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20/06/2006 | FRANCE | N°05DA00151

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation a 3 (ter), 20 juin 2006, 05DA00151


Vu la requête, reçue par télécopie du 8 février 2005 confirmée par courrier enregistré le 10 février 2005, présentée pour l'OFFICE PUBLIC D'AMENAGEMENT ET DE CONSTRUCTION (OPAC) DE L'OISE, dont le siège est 1 cours Scellier à Beauvais (60016), représenté par son président en exercice, par Mes Guénaire et Vital-Durand, avocats ; l'OPAC DE L'OISE demande à la Cour :

11) d'annuler le jugement n° 0302511 en date du 14 décembre 2004 en tant que le Tribunal administratif d'Amiens a annulé la délibération en date du 31 octobre 2003 par laquelle le conseil d'administration

de l'office a fixé à 142 480,36 euros la créance détenue sur

M. Henri X ...

Vu la requête, reçue par télécopie du 8 février 2005 confirmée par courrier enregistré le 10 février 2005, présentée pour l'OFFICE PUBLIC D'AMENAGEMENT ET DE CONSTRUCTION (OPAC) DE L'OISE, dont le siège est 1 cours Scellier à Beauvais (60016), représenté par son président en exercice, par Mes Guénaire et Vital-Durand, avocats ; l'OPAC DE L'OISE demande à la Cour :

11) d'annuler le jugement n° 0302511 en date du 14 décembre 2004 en tant que le Tribunal administratif d'Amiens a annulé la délibération en date du 31 octobre 2003 par laquelle le conseil d'administration de l'office a fixé à 142 480,36 euros la créance détenue sur

M. Henri X au titre de frais d'utilisation d'un véhicule de fonctions pour un usage personnel, demandé au directeur général d'émettre le titre de recettes correspondant et autorisé le président à ester en justice aux fins d'obtenir le paiement ;

2°) de rejeter les conclusions de la demande de M. X tendant à l'annulation de la délibération en date du 31 octobre 2003 ;

3°) de condamner M. X à lui verser une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que c'est à tort que le tribunal a annulé la délibération du 31 octobre 2003, dès lors que le conseil d'administration était lié par la mise en demeure que lui avait adressée le préfet, en application de l'article L. 451-1 du code de la construction et de l'habitation, suite à un rapport de la mission interministérielle d'inspection du logement social (MIILOS) fixant à

142 480,36 euros le montant des dépenses et charges que M. X, directeur général, avait engagées à des fins personnelles pour les années 1999 à 2002 et indiquant que l'intéressé devait rembourser cette somme ; qu'à défaut de se soumettre à cette mise en demeure, il s'exposait aux sanctions prévues à l'article R. 421-13 du code de la construction et de l'habitation ; que seul le caractère obligatoire des mises en demeure du préfet permet de garantir que le rapport d'inspection de la MIILOS sera suivi d'effet ; que l'article R. 423-32-1 du code de la construction et de l'habitation dont a fait application le tribunal ne s'applique pas, dès lors qu'il est soumis aux règles de la comptabilité privée ; qu'à supposer que cet article s'applique, il ne pouvait concerner la dette de M. X ; que les autres moyens de M. X sont par suite inopérants ; que la délibération contestée n'avait pas à être motivée ; que la lettre du

