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08/06/2006 | FRANCE | N°04DA01036

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation a 3 (bis), 08 juin 2006, 04DA01036


Vu le recours, enregistré le 9 décembre 2004, présenté pour le MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DES TRANSPORTS, DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE, DU TOURISME ET DE LA MER ; le ministre demande à la Cour :

11) de réformer l'article 1er du jugement n° 0201902 du 19 octobre 2004 par lequel le Tribunal administratif d'Amiens a condamné l'Etat à verser à M. Michel X une somme de 92 846 euros, majorée des intérêts, en réparation du préjudice subi du fait du retard avec lequel est intervenue sa titularisation dans le corps des ingénieurs des travaux publics de l'Etat ;

2°) de r

éduire l'indemnité due à M. X à raison de son retard de titularisation ;

I...

Vu le recours, enregistré le 9 décembre 2004, présenté pour le MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DES TRANSPORTS, DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE, DU TOURISME ET DE LA MER ; le ministre demande à la Cour :

11) de réformer l'article 1er du jugement n° 0201902 du 19 octobre 2004 par lequel le Tribunal administratif d'Amiens a condamné l'Etat à verser à M. Michel X une somme de 92 846 euros, majorée des intérêts, en réparation du préjudice subi du fait du retard avec lequel est intervenue sa titularisation dans le corps des ingénieurs des travaux publics de l'Etat ;

2°) de réduire l'indemnité due à M. X à raison de son retard de titularisation ;

Il soutient que l'indemnité due au titre des pertes de revenus doit être ramenée à

44 103 euros, dès lors que le retard de l'administration à prendre les décrets de titularisation ne doit être considéré comme fautif qu'à compter du 1er janvier 1989 ; que le préjudice lié à la minoration du montant de la pension n'est qu'éventuel ; qu'en tout état de cause, M. X n'a subi aucune perte financière à ce titre, sa pension ayant été calculée sur la base de l'indice nouveau majoré 556 qui aurait également été pris en compte s'il avait été titularisé en 1989 ; que le préjudice lié au surcoût de cotisations sociales n'est pas indemnisable, dès lors que ce surcoût est effacé du fait de l'indemnisation du différentiel de rémunération déjà accordé, calculé sur la rémunération brute ; qu'en tout état de cause, l'indemnisation ne peut porter sur la période antérieure au 1er janvier 1989 ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 2 septembre 2005, présenté pour M. X par Me Coudray, avocat ; M. X conclut au rejet du recours du ministre et à la condamnation de l'Etat au versement d'une somme de 956,80 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; il demande en outre à la Cour, par la voie de l'appel incident, de porter le montant de la réparation due par l'Etat à la somme de 114 057 euros, majorée des intérêts de droit ; il soutient que c'est à bon droit que le tribunal administratif a estimé que le retard à prendre les décrets de titularisation est devenu fautif à compter de l'année 1987 ; que le tribunal n'a pas fait une évaluation exagérée du préjudice de rémunération subi ; qu'il ne peut être soutenu que le préjudice lié à la minoration de sa pension n'a qu'un caractère éventuel alors qu'il est à la retraite depuis le 1er octobre 2003 ; que le ministre n'apporte aucun élément au soutien de son affirmation selon laquelle il n'aurait pas atteint un indice de rémunération supérieur s'il avait été titularisé sans retard ; que le préjudice lié au surcoût des cotisations sociales est distinct de celui qui se rapporte à la perte de rémunération ; que c'est à tort que les premiers juges ont refusé d'indemniser le chef de préjudice lié au surcoût affectant le rachat des services de non titulaire ; qu'il est fondé, en outre, à demander la réparation du préjudice moral et des troubles divers dans les conditions d'existence qu'il a subis du fait de sa titularisation tardive, les agents non titulaires ne bénéficiant pas des mêmes droits et garanties que les titulaires en matière de protection sociale et de déroulement de carrière ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;

