La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/05/2006 | FRANCE | N°05DA00105

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation a 3 (bis), 11 mai 2006, 05DA00105


Vu la requête, enregistrée par télécopie le 31 janvier 2005 et régularisée par la production de l'original le 1er février 2005 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la SOCIETE D'EXPLOITATION DE MARCHES COMMUNAUX, dont le siège social est

..., représentée par son gérant en exercice, par Me Y... ; La société demande à la Cour :

1°)d'annuler le jugement n° 0100502 en date du 19 octobre 2004 en tant que le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision, notifiée par lettre du maire de C

hantilly du 12 décembre 2000, par laquelle la commission d'ouverture des candidat...

Vu la requête, enregistrée par télécopie le 31 janvier 2005 et régularisée par la production de l'original le 1er février 2005 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la SOCIETE D'EXPLOITATION DE MARCHES COMMUNAUX, dont le siège social est

..., représentée par son gérant en exercice, par Me Y... ; La société demande à la Cour :

1°)d'annuler le jugement n° 0100502 en date du 19 octobre 2004 en tant que le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision, notifiée par lettre du maire de Chantilly du 12 décembre 2000, par laquelle la commission d'ouverture des candidatures a rejeté sa candidature pour l'attribution de la délégation de la gestion des marchés publics d'approvisionnement de la commune de Chantilly ;

2°) d'annuler la décision attaquée pour excès de pouvoir ;

3°) de condamner la commune de Chantilly à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que le jugement est entaché d'irrégularité pour avoir omis de répondre au moyen soulevé de l'insuffisante motivation de la décision attaquée ; que le jugement repose sur des motifs erronés dès lors qu'il n'est fait nullement référence par la commune à l'incidence de la durée de la délégation envisagée dans le choix de la commission d'ouverture des plis ; que le jugement est insuffisamment motivé ; que le jugement est entaché d'une erreur d'appréciation des faits car les premiers juges ont retenu le raisonnement économique erroné de la commune alors qu'il est démontré que la société est en bonne santé économique et est dans une logique d'investissements ; qu'à l'époque, toutes les entreprises étaient fortement endettées ; qu'ainsi, le critère de l'endettement ne pouvait constituer, sans méconnaître le principe d'égalité entre les candidats, le seul critère d'appréciation des capacités financières de la société ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 12 septembre 2005, présenté pour la commune de Chantilly, qui conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la société SEMACO à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient que le Tribunal n'est pas tenu de répondre à une simple allégation nullement fondée en fait et en droit et peut répondre implicitement à un moyen soulevé par une partie ; qu'il résulte des dispositions de l'article L. 1411-1 du code général des collectivités territoriales et des termes de l'avis d'appel public à la concurrence qu'il appartient à la collectivité publique d'apprécier si les candidats étaient aptes financièrement à assurer la prestation durant la durée de la concession ; qu'au vu de l'examen des documents comptables et financiers de la société SEMACO, la commission a écarté la candidature de celle-ci dès lors que son taux d'endettement pouvait hypothéquer son aptitude à assurer la continuité du service public ; qu'ainsi, les premiers juges , en confirmant cette analyse, n'ont pas dénaturé les faits de l'espèce ; que le jugement attaqué, qui a procédé à une étude approfondie des documents produits, est suffisamment motivé ; que compte tenu de la situation du bilan de l'entreprise, c'est à juste titre que le Tribunal a considéré que la commune n'avait pas commis d'erreur manifeste d'appréciation ; qu'il ressort des pièces du dossier, que la commission d'ouverture des plis a procédé à une analyse des surfaces financières présentées par chaque candidat ; qu'il n'y a dès lors pas de rupture d'égalité entre les candidats ;

Vu les mémoires, enregistrés par télécopie les 5 et 6 janvier 2006 et régularisés par la production des originaux les 9 et 10 janvier 2006, présentés pour la société SEMACO, qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ; elle soutient, en outre, que la commune, confirmée sur ce point par le tribunal administratif, ne pouvait pas proposer au juge de se fonder sur ce critère du taux d'endettement par rapport à la durée du contrat car cela aboutissait à ajouter irrégulièrement un critère supplémentaire de sélection des candidats, non fixé préalablement ; que de tels motifs ne pouvaient légalement fonder le jugement, d'autant plus que les premiers juges n'ont pas mis l'exposante à même de répondre à la substitution de motifs ainsi réalisée ; que la commune a porté atteinte au principe de libre concurrence entre les opérateurs en faisant un usage discriminatoire du critère de l'endettement dès lors qu'elle ne l'a pas sciemment examiné à la lumière des autres éléments fournis par l'exposante ;

