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24/05/2006 | FRANCE | N°05DA00407

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation a 3 (ter), 24 mai 2006, 05DA00407


Vu la requête sommaire et le mémoire ampliatif, enregistrés les 14 avril 2005 et 6 juillet 2005, présentés pour M. Roger X, demeurant ..., par la SCP Frison-Decramer-Guéroult et associés, avocats ; M. X demande à la Cour :

11) d'annuler le jugement n° 0201003 en date du 8 mars 2005 par lequel le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du directeur du centre de détention de Liancourt du 20 mars 2002 lui infligeant une punition de cellule disciplinaire de vingt jours, dont dix jours avec sursis, confirmée sur recours préalab

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Vu la requête sommaire et le mémoire ampliatif, enregistrés les 14 avril 2005 et 6 juillet 2005, présentés pour M. Roger X, demeurant ..., par la SCP Frison-Decramer-Guéroult et associés, avocats ; M. X demande à la Cour :

11) d'annuler le jugement n° 0201003 en date du 8 mars 2005 par lequel le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du directeur du centre de détention de Liancourt du 20 mars 2002 lui infligeant une punition de cellule disciplinaire de vingt jours, dont dix jours avec sursis, confirmée sur recours préalable par décision du directeur régional des services pénitentiaires de Lille du 28 avril 2002, à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 200 000 euros en réparation du préjudice subi et au rétablissement de ses remises de peines ;

2°) d'annuler la décision du 20 mars 2002 du directeur du centre de détention de Liancourt ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 200 000 euros en réparation des troubles dans ses conditions d'existence ;

4°) d'ordonner le rétablissement de ses remises de peine ;

Il soutient qu'il n'a pu se défendre en première instance, dès lors que son avocat ne s'est pas déplacé à l'audience ; que la procédure préalable à la sanction est irrégulière, faute de confrontation avec les supposés témoins ; qu'alors qu'il avait sollicité le bénéfice d'un avocat devant la commission de discipline en application de la loi du 12 avril 2000, sa demande en ce sens n'a pas abouti, ce qui constitue une violation des droits de la défense et de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que la commission de discipline s'est fondée sur les témoignages de détenus et les rapports de surveillants, alors qu'il a toujours contesté les faits invoqués ; que d'autres détenus n'ont pas été sanctionnés pour des mêmes faits ; que, s'il devait être éloigné de ses co-détenus, il a été placé dans un dortoir « fumeur » au mépris de son état de santé ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu la décision du 16 juin 2005 du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Douai accordant à M. X l'aide juridictionnelle totale ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 2 novembre 2005, présenté par le garde des sceaux, ministre de la justice, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que la procédure de première instance n'a pas méconnu les droits de la défense ; que le délai minimum pour préparer la défense devant la commission de discipline, prévu à l'article D. 250-2 du code de procédure pénale a été respecté ; que le bâtonnier de l'ordre des avocats de Beauvais a refusé de désigner un avocat d'office ; qu'aucune faute ne peut ainsi être reprochée à l'administration pénitentiaire ; que, dès lors que le requérant reconnaît avoir aiguisé son couteau et que les gestes déplacés sont établis par des témoignages précis, ces faits justifiaient une sanction disciplinaire et un changement de cellule ; que, suite à un premier refus, M. X a refusé la nouvelle affectation proposée par le chef de détention prenant en compte son état de santé ; que le requérant a ainsi refusé de se soumettre à une mesure de sécurité ; que ces fautes disciplinaires des 2ème et 3ème degrés justifiaient la sanction prononcée, qui est proportionnée aux faits ; que les conclusions indemnitaires doivent par conséquent être rejetées ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de procédure pénale ;

Vu la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu la loi n°2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 mai 2006 à laquelle siégeaient M. Philippe Couzinet, président de chambre, M. Alain Dupouy, président-assesseur et M. Fabien Platillero, conseiller :

- le rapport de M. Fabien Platillero, conseiller ;

- et les conclusions de M. Pierre Le Garzic, commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'avocat de M. X en première instance a été averti de l'audience du Tribunal administratif d'Amiens du 8 février 2005 par courrier recommandé avec accusé de réception ; que la seule circonstance que cet avocat, qui devait seul être convoqué, ne se soit pas déplacé à l'audience malgré l'avertissement qui lui avait été remis est sans incidence sur la régularité de la procédure devant les premiers juges et ne saurait constituer une atteinte aux droits de la défense ;

