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13/06/2006 | FRANCE | N°06DA00263

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation a 3, 13 juin 2006, 06DA00263


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai le

20 février 2006, présentée pour M. Fikret Y, demeurant chez ..., par Me Clément ; M. Y demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0504709 du 15 décembre 2005 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 juillet 2005 du préfet de la région Nord/Pas-de-Calais, préfet du Nord, décidant de sa reconduite à la frontière et de la décision distincte du même jour fixant la Bosnie-Herzégovine comme pays de destination

;

2°) d'annuler cet arrêté et cette décision pour excès de pouvoir ;

3°) d'enjo...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai le

20 février 2006, présentée pour M. Fikret Y, demeurant chez ..., par Me Clément ; M. Y demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0504709 du 15 décembre 2005 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 juillet 2005 du préfet de la région Nord/Pas-de-Calais, préfet du Nord, décidant de sa reconduite à la frontière et de la décision distincte du même jour fixant la Bosnie-Herzégovine comme pays de destination ;

2°) d'annuler cet arrêté et cette décision pour excès de pouvoir ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de 15 jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

Il soutient que l'arrêté contesté est entaché d'incompétence ; que cet arrêté et la décision fixant la Bosnie-Herzégovine comme pays de destination ne sont pas suffisamment motivés, en particulier qu'il ne ressort pas de ces décisions que sa situation familiale et les risques encourus dans son pays d'origine auraient été examinés ; que le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation quant à sa situation au regard, d'une part, du signalement aux fins de non-admission qui n'est pas produit et, d'autre part, de son état de santé ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu la décision du 21 février 2006 du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Douai accordant l'aide juridictionnelle totale à M. Y ;

Vu l'ordonnance en date du 27 février 2006 fixant la clôture de l'instruction au

29 mars 2006 ;

Vu l'ordonnance en date du 2 mai 2006 portant réouverture de l'instruction ;

Vu l'examen des pièces du dossier desquelles il résulte que la requête a été communiquée au préfet du Nord, qui n'a pas produit de mémoire en défense ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le décret n° 95-304 du 21 mars 1995 portant publication de la convention d'application de l'accord de Schengen du 14 juin 1985 signée le 19 juin 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique et le décret

n° 91-1266 du 19 décembre 1991, modifié ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 mai 2006 à laquelle siégeaient Mme Câm Vân Helmholtz, président de chambre, Mme Corinne Signerin-Icre, président-assesseur et M. Christian Bauzerand, premier conseiller :

- le rapport de Mme Câm Vân Helmholtz, président de chambre ;

- et les conclusions de M. Robert Le Goff, commissaire du gouvernement ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 531-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Lorsqu'un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne a fait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission en vertu d'une décision exécutoire prise par l'un des autres Etats parties à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 et qu'il se trouve irrégulièrement sur le territoire métropolitain, l'autorité administrative peut décider qu'il sera d'office reconduit à la frontière (…) » ;

Considérant que, par arrêté du 29 juillet 2005, le préfet du Nord a prononcé d'office la reconduite à la frontière de M. Y, de nationalité bosnienne, aux seuls motifs qu'il se trouvait en situation irrégulière et qu'il avait fait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission en vertu d'une décision exécutoire prise par l'Etat italien, partie à la convention Schengen ; qu'ainsi, cet arrêté a été pris sur la base des dispositions précitées de l'article L. 531-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant que l'usage par le représentant de l'Etat de la procédure de reconduite d'office à la frontière est légalement subordonné à l'existence d'un signalement de l'étranger concerné, aux fins de non-admission, en vertu d'une décision exécutoire émanant d'un autre Etat partie à la convention Schengen ; que le préfet s'est borné à produire devant le Tribunal administratif la copie des données relatives à l'intéressé contenues dans ledit fichier se limitant à énoncer « refuser l'entrée, interpeller pour éloignement, contact obligatoire avec Sirène France » ; qu'invité à communiquer à la Cour tous éléments relatifs à l'inscription de M. Y dans le fichier « Système d'information Schengen » et notamment l'existence d'une décision exécutoire de l'Etat italien visée dans l'arrêté de reconduite, le préfet n'a pas produit les éléments demandés, sans invoquer des circonstances propres à l'espèce qui l'auraient empêché de satisfaire à cette demande ; que l'existence d'une décision de signalement seule susceptible d'autoriser la reconduite à la frontière sur le fondement de l'article L. 531-3 ne saurait être établie par cette seule inscription ne faisant aucune référence à l'origine et au motif du signalement, et qui ne permet pas de contrôler la réalité matérielle de la décision de signalement ; que, dès lors, M. Y est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 juillet 2005 prononçant sa reconduite d'office à la frontière et de la décision du même jour fixant la Bosnie-Herzégovine comme pays de destination ;

Considérant que si le présent arrêt prononce l'annulation pour excès de pouvoir d'un arrêté ordonnant d'office la reconduite à la frontière, son exécution n'implique pas nécessairement que le préfet du Nord délivre le titre de séjour que M. Y sollicite ; que, dès lors, ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de lui délivrer un titre de séjour en application des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative ne peuvent donc qu'être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0504709 du 15 décembre 2005 du Tribunal administratif de Lille est annulé.

Article 2 : L'arrêté de reconduite à la frontière 29 juillet 2005 et la décision du même jour fixant le pays de destination sont annulés.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Fikret Y et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.

Copie sera adressée au préfet de la région Nord/Pas-de-Calais, préfet du Nord.

N°06DA00263 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 06DA00263
Date de la décision : 13/06/2006
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Helmholtz
Rapporteur ?: M. Olivier Mesmin d'Estienne
Rapporteur public ?: M. Le Goff
Avocat(s) : CLEMENT

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2006-06-13;06da00263 ?
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