5 novembre 2003 par laquelle son directeur général a mis en demeure M. X de procéder au remboursement est dépourvue d'effet contraignant ; que la délibération est suffisamment motivée par la référence au rapport de la MIILOS, transmis à M. X ; que M. X ne peut contester les bases de liquidation retenues par la MIILOS, dès lors qu'il n'a pas justifié des frais exposés pour ses besoins personnels et ceux de son épouse durant la procédure de contrôle ; que ces bases de liquidation reposent sur des éléments dont la matérialité a été constatée lors de l'inspection et dans le jugement du Tribunal de grande instance de Beauvais du 15 janvier 2004 ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 23 mai 2005, présenté pour M. Henri X, demeurant ..., par la SCP Piwnica-Molinié, avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que l'OPAC DE L'OISE n'était pas tenu de déférer à la mise en demeure du préfet de l'Oise suite au rapport de la MIILOS, dès lors que le pouvoir de tutelle du préfet ne comporte pas le pouvoir d'annulation ou de substitution ; que l'OPAC DE L'OISE ne pouvait renoncer à exercer son pouvoir d'appréciation du bien-fondé de cette mise en demeure, le préfet disposant seulement du pouvoir de déférer la délibération du conseil d'administration devant le juge en cas de désaccord ; que seul le conseil d'administration étant compétent pour apprécier le préjudice financier subi, celui-ci a méconnu l'étendue de sa compétence en s'estimant en situation de compétence liée et entaché sa décision d'une erreur de droit ; qu'alors que l'obligation d'indiquer dans la délibération litigieuse et le titre de recettes du 5 novembre 2003 les bases de liquidation constitue une formalité substantielle applicable même sans texte, ni la délibération ni le titre de recettes ne mentionnent l'objet de la créance et les éléments retenus au titre de l'assiette de cette créance ; que ces documents sont en tout état de cause insuffisamment motivés, dès lors qu'ils n'expliquent pas pourquoi le montant retenu dans une précédente délibération a finalement été abandonné ; que l'utilisation d'une voiture de fonction avec chauffeur avait été autorisée par le conseil d'administration ; que les bases de liquidation de la MIILOS sont erronées, dès lors qu'elles ne tiennent pas compte des frais réellement engagés à des fins personnelles ; que les méthodes de liquidation aboutissent à lui faire supporter des dépenses qui doivent être prises en charge par l'OPAC DE L'OISE ;

Vu le mémoire en réplique, reçu par télécopie du 3 octobre 2005 confirmée par courrier enregistré le 6 octobre 2005, présenté pour l'OPAC DE L'OISE, qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ; il soutient en outre que les articles L. 451-1 et R. 451-7 du code de la construction et de l'habitation impliquent que la mise en demeure du préfet est obligatoire, le bailleur social devant rendre compte à l'autorité administrative des suites données à cette mise en demeure ; que la décision a été prise après un débat au sein du conseil d'administration ; que la circonstance que le titre de recettes émis consécutivement à la délibération serait insuffisamment motivé n'entache pas d'irrégularité la délibération ; que cette délibération n'a pas à être motivée, son objet étant de fonder l'action judiciaire tendant au recouvrement de la créance ; que le juge répressif a admis la matérialité de l'infraction, sans mettre en cause le calcul de la MIILOS ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré le 7 novembre 2005, présenté pour M. X, qui conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la construction et de l'habitation ;

Vu le décret n° 93-326 du 22 février 1993 portant création de la mission interministérielle d'inspection du logement social ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 juin 2006 à laquelle siégeaient M. Philippe Couzinet, président de chambre, M. Alain Dupouy, président-assesseur et

M. Fabien Platillero, conseiller :

- le rapport de M. Fabien Platillero, conseiller ;

- les observations de Me Vital-Durand, avocat, pour l'OPAC DE L'OISE ;

- et les conclusions de M. Pierre Le Garzic, commissaire du gouvernement ;

Sur la légalité de la délibération en date du 31 octobre 2003 :

Considérant que, suite à un contrôle de l'OFFICE PUBLIC D'AMENAGEMENT ET DE CONSTRUCTION (OPAC) DE L'OISE réalisé au cours de l'année 2002, la mission interministérielle d'inspection du logement social (MIILOS) a établi un rapport dans lequel elle a notamment conclu que le directeur général de l'office, M. Henri X, avait bénéficié, en sus d'un véhicule qu'il utilisait pour ses déplacements professionnels, d'un chauffeur et d'un véhicule affectés aux besoins de son épouse, avantage estimé à 142 480,36 euros pour les années 1999 à 2002 ; que, le 20 août 2003, le préfet de l'Oise a mis en demeure le président de l'OPAC DE L'OISE de justifier dans le délai de deux mois qu'il avait été mis fin à cet avantage et que

