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27/07/2006 | FRANCE | N°06DA00527

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation a 3, 27 juillet 2006, 06DA00527


Vu la requête, enregistrée le 18 avril 2006 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée par le PREFET DE L'EURE ; le préfet demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0600685 du 17 mars 2006 par lequel le vice-président délégué par le président du Tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 6 mars 2006 décidant la reconduite à la frontière de M. Ernest X et fixant le Sénégal comme pays de destination et lui a enjoint de délivrer une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer la situation de M. X dans un délai d'un moi

s à compter dudit jugement ;

2°) de rejeter la demande de M. X ;

Il soutient...

Vu la requête, enregistrée le 18 avril 2006 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée par le PREFET DE L'EURE ; le préfet demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0600685 du 17 mars 2006 par lequel le vice-président délégué par le président du Tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 6 mars 2006 décidant la reconduite à la frontière de M. Ernest X et fixant le Sénégal comme pays de destination et lui a enjoint de délivrer une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer la situation de M. X dans un délai d'un mois à compter dudit jugement ;

2°) de rejeter la demande de M. X ;

Il soutient que M. X était en situation irrégulière en France après le rejet de sa demande d'asile et qu'il a travaillé de manière irrégulière depuis 1999 ; que son état de santé ne justifiait pas son maintien sur le territoire et qu'il pourrait le cas échéant bénéficier d'un traitement dans son pays d'origine ; que l'intéressé est célibataire et sans enfant en France et que ses parents et son fils résident au Sénégal ; qu'ainsi, il n'a commis aucune erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation de M. X ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu l'ordonnance en date du 4 mai 2006 fixant la clôture de l'instruction au 23 mai 2006 ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 20 juin 2006, présenté pour M. X, par Me Woldanski, qui conclut au rejet de la requête et à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 800 euros ; il soutient que le préfet ne pouvait décider sa reconduite à la frontière en raison de son état de santé, qu'en effet, victime d'un accident en 2004, il nécessite un suivi médical et la poursuite d'opérations chirurgicales, qui ne pourraient être réalisées dans son pays d'origine ; que, présent en France depuis neuf ans, il est parfaitement intégré à la société française, bénéficie d'un contrat de travail et n'a plus d'attache au Sénégal ; que sa liberté et sa sécurité sont menacées dans ce pays ;

Vu l'ordonnance en date du 20 juin 2006 rouvrant l'instruction ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 juin 2006 à laquelle siégeaient Mme Câm Vân Helmholtz, président de chambre, Mme Corinne Signerin-Icre, président-assesseur et M. Christian Bauzerand, premier conseiller :

- le rapport de Mme Câm Vân Helmholtz, président de chambre ;

- et les conclusions de M. Robert Le Goff, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, de nationalité sénégalaise, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois à compter de la notification, le 30 septembre 2005, de la décision du 26 septembre 2005 par laquelle le PREFET DE L'EURE lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour ; qu'il se trouvait ainsi dans le cas où, en application de l'article L. 511-1 3° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;

Considérant que les circonstances retenues par le premier juge, selon lesquelles M. X, qui est en France depuis huit ans, travaille dans la même entreprise depuis 1999, déclare ses revenus et a été victime d'un accident nécessitant des soins médicaux ne suffisent pas à établir que le préfet aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la mesure d'éloignement sur la situation personnelle de l'intéressé alors qu'il n'a bénéficié que d'autorisations provisoires de séjour liées à sa demande d'asile et à son état de santé, a fait l'objet d'une invitation à quitter le territoire le 11 septembre 2001 à la suite du rejet de sa demande d'asile politique par l'office français de protection des réfugiés et apatrides confirmé par une décision de la commission de recours des réfugiés du 27 juillet 2001 et d'un premier arrêté de reconduite à la frontière le 5 février 2003 ; que par suite, c'est à tort que, le vice-président délégué par le président du Tribunal administratif de Rouen s'est fondé sur l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la situation personnelle de M. X pour annuler l'arrêté du préfet ordonnant la reconduite à la frontière de l'intéressé ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X en première instance ;

Considérant que M. Raymond ... a reçu délégation de signature pour signer la décision attaquée par arrêté du 30 septembre 2005, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de l'Eure en date du 8 août 2005 ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-4 10° « Ne peuvent faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière en application du présent chapitre : (…) 10º L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi » ;

Considérant que M. X fait valoir qu'il a été gravement blessé lors d'un accident survenu en mars 2004 ayant entraîné un polytraumatisme au niveau du genou droit et de la main droite et que ses problèmes de santé ont justifié l'attribution d'une autorisation provisoire de séjour ; que toutefois, au vu de l'évolution de son état de santé, le PREFET DE L'EURE a refusé, le 26 septembre 2005, de renouveler l'autorisation de séjour, puis a pris à son encontre l'arrêté de reconduite à la frontière litigieux ; qu'il ressort des pièces du dossier que par avis du 2 décembre 2004 et du 30 janvier 2006, le médecin inspecteur de santé publique a estimé que le défaut de prise en charge de M. X ne devrait pas entraîner des conséquences d'un exceptionnelle gravité sur son état de santé et que l'intéressé pourrait bénéficier d'un traitement disponible dans son pays d'origine ; que M. X n'établit pas qu'il subirait des conséquences sur sa santé d'une exceptionnelle gravité s'il rentrait dans son pays, ni qu'il ne pourrait y recevoir un traitement approprié ; qu'ainsi, le PREFET DE L'EURE a pu ordonner la reconduite à la frontière de M. X sans méconnaître les dispositions précitées ;

Considérant en outre, que M. X indique qu'il est parfaitement intégré dans la société française et que, présent en France depuis plusieurs années, il bénéficie d'un contrat de travail à durée indéterminée et n'a plus aucune attache au Sénégal ; qu' il ne ressort pas des pièces du dossier que, eu égard aux conditions dans lesquelles M. X, célibataire et âgé de 29 ans à la date de l'arrêté attaqué, a exercé son emploi alors qu'il a par ailleurs fait l'objet d'une condamnation pour mise en danger d'autrui en 2003, et n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où demeurent, selon ses propres déclarations, son enfant, sa mère et ses deux soeurs, le préfet en prenant l'arrêté attaqué ait commis une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. X ;

Considérant que, dans les termes où il est rédigé, l'arrêté du 6 mars 2006 décidant la reconduite à la frontière de M. X doit être regardé comme comportant une décision distincte par laquelle le PREFET DE L'EURE a décidé que l'intéressé serait éloigné à destination du Sénégal ; que si l'intéressé soutient qu'il court des risques personnels en cas de retour au Sénégal, il n'apporte pas d'élément de nature à établir la réalité des risques que comporterait pour lui son retour dans son pays d'origine ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination serait contraire aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et aux dispositions de l'article 27 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, reprises par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, doit être écarté ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE L'EURE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le vice-président délégué par le président du Tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 6 mars 2006 ordonnant la reconduite à la frontière de M. X et fixant le Sénégal comme pays de destination ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

Considérant que le présent arrêt qui rejette les conclusions de la demande de M. X, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que par suite, ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au PREFET DE L'EURE de lui délivrer un titre de séjour ne peuvent donc qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande M. X au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 17 mars 2006 du Tribunal administratif de Rouen est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Rouen et ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au PREFET DE L'EURE, à M. Ernest X et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.

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N°06DA00527


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 06DA00527
Date de la décision : 27/07/2006
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Helmholtz
Rapporteur ?: Mme Câm Vân (AC) Helmholtz
Rapporteur public ?: M. Le Goff
Avocat(s) : WOLDANSKI

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2006-07-27;06da00527 ?
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