05DA00204


Vu la requête, enregistrée le 17 février 2005 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la société en commandite par actions Y... FRANCE (anciennement Compagnie Générale de Chauffe), dont le siège est ..., BP 38 à

Saint-André (59875), prise en la personne de son président-directeur général, par Me Z... et

Me X... ; la société Y... FRANCE demande à la Cour :

1) d'annuler le jugement n° 0201621 du 9 décembre 2004 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge des compléments d'impô

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Vu la requête, enregistrée le 17 février 2005 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la société en commandite par actions Y... FRANCE (anciennement Compagnie Générale de Chauffe), dont le siège est ..., BP 38 à

Saint-André (59875), prise en la personne de son président-directeur général, par Me Z... et

Me X... ; la société Y... FRANCE demande à la Cour :

1) d'annuler le jugement n° 0201621 du 9 décembre 2004 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge des compléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des exercices clos en 1993 et 1994, mis en recouvrement le 31 décembre 1999 et des pénalités dont ils ont été assortis ;

2) de prononcer la décharge demandée ;

3) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La société Y... FRANCE soutient que la procédure d'imposition est entachée d'irrégularité, dès lors que, bien qu'ayant écarté les conventions conclues par la requérante en soutenant que ces conventions étaient fictives et dépourvues d'objet réel et ayant ainsi implicitement et nécessairement eu recours à la procédure de l'abus de droit visée à l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, l'administration a omis de la faire bénéficier des garanties particulières prévues par ce texte ; que c'est à tort, que l'administration, malgré l'absence de preuve de l'inexistence des prestations qu'auraient réalisées les intermédiaires commerciaux avec lesquels elle avait contracté, a remis en cause la déduction des honoraires versés, alors que la décision de recours à des intermédiaires relève de la liberté de gestion de l'entreprise ; que lorsqu'une entreprise justifie d'une charge par une facture émanant d'un de ses fournisseurs, il incombe à l'administration fiscale, si elle entend refuser la déduction de la charge, d'établir la preuve que la marchandise livrée ou la prestation de services facturée n'a pas été réellement livrée ou exécutée, ce qu'elle ne fait pas, en l'espèce ; que lorsque la procédure est contradictoire, l'administration supporte la charge de la preuve, ainsi que le prescrit la charte du contribuable dont les dispositions sont opposables à l'administration ; que l'administration ne saurait exiger, s'agissant des prestations dont la requérante a bénéficié de la part d'intermédiaires, des justificatifs écrits de la réalité desdites prestations ; que le maintien des impositions assignées à la société requérante, alors que dans des circonstances similaires le recours par des entreprises à des intermédiaires a été admis par les services fiscaux, est contraire au principe d'égalité des contribuables devant les charges publiques ; que c'est à tort que l'administration a refusé la déduction de la provision pour indemnités de rupture constituée au 30 juin 1993, dès lors que les litiges en cours à cette date à la suite de la rupture des relations contractuelles avec lesdits intermédiaires rendaient probable une perte ; que les pénalités de mauvaise foi assignées à la société ne sont pas justifiées, faute pour l'administration d'avoir apporté la preuve du caractère fictif des prestations rendues par les intermédiaires rémunérés par la requérante ; que la mauvaise foi présumée de la requérante doit être rapprochée de l'apparence de régularité de ses agissements antérieurs que l'administration a précédemment reconnue ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 27 septembre 2005, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ; le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie conclut au rejet de la requête ; il soutient qu'il appartient à la société de justifier de l'exactitude et de la réalité des frais et charges portés en déduction du résultat imposable nonobstant l'existence de factures et notes d'honoraires dont elle peut se prévaloir ; que les mentions de la charte du contribuable opposables à l'administration ne peuvent concerner que les règles de procédure d'imposition suivie par l'administration et, qu'en tout état de cause, la réserve exposée par la charte ne s'applique pas aux justificatifs que la société doit produire à l'appui de ses paiements ; que l'administration n'a pas utilisé implicitement la procédure d'abus de droit mais s'est bornée à contester la réalité des prestations rendues par les intermédiaires ; que le moyen tiré de la rupture d'égalité devant les charges publiques est inopérant à l'encontre d'une imposition légalement établie et que l'appelante n'est, en tout état de cause, pas fondée à se prévaloir de la situation faite à d'autres contribuables ; que la présentation des factures, notes d'honoraires et contrats ne suffit pas à établir la réalité des prestations rendues par les intermédiaires qui ne sauraient être admises comme charges de l'entreprise sans que ne soit démontrée la matérialité des prestations payées et l'existence de la contrepartie reçue ; que les pénalités de mauvaise foi sont justifiées, dès lors que la société ne pouvait ignorer que les versements effectués ne correspondaient à aucune prestation ; qu'en ce qui concerne la provision pour indemnité de rupture des relations contractuelles avec les intermédiaires, la société requérante qui se borne à affirmer que des procédures ont été engagées à son encontre sans autres précisions, n'apporte aucun élément matériel permettant de justifier de la réalité et de l'importance de la charge ou de la perte envisagée ;