Vu le décret n° 99-121 du 15 février 1999 fixant les conditions exceptionnelles d'intégration d'agents non titulaires du ministère de l'équipement, des transports et du logement dans des corps de catégorie A ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 mai 2006 à laquelle siégeaient M. Philippe Couzinet, président de chambre, M. Alain Dupouy, président-assesseur et M. Alain de Pontonx, premier conseiller :

- le rapport de M. Alain Dupouy, président-assesseur,

- et les conclusions de M. Pierre Le Garzic, commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. X, agent contractuel du ministère de l'équipement recruté le

18 avril 1977, a été titularisé dans le corps des ingénieurs des travaux publics de l'Etat en application du décret susvisé du 15 février 1999, avec effet rétroactif au 1er janvier 1999 ; que, par jugement du 19 octobre 2004, le Tribunal administratif d'Amiens a condamné l'Etat à verser à M. X une somme de 92 846 euros, majorée des intérêts, en réparation du préjudice subi par ce dernier du fait du retard avec lequel l'administration a procédé à sa titularisation ; que le ministre chargé de l'équipement, estimant seulement indemnisable le préjudice lié à la perte de rémunérations à compter du 1er janvier 1989, demande que l'indemnité globale allouée par le tribunal administratif soit ramenée à la somme de 44 103 euros ; que, par la voie du recours incident, M. X demande que cette indemnité soit portée à 114 057 euros ;

Sur la période de responsabilité de l'Etat :

Considérant qu'aux termes de l'article 73 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée : « Les agents non titulaires qui occupent un emploi présentant les caractères définis à l'article 3 du titre 1er du statut général ont vocation à être titularisés, sur leur demande, dans des emplois de même nature qui sont vacants ou qui seront créés par les lois de finances... » ; qu'aux termes de l'article 79 de la même loi : « ...des décrets en Conseil d'Etat peuvent organiser pour les agents non titulaires mentionnés aux articles 73, 74 et 76 ci-dessus l'accès aux différents corps de fonctionnaires suivant l'une des modalités ci-après ou suivant l'une et l'autre de ces modalités : 1° par voie d'examen professionnel ; 2° par voie d'inscription sur une liste d'aptitude établie en fonction de la valeur professionnelle des candidats » ; et qu'en vertu de l'article 80 de la loi précitée, les décrets prévus par son article 79 fixent, notamment, pour chaque ministère, les corps auxquels les agents non titulaires mentionnés à l'article 73 peuvent accéder, et, pour chaque corps, les modalités d'accès à ces corps et les conditions de classement des intéressés dans le corps d'accueil ;

Considérant que le gouvernement avait l'obligation de prendre les décrets prévus à l'article 79 de la loi du 11 janvier 1984 précitée dans un délai raisonnable ; qu'à la date à laquelle ces dispositions sont intervenues en ce qui concerne les agents non titulaires de catégorie A du ministère de l'équipement, ce délai était dépassé ; que le retard anormal du gouvernement à prendre les mesures propres à permettre la titularisation de ces agents a été constitutif d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat à l'égard de M. X, qui avait vocation à être titularisé, à compter du 1er janvier 1988 et non du 1er janvier 1987 comme l'a jugé le tribunal administratif ;

Sur le préjudice :

En ce qui concerne la perte de rémunérations :

Considérant que le retard apporté par l'Etat à la titularisation de M. X a causé à celui-ci une perte de rémunérations pendant la période allant du 1er janvier 1988 au 31 décembre 1998 ; que, compte tenu des éléments financiers figurant au dossier, il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en allouant à ce titre à M. X la somme de 63 000 euros ;

En ce qui concerne le préjudice lié à la minoration du montant de la pension :

