La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/04/2006 | FRANCE | N°05DA00205

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation a 3 (bis), 04 avril 2006, 05DA00205


Vu la requête, enregistrée le 17 février 2005 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la société en commandite par actions Y... FRANCE (anciennement Compagnie Générale de Chauffe), dont le siège est ..., BP 38 à

Saint-André (59875), prise en la personne de son président directeur général, par Me Z... et

Me X... ; la société Y... FRANCE demande à la Cour :

1) d'annuler le jugement n° 0201313 du 9 décembre 2004 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge des compléments de taxe

sur la valeur ajoutée et des pénalités y afférentes qui lui ont été réclamés pour la pér...

Vu la requête, enregistrée le 17 février 2005 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la société en commandite par actions Y... FRANCE (anciennement Compagnie Générale de Chauffe), dont le siège est ..., BP 38 à

Saint-André (59875), prise en la personne de son président directeur général, par Me Z... et

Me X... ; la société Y... FRANCE demande à la Cour :

1) d'annuler le jugement n° 0201313 du 9 décembre 2004 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge des compléments de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités y afférentes qui lui ont été réclamés pour la période du 1er juillet 1992 au 30 juin 1994 par avis de mise en recouvrement en date du 26 novembre 1999 ;

2) de prononcer la décharge demandée ;

3) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La société Y... FRANCE soutient que la procédure d'imposition est entachée d'irrégularité, dès lors que, bien qu'ayant écarté les conventions conclues par la requérante en soutenant que ces conventions étaient fictives et dépourvues d'objet réel et ayant ainsi implicitement et nécessairement eu recours à la procédure de l'abus de droit visée à l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, l'administration a omis de la faire bénéficier des garanties particulières prévues par ce texte ; que c'est à tort que l'administration, malgré l'absence de preuve de l'inexistence des prestations qu'auraient réalisées les intermédiaires commerciaux avec lesquels elle avait contracté, a remis en cause la déduction de la taxe afférente aux honoraires qui lui ont été facturés, alors que le recours à des intermédiaires relève de la liberté de gestion de l'entreprise ; que lorsqu'une entreprise justifie d'une charge par une facture émanant d'un de ses fournisseurs, il incombe à l'administration fiscale, si elle entend contester la facturation de la prestation, d'établir la preuve que la marchandise livrée ou la prestation de services facturée n'a pas été réellement livrée ou exécutée, ce qu'elle ne fait pas, en l'espèce ; que lorsque la procédure est contradictoire, l'administration supporte la charge de la preuve, ainsi que le prescrit la charte du contribuable dont les dispositions sont opposables à l'administration ; que l'administration ne saurait exiger, s'agissant des prestations dont la requérante a bénéficié de la part d'intermédiaires, des justificatifs écrits de la réalité desdites prestations ; que le maintien des impositions assignées à la société requérante, alors que, dans des circonstances similaires, le recours par des entreprises à des intermédiaires a été admis par les services fiscaux, est contraire au principe d'égalité des contribuables devant les charges publiques ; que les pénalités de mauvaise foi assignées à la société ne sont pas justifiées, faute pour l'administration d'avoir apporté la preuve du caractère fictif des prestations rendues par les intermédiaires rémunérés par la requérante ; que la mauvaise foi présumée de la requérante doit être rapprochée de l'apparence de régularité de ses agissements antérieurs que l'administration a précédemment reconnue ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 19 octobre 2005, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ; le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie conclut au rejet de la requête ; il soutient qu'un contribuable n'est pas en droit de déduire de la taxe sur la valeur ajoutée dont il est redevable à raison de ses propres opérations, celle établie à son nom par une personne qui ne lui a fourni aucune marchandise ou prestation de service et qu'il appartient à la société de prouver la réalité des prestations qui lui ont été fournies ; que l'administration est fondée à soutenir que les prestations facturées étaient fictives, dès lors que les documents présentés par la requérante sont insuffisants pour justifier de leur réalité ; que les mentions de la charte du contribuable opposables à l'administration ne peuvent concerner que les règles de procédure d'imposition suivie par l'administration et, qu'en tout état de cause, la réserve exposée par la charte ne s'applique pas aux justificatifs que la société doit produire à l'appui de ses paiements ; que l'administration n'a pas utilisé implicitement la procédure d'abus de droit mais s'est bornée à contester la réalité des prestations rendues par les intermédiaires ; que le moyen tiré de la rupture d'égalité devant les charges publiques est inopérant à l'encontre d'une imposition légalement établie et que l'appelante n'est, en tout état de cause, pas fondée à se prévaloir de la situation faite à d'autres contribuables ; que la présentation des factures, notes d'honoraires et contrats ne suffit pas à établir la réalité des prestations rendues par les intermédiaires qui ne sauraient être admises comme charges de l'entreprise sans que ne soient démontrées la matérialité des prestations rendues et l'existence de la contrepartie reçue ; que les pénalités de mauvaise foi sont justifiées, dès lors que la société ne pouvait ignorer que les versements effectués ne correspondaient à aucune prestation ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 mars 2006 à laquelle siégeaient Mme Câm Vân Helmholtz, président de chambre, Mme Corinne Signerin-Icre, président-assesseur et M. Olivier Mesmin d'Estienne, premier conseiller :

- le rapport de M. Olivier Mesmin d'Estienne, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. A... Le Goff, commissaire du gouvernement ;

