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09/05/2006 | FRANCE | N°05DA00827

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation a 3 (bis), 09 mai 2006, 05DA00827


Vu la requête, enregistrée le 8 juillet 2005, présentée par le PREFET DE L'EURE ; le PREFET DE L'EURE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0401984 en date du 4 mai 2005 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté d'expulsion en date du 25 mai 2004 pris à l'encontre de

M. X ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Rouen ;

Il soutient que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que l'arrêté en litige violait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne

de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il ne porte...

Vu la requête, enregistrée le 8 juillet 2005, présentée par le PREFET DE L'EURE ; le PREFET DE L'EURE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0401984 en date du 4 mai 2005 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté d'expulsion en date du 25 mai 2004 pris à l'encontre de

M. X ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Rouen ;

Il soutient que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que l'arrêté en litige violait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit de

M. X au respect de sa vie privée et familiale ; que l'absence de dangerosité de M. X ne ressort absolument pas des pièces du dossier et que la mesure d'expulsion est fondée ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu l'ordonnance en date du 15 juillet 2005 portant clôture d'instruction au

10 septembre 2005 ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 23 août 2005, présenté pour M. Abbas X, par Me Madeline, avocat ; M. X conclut au rejet de la requête et à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; il soutient que l'arrêté préfectoral du 25 mai 2004 en litige est insuffisamment motivé au regard des dispositions de la loi du 11 juillet 1979 ; que l'arrêté prononçant son expulsion est incompatible avec la mesure de libération conditionnelle qui a été prise le 9 février 2004 ; que le préfet a commis une erreur de droit en fondant la mesure d'expulsion sur le seul fait de sa condamnation pénale alors qu'il a eu un comportement irréprochable en détention ; que le préfet de l'Eure a commis une erreur manifeste d'appréciation en estimant qu'il constituait une menace grave à l'ordre public ; que la mesure d'expulsion viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ; que la décision attaquée a été prise en violation de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

Vu l'ordonnance en date du 30 août 2005 reportant la clôture d'instruction au

31 octobre 2005 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 avril 2006 à laquelle siégeaient M. Philippe Couzinet, président de chambre, M. Alain Dupouy, président-assesseur et

M. Alain de Pontonx, premier conseiller :

- le rapport de M. Alain Dupouy, président-assesseur ;

- les observations de Me Rouly, avocat, pour M. X ;

- et les conclusions de M. Pierre Le Garzic, commissaire du gouvernement ;

Considérant que la requête du PREFET DE L'EURE est dirigée contre le jugement en date du 4 mai 2005 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté d'expulsion en date du 25 mai 2004 pris à l'encontre de M. X ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

Considérant qu'aux termes de l'article 23 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée alors en vigueur : « L'expulsion peut être prononcée si la présence sur le territoire français d'un étranger constitue une menace grave pour l'ordre public » ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

« 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X s'est rendu coupable pour la période de février 1995 à mai 1996 de viols avec circonstances aggravantes et d'agressions sexuelles sur la fille d'une précédente union de son épouse, mineure de moins de 15 ans sur laquelle il avait autorité et qu'il a été condamné pour ces faits à douze ans de réclusion criminelle par la Cour d'assises des Yvelines, le 21 septembre 1999 ; que si M. X, ressortissant comorien, fait valoir qu'il est marié depuis 1993 à une ressortissante française et qu'il est père de deux enfants français, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé était, à la date de l'arrêté d'expulsion attaqué, en instance de divorce et ce, depuis le 9 avril 2003 ; que, par suite, le PREFET DE L'EURE est fondé à soutenir que la mesure d'expulsion prise à l'encontre de l'intéressé ne porte pas, dans les circonstances de l'espèce, au droit de M. X au respect de sa vie privée et familiale une atteinte excédant ce qui est nécessaire à la défense de l'ordre public et n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, dès lors, c'est à tort que le Tribunal administratif de Rouen s'est fondé sur ce motif pour annuler l'arrêté en date du 25 mai 2004 ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour administrative d'appel saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel de statuer sur les autres moyens soulevés par M. X en première instance et en appel ;

Considérant, en premier lieu, que l'arrêté attaqué vise les textes applicables et l'avis de la commission spéciale instituée par l'article 24 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée ; qu'il mentionne les faits reprochés à M. X et énonce qu'en raison de la gravité de ces faits et de l'ensemble de son comportement, la présence en France de l'intéressé constitue une menace pour l'ordre public ; que, dès lors, M. X n'est pas fondé à soutenir que ledit arrêté est insuffisamment motivé au regard des dispositions de la loi susvisée du 11 juillet 1979 ;

Considérant, en deuxième lieu, que si M. X fait valoir que les faits pour lesquels il a été condamné sont anciens, et que selon un rapport d'expertise psychiatrique du 4 novembre 1997, il ne présenterait aucun élément de dangerosité et se prévaut de la nationalité française de son épouse ainsi que de la résidence en France de ses deux enfants, également, de nationalité française, il ne ressort pas des pièces du dossier que le PREFET DE L'EURE ait commis une erreur manifeste d'appréciation en estimant qu'eu égard à la nature et à l'extrême gravité des faits commis par l'intéressé, et en dépit de sa volonté de réinsertion sociale et professionnelle, et du fait qu'il a bénéficié d'une mesure de libération conditionnelle en février 2004, la présence de ce dernier constituait toujours une menace pour l'ordre public ;

Considérant, en troisième lieu, que si M. X invoque le fait que l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant, en application de l'article 3-1 de la convention de New York relative aux droits de l'enfant, il ne ressort pas des pièces du dossier que, dans les circonstances de l'espèce rappelées ci-dessus, ces dispositions auraient été méconnues ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE L'EURE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté d'expulsion en date du 25 mai 2004 pris à l'encontre de M. X ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que l'article L. 761-1 du code de justice administrative dispose que : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation » ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, partie perdante, soit condamné à payer à M. X la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0401984 du Tribunal administratif de Rouen en date du

4 mai 2005 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Rouen est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de M. X tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au PREFET DE L'EURE, à M. Abbas X et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.

N°05DA00827 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation a 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 05DA00827
Date de la décision : 09/05/2006
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Couzinet
Rapporteur ?: M. Alain (AC) Dupouy
Rapporteur public ?: M. Le Garzic
Avocat(s) : MADELINE

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2006-05-09;05da00827 ?
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