Considérant que, si le ministre requérant soutient que M. X n'a subi aucune perte financière au titre de ses droits à pension, il résulte de l'instruction, et notamment des justifications, non sérieusement contestées, produites par M. X, que celui-ci, s'il avait été titularisé en 1988, aurait pu prétendre à une pension calculée sur l'indice nouveau majoré 588, supérieur à l'indice 556 ayant servi de base de calcul de sa pension lors de son départ à la retraite le 1er octobre 2003 ; que le retard avec lequel est intervenue sa titularisation a ainsi entraîné pour M. X une perte d'ancienneté pour le calcul de sa pension, dont le tribunal administratif a fait une juste évaluation en allouant à l'intéressé la somme de 19 700 euros ;

En ce qui concerne le préjudice lié aux suppléments de cotisations pour pension de retraite :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. X a opté pour le rachat des cotisations liées à ses services d'agent non titulaire et accepté le décompte définitif du rappel de cotisations permettant cette validation ; qu'ainsi, M. X est fondé à demander l'indemnisation de ce chef de préjudice ; qu'il y a lieu de condamner l'Etat à lui verser à ce titre une somme de

5 693 euros sur la base du calcul effectué par l'intéressé et non discuté par l'administration et compte tenu de la période de responsabilité retenue ; que M. X est également fondé à demander la prise en compte du préjudice supplémentaire lié au surcroît de cotisations pour pension versées lorsqu'il était agent non titulaire ; qu'il y a lieu, par application des mêmes modalités d'évaluation, de lui allouer à ce titre une somme de 4 652 euros ;

En ce qui concerne le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence :

Considérant que, compte tenu de la durée anormalement longue mise par l'administration pour prendre le décret fixant les conditions d'intégration d'agents non titulaires du ministère de l'équipement dans des corps de catégorie A et de l'existence de différences entre les régimes de protection sociale des titulaires et des non titulaires, M. X est fondé à soutenir qu'il a subi de ce fait un préjudice moral et divers troubles dans ses conditions d'existence ; qu'il sera fait une juste appréciation de ces chefs de préjudice en condamnant l'Etat à payer à M. X une somme de 5 000 euros ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'appel principal du ministre doit être rejeté et que M. X est fondé à demander que le montant total de l'indemnité que le tribunal administratif a condamné l'Etat à lui verser soit porté à la somme de 98 045 euros ; qu'il y a lieu de réformer, dans cette seule mesure, le jugement attaqué ;

Sur les intérêts et les intérêts des intérêts :

Considérant que la somme de 78 345 euros portera intérêts à compter du 26 décembre 2001, date de réception par le ministre de la demande préalable de M. X, et celle de 19 700 euros à compter du 1er octobre 2003, date du départ à la retraite de M. X ;

Considérant que M. X a demandé la capitalisation des intérêts le 7 septembre 2004 ; qu'à cette date, il était dû au moins une année d'intérêts sur la somme de 78 345 euros ; que, dès lors, il y a lieu de faire droit à cette demande tant à cette date qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;

Sur les conclusions de M. X tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le paiement à M. X de la somme de 956,80 euros qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le recours du MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DES TRANSPORTS, DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE, DU TOURISME ET DE LA MER est rejeté.

Article 2 : La somme de 92 856 euros que l'Etat a été condamné à verser à M. X par l'article 1er du jugement n° 0201902 en date du 19 octobre 2004 du Tribunal administratif d'Amiens est portée à 98 045 euros. La somme de 78 345 euros portera intérêts à compter du 26 décembre 2001 et celle de 19 700 euros à compter du 1er octobre 2003. Les intérêts échus le 7 septembre 2004 sur la somme de 78 345 euros seront capitalisés tant à cette date qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date, pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : L'article 1er du jugement n° 0201902 du 19 octobre 2004 du Tribunal administratif d'Amiens est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à M. X une somme de 956,80 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de l'appel incident de M. X est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DES TRANSPORTS, DE L'EQUIPEMENT, DU TOURISME ET DE LA MER et à M. Michel X.

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N°04DA01036


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation a 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 04DA01036
Date de la décision : 08/06/2006
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Couzinet
Rapporteur ?: M. Alain Dupouy
Rapporteur public ?: M. Le Garzic
Avocat(s) : COUDRAY

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2006-06-08;04da01036 ?
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