Sur la légalité de la décision du directeur régional des services pénitentiaires de Lille du 28 avril 2002 :

Considérant que par décision du 20 mars 2002, le directeur du centre de détention de Liancourt, président de la commission de discipline de cet établissement, a infligé à M. X une sanction de vingt jours de cellule disciplinaire dont dix avec sursis ; que cette sanction a été confirmée, sur recours préalable de l'intéressé, par décision du directeur régional des services pénitentiaires de Lille du 28 avril 2002 ; que cette seconde décision s'étant substituée à la première, la requête de M. X doit être regardée comme tendant à l'annulation de la décision du 28 avril 2002 ; que cette substitution ne fait toutefois pas obstacle à ce que soient invoqués à l'encontre de la décision initiale des moyens tirés de l'irrégularité de la procédure suivie devant la commission de discipline ;

Considérant qu'aux termes de l'article 24 de la loi susvisée du 12 avril 2000 : « Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix... » ; qu'aux termes de l'article D.250-4 du code de procédure pénale, dans sa rédaction alors en vigueur : « Lors de sa comparution devant la commission de discipline, le détenu présente en personne… ses explications écrites ou orales. Le président de la commission peut décider de faire entendre par la commission, en qualité de témoin, toute personne dont l'audition lui paraît utile… » ; que, par ailleurs, aux termes du paragraphe 3 de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « Tout accusé a droit notamment à : … c) se défendre lui-même ou avoir l'assistance d'un défenseur de son choix et, s'il n'a pas les moyens de rémunérer un défenseur, pouvoir être assisté gratuitement par un avocat d'office, lorsque les intérêts de la justice l'exigent… » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, sur le fondement des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, M. X a fait part à l'administration, suite à la mise en oeuvre d'une procédure disciplinaire à son encontre, de son souhait d'être assisté par un avocat devant la commission de discipline, en se bornant toutefois à demander une désignation d'office ; que, malgré sa transmission par les services pénitentiaires au bâtonnier de l'ordre des avocats de Beauvais antérieurement à la séance de la commission de discipline, la demande de l'intéressé n'a pas eu de suite ; que si, en application des dispositions susmentionnées de la loi du 12 avril 2000, un détenu qui fait l'objet de poursuites disciplinaires doit être mis en mesure de demander l'assistance d'un avocat, aucune disposition ni aucun principe n'impose, en matière disciplinaire, de faire droit à une demande de désignation d'office à peine d'irrégularité de la procédure ; qu'en l'absence de droit à l'assistance d'un avocat désigné d'office, M. X n'est ainsi pas fondé à soutenir que la procédure était irrégulière, faute d'avoir respecté les droits de la défense ; que le requérant ne peut à cet égard utilement invoquer les stipulations du 3-c de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui concernent les procédures contentieuses suivies devant les juridictions et ne sont pas applicables à l'élaboration et au prononcé des sanctions par l'autorité administrative ;

Considérant que les dispositions susmentionnées de l'article D. 250-4 du code de procédure pénale, si elles permettent l'audition de témoins devant la commission de discipline, n'imposent l'organisation d'une confrontation entre le détenu qui fait l'objet de poursuites disciplinaires et d'éventuels témoins ni devant la commission ni durant la procédure préalable à sa saisine ; qu'aucune disposition ni aucun principe n'impose une telle confrontation à peine d'irrégularité de la procédure disciplinaire ; que M. X n'est ainsi pas fondé à soutenir que la procédure disciplinaire a été irrégulière, faute de confrontation avec les témoins de certains des faits qui lui étaient reprochés ;