Vu le mémoire, enregistré le 25 janvier 2006, présenté pour la société Y... FRANCE ; la société Y... FRANCE conclut aux mêmes fins que la requête, par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 mars 2006 à laquelle siégeaient

Mme Câm Vân Helmholtz, président de chambre, Mme Corinne Signerin-Icre, président-assesseur et M. Olivier Mesmin d'Estienne, premier conseiller :

- le rapport de M. Olivier Mesmin d'Estienne, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. A... Le Goff, commissaire du gouvernement ;

Considérant, que dans sa requête d'appel, la société requérante se borne à contester la remise en cause de la déduction des honoraires versés à des intermédiaires commerciaux dans le cadre de la procédure d'obtention de marchés publics sans développer de moyen relatif aux rémunérations de la société Cits et de la société Ocelot ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales : « Ne peuvent être opposés à l'administration des impôts les actes qui dissimulent la portée véritable d'un contrat ou d'une convention à l'aide de clauses… qui déguisent soit une réalisation, soit un transfert de bénéfices ou de revenus… L'administration est en droit de restituer son véritable caractère à l'opération litigieuse ( … ) » ;

Considérant que, pour justifier la réintégration dans les bases d'imposition à l'impôt sur les sociétés, des honoraires et rémunérations versés, au cours des exercices clos en 1993 et 1994, par la société en commandite par actions Y... FRANCE, anciennement Compagnie Générale de Chauffe, à divers bureaux d'études en exécution de contrats passés avec ces entreprises, l'administration a fait valoir, non que les contrats en cause auraient été conclus de manière fictive ou dans le seul but d'éluder l'impôt, mais que la qualification que ces contrats donnaient aux prestations fournies ne correspondait pas à la nature réelle de celles-ci et que les sommes versées en exécution de ces contrats étaient dépourvues de contreparties ; qu'en conséquence, les charges correspondant aux sommes qui avaient été versées à ces intermédiaires n'étaient pas justifiées dans leur principe et dans leur montant ; que le moyen tiré de ce que l'administration aurait invoqué les dispositions de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales sans faire bénéficier la société requérante des garanties de procédure prévues par cet article et que, par suite, la procédure d'imposition suivie à son encontre serait entachée d'irrégularité, doit, dès lors, être écarté ;

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne la charge de la preuve :

Considérant qu'il appartient toujours au contribuable de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net, telles que les frais généraux de toute nature visés au 1 du 1° de l'article 39 du code général des impôts ou les provisions mentionnées au 5° du même paragraphe, que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité ; qu'en ce qui concerne les charges, le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée ; que, s'agissant des frais généraux de toute nature, dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation en produisant une facture émanant d'un fournisseur, il incombe à l'administration, si elle entend refuser la déduction de cette charge, d'établir que la prestation en cause n'a pas été réellement exécutée ou que la facture payée n'a pas eu de contrepartie ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive ; que s'agissant des provisions, il appartient à la société requérante d'établir que des évènements en cours, au sens du 5° de l'article 39 du code général des impôts, rendaient probables, à la clôture des exercices litigieux, des pertes d'un montant équivalent à celui des provisions inscrites en comptabilité ;

Considérant, enfin, que si la société Y... FRANCE entend se prévaloir des mentions figurant aux pages 16 et 21 de la charte du contribuable qui lui a été remise, les précisions que donne la charte n'ont cependant pas pour effet d'instituer des règles de dévolution de la charge de la preuve différentes de celles qui viennent d'être énoncées et d'attribuer dans toutes les hypothèses la charge de la preuve à l'administration ;

En ce qui concerne les honoraires versés aux intermédiaires :

