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27/06/2006 | FRANCE | N°05DA00220

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation a 5, 27 juin 2006, 05DA00220


Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 21 février et 7 mars 2005 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentés pour M. Jean X, demeurant ..., par Me Trinité Confiant ; M. X demande à la Cour :

11) d'annuler le jugement n° 0002252 du 22 décembre 2004 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser, en réparation du préjudice moral que lui a causé l'accident mortel de la circulation dont a été victime M. Nicolas X, son fils, le 5 avril 1997, la somme de 800 000 f

rancs (121 959,21 euros), ou, à titre subsidiaire, la somme de 100 000 fr...

Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 21 février et 7 mars 2005 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentés pour M. Jean X, demeurant ..., par Me Trinité Confiant ; M. X demande à la Cour :

11) d'annuler le jugement n° 0002252 du 22 décembre 2004 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser, en réparation du préjudice moral que lui a causé l'accident mortel de la circulation dont a été victime M. Nicolas X, son fils, le 5 avril 1997, la somme de 800 000 francs (121 959,21 euros), ou, à titre subsidiaire, la somme de 100 000 francs (15 244,90 euros) à titre de provision ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 121 959,21 euros à titre de réparation de son préjudice moral ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 3 048,98 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

M. X soutient :

- que le jugement attaqué est insuffisamment motivé, le tribunal administratif n'ayant pas répondu à l'ensemble des moyens que l'exposant avait présentés dans son mémoire en réplique ;

- que, contrairement à ce qu'a estimé le Tribunal, la signalisation en place sur les lieux le jour de l'accident, qui consistait en une ligne séparatrice de voie discontinue autorisant les dépassements, n'était pas adaptée à la dangerosité du site dès lors que la visibilité y était limitée par la configuration de la route, qui présentait un dos d'âne en virage ; que quatre accidents graves se sont d'ailleurs produits à cet endroit entre juillet 1996 et avril 1997 ; qu'une modification de la signalisation a été effectuée quelques semaines après l'accident dont a été victime Nicolas X, une ligne continue interdisant tout dépassement ayant été notamment mise en place, ce qui démontre l'insuffisance des aménagements antérieurs qui conféraient aux usagers le sentiment de pouvoir réaliser des dépassements en toute sécurité ; que cette insuffisance caractérise un défaut d'entretien normal de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;

- que ce défaut d'entretien normal de la voie, qui a permis à un automobiliste d'entreprendre la manoeuvre de dépassement à l'origine de la collision dans laquelle Nicolas X a trouvé la mort, constitue la cause directe et certaine dudit accident ;

- que l'Etat ne saurait invoquer en l'espèce, pour tenter de s'exonérer d'une partie de sa responsabilité, ni la force majeure, ni une quelconque faute de la victime, ni le fait de tiers ;

- que le préjudice subi par l'exposant est certain, réel et actuel ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 22 avril 2005, présenté au nom de l'Etat par le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer ; le ministre conclut au rejet de la requête ;

Le ministre soutient :

- qu'aucun défaut d'entretien normal n'affecte l'ouvrage routier mis en cause ; qu'en effet, la signalisation routière sur les lieux le jour de l'accident était constituée d'une ligne discontinue de type T3, qui est une ligne d'avertissement ne permettant que le dépassement des véhicules lents ; qu'une telle signalisation, sur une portion de route en ligne droite située avant l'entrée d'une courbe peu prononcée à gauche et offrant une visibilité supérieure à 200 mètres, était suffisante ; que les aménagements réalisés ultérieurement ne sauraient être regardés comme une reconnaissance de responsabilité de la part de l'Etat, mais constituent une mesure visant à protéger les automobilistes contre leur propre imprudence ; que les autres accidents invoqués par le requérant ont pour origine, non une insuffisance d'aménagement de la voie, mais le comportement imprudent d'automobilistes ;

- qu'en tout état de cause, le décès de Nicolas X ne trouve pas son origine dans l'absence de ligne continue à la date et sur les lieux de l'accident, mais, ainsi que l'a estimé le juge pénal par une décision définitive qui a l'autorité absolue de la chose jugée, dans les fautes commises par les deux autres conducteurs impliqués dans celui-ci, qui en constituent les causes exclusives ;

- qu'à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la Cour imputerait une part de responsabilité à l'Etat, il lui appartiendrait de ramener l'indemnité demandée par M. X à une somme n'excédant pas 7 700 euros ;

Vu la lettre de M. Jean X, enregistrée le 19 juin 2006 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi du 28 pluviôse an VIII ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 juin 2006 à laquelle siégeaient

M. Serge Daël, président de la Cour, Mme Câm Vân Helmholtz, président de chambre, Mme Corinne Signerin-Icre, président-assesseur, M. Olivier Mesmin d'Estienne, premier conseiller et M. Fabien Platillero, conseiller :

- le rapport de Mme Corinne Signerin-Icre, président-assesseur ;

- les observations de Me Trinité Confiant, pour M. X ;

- et les conclusions de M. Robert Le Goff, commissaire du gouvernement ;

Considérant que le 5 avril 1997, la voiture que conduisait M. Nicolas X, âgé de 22 ans, sur la route nationale n° 138, à hauteur de la commune de Carsix (Eure), a été percutée par un véhicule venant en sens inverse, dont le conducteur avait perdu le contrôle en voulant éviter un automobiliste qui achevait une manoeuvre dangereuse de dépassement ; que M. Jean X soutient que cet accident, qui a entraîné le décès de son fils, a été causé par l'insuffisance et l'inadaptation de la signalisation en place et demande réparation à l'Etat, maître d'ouvrage de ladite voie, des préjudices qu'il a subis ;

Considérant, toutefois, qu'il résulte de l'instruction qu'était en place, à l'endroit où l'automobiliste a entrepris le dépassement à l'origine de la collision, une signalisation horizontale constituée d'une ligne blanche discontinue à intervalles serrés qui alertait les conducteurs sur la nécessité de n'entreprendre un dépassement qu'avec une vigilance accrue ; qu'eu égard à la configuration des lieux, constitués d'une ligne droite suivie d'une courbe peu prononcée à gauche et présentant une distance de visibilité supérieure à 200 mètres, et alors qu'il n'est pas établi par les pièces versées au dossier que le relief de la route ait créé un danger particulier justifiant une interdiction de tout dépassement, cette signalisation était suffisante ; que la circonstance que trois autres accidents graves se soient produits sur la route nationale n° 138 entre les mois de juillet 1996 et de mai 1997 n'est pas de nature à établir le caractère inadapté de cette signalisation dès lors qu'il résulte de l'instruction que ces accidents sont survenus dans des circonstances différentes ou sur d'autres portions de la route nationale ; que, par suite, l'Etat, alors même que la signalisation a été modifiée après l'accident, rapporte la preuve, qui lui incombe, de l'entretien normal de l'ouvrage public routier ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, en la présente instance, la partie perdante, la somme que M. X demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. Jean X est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Jean X et au ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer.

Copie sera transmise au préfet de l'Eure.

4

N°05DA00220


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation a 5
Numéro d'arrêt : 05DA00220
Date de la décision : 27/06/2006
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Daël
Rapporteur ?: Mme Corinne Signerin-Icre
Rapporteur public ?: M. Le Goff
Avocat(s) : TRINITÉ CONFIANT

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2006-06-27;05da00220 ?
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