M. X avait reversé la somme litigieuse, conformément à la demande de la MIILOS ; que, suite à une première délibération du 1er octobre 2003, par laquelle le conseil d'administration de l'OPAC DE L'OISE a pris acte d'une proposition de remboursement de M. X d'un montant de 52 000 euros et a mis fin aux fonctions de l'intéressé, le préfet, constatant que cette délibération ne répondait pas à sa mise en demeure, a demandé une nouvelle délibération, adoptée le 31 octobre 2003, par laquelle le conseil d'administration a demandé à M. X le remboursement de la somme de 142 480,36 euros et au directeur général de l'office d'émettre le titre de recettes correspondant et a autorisé le président à ester en justice en cas de refus ; que

M. X, mis en demeure le 5 novembre 2003 de procéder au remboursement de la somme de 90 480,36 euros en complément des 52 000 euros qu'il avait déjà versés, a saisi le Tribunal administratif d'Amiens qui, par le jugement attaqué, a annulé la délibération du conseil d'administration de l'OPAC DE L'OISE en date du 31 octobre 2003 ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 421-1 du code de la construction et de l'habitation : « Les offices publics d'aménagement et de construction sont des établissements publics à caractère industriel et commercial (…) » ; qu'aux termes de l'article L. 421-1 du même code : « Sauf délibération spéciale de leur conseil d'administration, les offices publics d'aménagement et de construction sont soumis, en matière de gestion financière et comptable, aux règles applicables aux entreprises de commerce (…) » ; qu'aux termes de l'article

R. 423-32-1 dudit code : « (…) Sauf lorsqu'il s'agit d'une dette du comptable ou d'un régisseur, les créances peuvent faire l'objet d'une remise gracieuse par le conseil d'administration (…) » ;

Considérant que les dispositions précitées de l'article R. 423-32-1 du code de la construction et de l'habitation sont particulières aux offices publics d'aménagement et de construction soumis en matière financière et comptable aux règles de la comptabilité publique ; qu'il est constant que l'OPAC DE L'OISE est un établissement public à caractère industriel et commercial soumis, en matière de gestion financière et comptable, aux règles applicables aux entreprises de commerce ; que, par suite, l'OPAC DE L'OISE est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal s'est fondé sur le moyen tiré de ce que le conseil d'administration avait méconnu la compétence qu'il tenait des dispositions de l'article R. 423-32-1 du code de la construction et de l'habitation pour annuler la délibération du 31 octobre 2003 ;

Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X tant devant la Cour que devant le tribunal administratif ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 451-1 du code de la construction et de l'habitation : « Sous réserve des dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 312-2 du présent code, les organismes d'habitations à loyer modéré (…) sont soumis au contrôle de l'administration (…) L'objet du contrôle exercé par l'administration est de vérifier l'emploi conforme à leur objet des subventions, prêts ou avantages consentis par l'Etat et le respect par les organismes contrôlés des dispositions législatives et réglementaires qui régissent leur mission de construction et de gestion du logement social. L'administration peut également procéder à une évaluation d'ensemble de l'activité consacrée à cette mission, dans ses aspects administratifs, techniques, sociaux, comptables et financiers (…) Lorsque le contrôle de l'administration s'est conclu par un rapport, celui-ci est communiqué au président, ou dirigeant de l'organisme concerné qui dispose d'un mois pour présenter ses observations. Le rapport définitif et, le cas échéant, les observations de l'organisme contrôlé sont communiqués (…) au conseil d'administration ou à l'organe délibérant en tenant lieu dès sa plus proche réunion pour être soumis à délibération. L'autorité administrative met en demeure l'organisme contrôlé de procéder, dans un délai déterminé, à la rectification des irrégularités ou carences constatées » ; qu'aux termes de l'article R. 451-7 du même code : « La mise en demeure mentionnée au dernier alinéa de l'article L. 451-1 est effectuée par le préfet du département du siège de l'organisme. L'organisme informe le préfet des suites données à la mise en demeure » ; qu'aux termes de l'article R. 421-13 dudit code : « En cas d'irrégularités, de faute grave ou de carence, le ministre chargé du logement et le ministre chargé des collectivités territoriales peuvent décider d'une ou plusieurs des sanctions suivantes : 1° Retirer à l'office, pour une durée qui ne peut excéder cinq ans, la possibilité d'exercer une ou plusieurs de ses compétences ; 2° Révoquer un ou plusieurs membres du conseil d'administration ; 3° Interdire à un ou plusieurs membres ou anciens membres du conseil d'administration de participer au conseil d'administration, au conseil de surveillance ou au directoire d'un organisme d'habitations à loyer modéré pendant une durée qui ne peut excéder dix ans ; 4° Dissoudre le conseil d'administration (…) » ;