Vu le mémoire, enregistré par télécopie le 7 avril 2004 et régularisé par la production de l'original le 11 avril 2004, présenté pour la société SEMACO, qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 avril 2006 à laquelle siégeaient Mme Christiane Tricot, président de chambre, M. Olivier Yeznikian, président-assesseur et Mme Agnès Eliot, conseiller :

- le rapport de Mme Agnès Eliot, conseiller ;

- les observations de Me Laurent X..., substituant Me Z..., pour la société SEMACO ;

- et les conclusions de M. Jacques Lepers, commissaire du gouvernement ;

Sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la régularité du jugement et sur les autres moyens de la requête :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 1411-1 du code général des collectivités territoriales : « Les délégations de service public des personnes morales de droit public relevant du présent code sont soumises par l'autorité délégante à une procédure de publicité permettant la présentation de plusieurs offres concurrentes, dans des conditions prévues par un décret en Conseil d'Etat. La collectivité publique dresse la liste des candidats admis à présenter une offre après examen de leurs garanties professionnelles et financières et de leur aptitude à assurer la continuité du service public et l'égalité des usagers devant le service public (...) » ; qu'il résulte de l'instruction que, pour refuser d'admettre la société SEMACO à présenter une offre pour l'attribution de la délégation de la gestion des marchés publics d'approvisionnement de la commune de Chantilly, celle-ci s'est fondée sur la situation des comptes présentés par l'entreprise, et notamment sur le montant de ses dettes et a précisé devant les premiers juges que le taux d'endettement important de cette dernière, représentant plus de 40% de son chiffre d'affaires au 31 décembre 1999 fragilisait l'aptitude du délégant à pouvoir assurer la continuité du service ; que si ces motifs étaient de ceux pouvant être légalement invoqués par la collectivité délégataire pour justifier la décision attaquée, il résulte de l'instruction , et notamment des pièces comptables produites en appel, que la santé financière de la société SEMACO était satisfaisante, et notamment, qu'elle présentait depuis plusieurs exercices des résultats bénéficiaires, qu'elle dégageait un cash flow important lui permettant de faire face au remboursement de ses emprunts et que le montant de ceux-ci était régulièrement en diminution ; qu'ainsi la commission, qui disposait, au moment où elle a pris la décision attaquée, des bilans de la société sur plusieurs années, a commis, en se fondant sur le seul montant d'endettement de la société pour estimer qu'elle ne présentait pas les garanties financières suffisantes pour lui permettre de conduire dans de bonnes conditions le contrat de six années faisant l'objet de la consultation, une erreur manifeste d'appréciation ; que, par suite, la société SEMACO est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa requête tendant à l'annulation de la décision par laquelle la commission d'ouverture des candidatures a rejeté sa candidature pour l'attribution de la délégation de la gestion des marchés publics d'approvisionnement de la commune de Chantilly ;

Sur les conclusions de la société SEMACO tendant à ce qu'il soit enjoint à la commune de Chantilly de reprendre la procédure de sélection des candidats dans les jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 5 000 francs par jour de retard :

Considérant que la présente décision, qui n'a pour effet d'annuler ni la procédure d'attribution de la délégation de service public susmentionnée ni la décision d'attribuer à une autre entreprise candidate le contrat en cause, n'implique pas qu'il soit enjoint à la commune de Chantilly de reprendre la procédure de sélection des candidats ; que, dès lors, la demande de la société SEMACO ne peut être accueillie ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la société SEMACO, qui n'est pas dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à payer à la commune de Chantilly, la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des mêmes dispositions, de condamner la commune de Chantilly à verser à la société SEMACO une somme de 1 500 euros ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0100502 du Tribunal administratif d'Amiens du 19 octobre 2004 et la décision par laquelle la commission d'ouverture des candidatures a rejeté la candidature de la société SEMACO pour l'attribution de la délégation de la gestion des marchés publics d'approvisionnement de la commune de Chantilly sont annulés.

Article 2 : La demande de la société SEMACO tendant à ce qu'il soit enjoint à la commune de Chantilly de reprendre la procédure de sélection des candidats dans les jours à compter de l'arrêt à intervenir et les conclusions de la commune de Chantilly présentées à l'encontre de la société SEMACO au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La commune de Chantilly versera à la société SEMACO la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE D'EXPLOITATION DE MARCHES COMMUNAUX, à la commune de Chantilly et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.

Copie sera transmise au préfet de l'Oise.

2

N°05DA00105


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation a 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 05DA00105
Date de la décision : 11/05/2006
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme Tricot
Rapporteur ?: Mme Agnès Eliot
Rapporteur public ?: M. Lepers
Avocat(s) : ISRAEL

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2006-05-11;05da00105 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award