Considérant qu'aux termes de l'article D.249 du code de procédure pénale : « Les fautes disciplinaires sont classées, suivant leur gravité et selon les distinctions prévues aux articles D. 249-1 à D. 249-3, en trois degrés » ; qu'aux termes de l'article D. 249-2 du même code : « Constitue une faute disciplinaire du deuxième degré le fait, pour un détenu : … 5° D'imposer à la vue d'autrui des actes obscènes ou susceptibles d'offenser la pudeur ; 6° De refuser de se soumettre à une mesure de sécurité définie par les règlements et instructions de service… » ; qu'aux termes de l'article D. 249-3 dudit code : « Constitue une faute disciplinaire du troisième degré le fait, pour un détenu : …10° De faire un usage abusif ou nuisible d'objets autorisés par le règlement intérieur… » ; qu'aux termes de l'article D. 251 de ce code : « Peuvent être prononcées, quelle que soit la faute disciplinaire, les sanctions disciplinaires suivantes : … 5º La mise en cellule disciplinaire dans les conditions prévues aux articles D. 251-3 et D. 251-4 » ; que, selon l'article D. 251-3 du code : « … La durée de la mise en cellule disciplinaire ne peut excéder quarante-cinq jours pour une faute disciplinaire du premier degré, trente jours pour une faute disciplinaire du deuxième degré, et quinze jours pour une faute disciplinaire du troisième degré… » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les gestes obscènes reprochés à M. X sont relatés dans les témoignages de quatre détenus recueillis par le chef de détention en présence d'un surveillant ; que ces témoignages sont explicites et précis, chaque témoin, entendu hors de la présence des autres témoins, relatant des faits survenus à différents moments ; que, par suite, le requérant, qui ne conteste par ailleurs pas l'exactitude des autres faits qui lui sont reprochés, n'est pas fondé à soutenir que la sanction dont il a fait l'objet serait fondée sur des faits matériellement inexacts ;

Considérant que M. X reconnaît avoir été en possession d'un couteau transformé en vue de devenir un instrument très aiguisé et tranchant ; que ces faits constituent une faute disciplinaire du 3ème degré en application de l'article D. 249-3-10° du code de procédure pénale, la circonstance que d'autres détenus dans le même cas n'auraient pas été sanctionnés étant sans incidence sur la qualification des faits ; que le fait d'imposer à la vue d'autrui des actes obscènes ou susceptibles d'offenser la pudeur constitue une faute disciplinaire du 2ème degré en application de l'article D. 249-2-5° du même code ; qu'au regard de ces faits, l'administration était fondée à prononcer le changement de cellule de M. X ; qu'il ressort des pièces du dossier que le requérant, se prévalant de son état de santé, a, après avoir refusé une affectation dans un bâtiment occupé par des fumeurs, refusé une affectation tenant compte de son état de santé ; qu'en refusant cette cellule d'affectation, M. X a refusé de se soumettre à une mesure de sécurité, faute disciplinaire du 2ème degré en application de l'article D. 249-2-6° du code de procédure pénale ; qu'il résulte de ce qui précède qu'en regardant ces deux dernières fautes comme des fautes disciplinaires du 2ème degré, le directeur du centre de détention de Liancourt n'a pas commis d'erreur d'appréciation ;

Sur les conclusions aux fins d'indemnisation :

Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que la sanction prononcée à l'encontre de M. X n'est pas irrégulière et ne peut ainsi ouvrir droit à indemnisation ; qu'à supposer que le requérant entende se prévaloir d'une faute commise par l'administration pénitentiaire en le plaçant dans une cellule occupée par des fumeurs, il résulte de l'instruction que celui-ci a refusé un tel placement et reconnaît qu'il a par la suite bénéficié d'une affectation dans un dortoir approprié à son état de santé ; qu'ainsi, sans qu'il soit besoin de statuer sur leur recevabilité, les conclusions indemnitaires ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant au rétablissement des remises de peine :

Considérant que M. X ne conteste pas le motif de rejet, tiré de l'incompétence de la juridiction administrative opposé par les premiers juges à ces conclusions et qui constitue sur ce point le fondement du jugement attaqué ; que lesdites conclusions, reprises en appel, ne peuvent dès lors qu'être rejetées ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. X est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Roger X et au garde des sceaux, ministre de la justice.

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N°05DA00407


Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. Couzinet
Rapporteur ?: M. Fabien Platillero
Rapporteur public ?: M. Le Garzic
Avocat(s) : SCP FRISON-DECRAMER ET ASSOCIES

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation a 3 (ter)
Date de la décision : 24/05/2006
Date de l'import : 04/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 05DA00407
Numéro NOR : CETATEXT000007604155 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2006-05-24;05da00407 ?
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