Considérant qu'il résulte des dispositions précitées du code de la construction et de l'habitation, applicables aux offices publics d'aménagement et de construction soumis, en matière de gestion financière et comptable, aux règles applicables aux entreprises de commerce, que le conseil d'administration de l'OPAC DE L'OISE a méconnu l'étendue de sa compétence en s'estimant lié par le contenu de la mise en demeure que lui avait adressée le préfet de l'Oise, en vue de faire procéder à la rectification des irrégularités constatées lors du contrôle de la MIILOS, relatives aux avantages susmentionnés dont avait bénéficié le directeur général de l'office, M. X ; qu'il appartenait en effet au seul OPAC DE L'OISE de déterminer le montant de la créance qu'il estimait détenir sur M. X, en s'exposant, le cas échéant, à la mise en oeuvre de la procédure de sanction prévue par l'article R. 421-13 du code de la construction et de l'habitation, à charge alors pour l'autorité administrative d'établir que les faits reprochés étaient de nature à justifier une sanction, en démontrant la réalité et le bien-fondé des irrégularités ou carences relevées par la MIILOS ; que M. X est ainsi fondé à soutenir que le conseil d'administration de l'OPAC DE L'OISE a commis une erreur de droit en s'estimant lié par la mise en demeure que lui avait adressée le préfet de l'Oise ;

Considérant que l'OPAC DE L'OISE n'est pas fondé à soutenir qu'il aurait par ailleurs été lié par les constatations de fait opérées par le Tribunal correctionnel de Beauvais dans son jugement du 15 janvier 2004, dès lors que, en tout état de cause, ce jugement ne se prononce pas sur le montant des avantages dont a bénéficié M. X ; que le requérant n'est pas plus fondé à se prévaloir du débat qui a eu lieu lors de la séance du conseil d'administration du

31 octobre 2003 en vue de l'adoption de la délibération litigieuse, dès lors qu'il ressort des termes même de cette délibération que le conseil d'administration s'est estimé lié par la mise en demeure que le préfet de l'Oise avait adressée à l'office ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'OPAC DE L'OISE n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif d'Amiens a annulé la délibération de son conseil d'administration en date du 31 octobre 2003 ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation » ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. X qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à l'OPAC DE L'OISE la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de l'OPAC DE L'OISE est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'OFFICE PUBLIC D'AMENAGEMENT ET DE CONSTRUCTION DE L'OISE et à M. Henri X.

Copie sera transmise au préfet de l'Oise.

2

N°05DA00151


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation a 3 (ter)
Numéro d'arrêt : 05DA00151
Date de la décision : 20/06/2006
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Couzinet
Rapporteur ?: M. Fabien Platillero
Rapporteur public ?: M. Le Garzic
Avocat(s) : CABINET GIDE LOYRETTE NOUEL

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2006-06-20;05da00151 ?
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