Considérant que l'administration fait valoir qu'au cours d'opérations de contrôle, aucun élément portant sur la réalité des services facturés de nature à justifier le paiement des sommes figurant sur les factures inscrites dans la comptabilité de l'entreprise n'a pu être obtenu de la requérante ; que, tant devant le Tribunal que devant la Cour, la société Y... FRANCE, qui ne produit ni rapports d'analyse ou d'audit rédigés par lesdits intermédiaires, ni comptes rendus de leur intervention à l'appui des négociations préalables à la conclusion de marchés avec des personnes publiques, ni procès-verbaux de réunions conjointes, ni aucune autre justification du déplacement de leurs agents ou de frais engagés par ces derniers, se borne à alléguer l'existence de prestations consistant en des contacts, explications verbales, réunions de travail qui ne sauraient, selon elle, être établies par aucun document écrit ; que le caractère relationnel et verbal des services rendus par ces intermédiaires n'est cependant pas de nature à faire obstacle à la production de pièces justifiant d'une quelconque manière que les frais ainsi engagés, qui se sont élevés respectivement à 4 990 239 francs au cours de l'exercice clos en 1993 et à 436 375 francs au cours de l'exercice clos en 1994, correspondaient à une contrepartie et que la rémunération de cette contrepartie n'était pas excessive ; que si la liberté de gestion donnée à la société requérante lui permettait de décider de consentir des dépenses d'un tel montant avec les intermédiaires dont elle estimait avoir besoin sans que l'administration ne puisse contester ce choix, les règles de preuve précédemment exposées lui imposaient de justifier les charges qu'elle déduisait de ses résultats à ce titre, ce qu'elle ne fait pas ; que, par suite, l'administration doit être regardée comme ayant établi les faits sur lesquels elle s'est fondée pour considérer que les paiements des commissions litigieuses étaient dénués de contreparties et n'étaient pas en conséquence déductibles au titre de l'impôt sur les sociétés ; que c'est, dès lors, à bon droit que l'administration a réintégré ces charges dans les résultats des années 1993 et 1994 de la société Y... FRANCE qui n'est, en tout état de cause, pas fondée à se prévaloir de la situation faite à d'autres contribuables ;

En ce qui concerne la provision pour indemnité de rupture :

Considérant que la société Y... FRANCE soutient que c'est à tort que l'administration a refusé la déduction de la provision pour indemnités de rupture constituée au 30 juin 1993, dès lors que les litiges en cours à cette date à la suite de la rupture des relations contractuelles avec lesdits intermédiaires rendaient probable une perte pour l'entreprise ; que la requérante n'apporte pas davantage en appel qu'en première instance d'éléments de nature à permettre de regarder ce moyen comme fondé ; qu'il y a lieu, dès lors, par adoption des motifs retenus par les premiers juges d'écarter ce moyen ;

Sur les pénalités :

Considérant qu'en faisant valoir, d'une part, l'absence de tout élément de nature à prouver la réalisation d'une quelconque prestation ou d'un quelconque service de la part des bureaux d'études avec lesquels la société Y... FRANCE avait contracté, d'autre part, que la requérante ne pouvait ignorer, faute de s'être assurée par des échanges de courriers ou des rencontres techniques de la réalité des prestations, que les versements qu'elle avait consentis à ces derniers ne correspondaient à aucune contrepartie effective, l'administration apporte la preuve qui lui incombe de la mauvaise foi de l'intéressé ; que l'administration était par suite en droit de lui infliger la pénalité prévue à l'article 1729-1 du code général des impôts ; que la circonstance que lors de précédents contrôles portant sur des exercices antérieurs, l'administration n'aurait pas remis en cause la réalité des prestations accomplies par les intermédiaires avec lesquels la requérante avait contracté, est sans incidence sur le bien-fondé des pénalités mises à sa charge au titre des exercices en litige ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Y... FRANCE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions de la société Y... FRANCE tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la société Y... FRANCE demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SCA Y... FRANCE est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SCA Y... FRANCE et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Copie sera transmise au directeur des vérifications nationales et internationales.

N°05DA00204 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation a 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 05DA00204
Date de la décision : 04/04/2006
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme Helmholtz
Rapporteur ?: M. Olivier Mesmin d'Estienne
Rapporteur public ?: M. Le Goff
Avocat(s) : CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2006-04-04;05da00204 ?
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