Considérant que, dans sa requête d'appel, la société se borne à contester la remise en cause de la déduction de la taxe à la valeur ajoutée relative à des prestations d'intermédiaires commerciaux dans le cadre de la procédure d'obtention de marchés en faisant valoir la réalité de ces prestations, nonobstant l'absence de trace écrite ; qu'elle ne développe aucun moyen relatif aux autres redressements relatifs aux rémunérations de certains fournisseurs et des frais d'une filiale ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales : « Ne peuvent être opposés à l'administration des impôts les actes qui dissimulent la portée véritable d'un contrat ou d'une convention à l'aide de clauses… qui déguisent soit une réalisation, soit un transfert de bénéfices ou de revenus… L'administration est en droit de restituer son véritable caractère à l'opération litigieuse ( … ) » ;

Considérant que la société en commandite par actions Y... FRANCE, anciennement Compagnie générale de chauffe, soutient que l'administration ne pouvait refuser la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé, au cours des exercices clos en 1993 et 1994, les honoraires versés par elle à des intermédiaires commerciaux, sans suivre la procédure de répression des abus de droit ; que, cependant, pour fonder les redressements en litige, l'administration, se borne à relever que les factures litigieuses ne sont pas appuyées de justifications suffisantes permettant de contrôler la réalité et l'importance des services rendus ; qu'elle n'a, ainsi, pour fonder l'imposition, écarté aucun acte passé entre la société Y... et les cabinets d'études avec lesquels elle traitait ; que, par suite, la société Y... ne peut utilement se prévaloir des dispositions précitées de l'article

L. 64 du livre des procédures fiscales pour contester la régularité de la procédure d'imposition ;

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne la charge de la preuve :

Considérant qu'en vertu des dispositions combinées des articles 272-2 et 283-4 du code général des impôts et de l'article 223-1 de l'annexe II à ce code, un contribuable n'est pas en droit de déduire de la taxe sur la valeur ajoutée dont il est redevable à raison de ses propres opérations la taxe mentionnée sur une facture établie à son nom par une personne qui ne lui a fourni aucune marchandise ou prestation de service ou qui n'était pas le fournisseur réel de la marchandise ou de la prestation effectivement livrée ou exécutée ; que, dans le cas où l'auteur de la facture était régulièrement inscrit au registre du commerce et des sociétés et se présentait à ses clients comme assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée, sans qu'il soit manifeste qu'il n'aurait pas rempli les obligations l'autorisant à faire figurer cette taxe sur ses factures, il appartient à l'administration, si elle entend refuser à celui qui a reçu la facture le droit de déduire la taxe qui y était mentionnée, d'établir qu'il s'agissait d'une facture fictive ou d'une facture de complaisance ; que, par ailleurs, et en tout état de cause, les mentions figurant aux pages 16 et 21 de la charte du contribuable remise à la société Y... FRANCE n'ont pas pour effet d'instituer des règles de dévolution de la charge de la preuve différentes de celles qui viennent d'être énoncées ;

En ce qui concerne les honoraires versés aux intermédiaires :

Considérant que l'administration fait valoir qu'aucun élément portant sur la réalité des services rendus de nature à justifier le paiement des sommes figurant sur les factures inscrites dans la comptabilité de l'entreprise et de leur engagement dans l'intérêt de l'exploitation n'a pu être obtenu de la requérante ; que celle-ci n'a ainsi produit à l'appui des factures en sa possession, ni description précise des études menées à son profit, ni comptes rendus des interventions effectuées par ces intermédiaires à l'appui des négociations préalables à la conclusion de marchés avec des personnes publiques, ni aucune autre justification des frais engagés par ces sociétés ; que, compte tenu des indices ainsi apportés par l'administration, il appartient à la société Y... FRANCE de justifier que les factures établies à son nom correspondaient cependant à des prestations réellement exécutées ; que la société Y... FRANCE ne justifie pas qu'il en ait été ainsi en se bornant à alléguer l'existence de prestations consistant en des contacts, explications verbales, réunions de travail, qui ne sauraient, selon elle, être établies par un document écrit ; que le caractère relationnel et verbal des services rendus par ces intermédiaires n'est, en effet, pas de nature à faire obstacle à la production à l'appui des factures que les entreprises en cause émettaient, d'éléments justifiant d'une quelconque manière que les frais ainsi engagés correspondaient à une contrepartie ; que l'administration, sans porter atteinte à la liberté de gestion de la société, était, dès lors, en droit de refuser la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les sommes ainsi facturées à la société Y... FRANCE qui ne peut utilement se prévaloir de la situation faite à d'autres contribuables ;

Sur les pénalités :

Considérant qu'en faisant valoir, d'une part, l'absence de tout élément de nature à prouver la réalisation d'une quelconque prestation ou d'un quelconque service de la part des bureaux d'études avec lesquels la société Y... FRANCE avait contracté, d'autre part, que la requérante ne pouvait ignorer faute de s'être assurée par des échanges de courriers ou des rencontres techniques de la réalité des prestations que les versements qu'elle avait consentis à ces derniers ne correspondaient à aucune contrepartie effective, l'administration apporte la preuve qui lui incombe de la mauvaise foi de l'intéressé ; que l'administration était, par suite, en droit de lui infliger la pénalité prévue à l'article 1729-1 du code général des impôts ; que la circonstance que, lors de précédents contrôles portant sur des exercices antérieurs, l'administration n'aurait pas remis en cause la réalité des prestations accomplies par les intermédiaires avec lesquels la requérante avait contracté, est sans incidence sur le bien-fondé des pénalités mises à sa charge au titre des exercices en litige ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Y... FRANCE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions de société Y... FRANCE tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la société Y... FRANCE demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er :La requête de la SCA Y... FRANCE est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SCA Y... FRANCE et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Copie sera transmise au directeur des vérifications nationales et internationales.

N° 05DA00205 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation a 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 05DA00205
Date de la décision : 04/04/2006
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme Helmholtz
Rapporteur ?: M. Olivier Mesmin d'Estienne
Rapporteur public ?: M. Le Goff
Avocat(s) : CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2006-04-04;05da00205 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award