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21/09/2006 | FRANCE | N°06DA00371

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation a 3 (bis), 21 septembre 2006, 06DA00371


Vu le recours, enregistré le 10 mars 2006 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présenté par le MINISTRE DE L'INTERIEUR ET DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE qui demande à la Cour :

11) d'annuler l'ordonnance nos 05-5749 et n° 05-5750 en date du 23 janvier 2006 par laquelle le président de la 5ème chambre du Tribunal administratif de Lille a, à la demande de M. Michel X et sur le fondement du 6° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, annulé les deux décisions par lesquelles il a retiré quatre et trois points au permis de conduire de l'intéress

consécutivement aux infractions commises respectivement les 15 ju...

Vu le recours, enregistré le 10 mars 2006 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présenté par le MINISTRE DE L'INTERIEUR ET DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE qui demande à la Cour :

11) d'annuler l'ordonnance nos 05-5749 et n° 05-5750 en date du 23 janvier 2006 par laquelle le président de la 5ème chambre du Tribunal administratif de Lille a, à la demande de M. Michel X et sur le fondement du 6° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, annulé les deux décisions par lesquelles il a retiré quatre et trois points au permis de conduire de l'intéressé consécutivement aux infractions commises respectivement les 15 juin 2002 et 6 juin 2004 et, par voie de conséquence, lui a enjoint de restituer sept points au permis de conduire de M. X dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'ordonnance, enfin, a mis à la charge de l'Etat la somme de 150 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de rejeter la demande ;

Il soutient que les requêtes de demande d'annulation des deux décisions ministérielles ne relèvent pas d'une série au sens du 6° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative ; que l'ordonnance est ainsi entachée d'une erreur de droit ; qu'il s'agit d'un contentieux où la production de pièces probantes est déterminante dans l'appréciation portée par le juge ; que la décision à rendre suppose nécessairement une nouvelle appréciation ou qualification des faits ; que le Tribunal a d'ailleurs jugé nécessaire de communiquer la requête à l'administration avec un délai pour produire ses observations ; que s'il s'agissait d'une série, cette formalité ne serait pas nécessaire et le juge pourrait statuer en dispensant la requête d'instruction ; que l'absence de démenti, quant à la communication de l'infraction prescrite par l'article L. 223-3 du code de la route lors de la constatation des infractions, telle que mentionnée dans le premier considérant de l'ordonnance attaquée, n'emporte pas de conséquences sur la légalité de ces décisions ; qu'à titre principal, les demandes de première instance doivent être rejetées comme irrecevables, d'une part, pour non-production des décisions attaquées en méconnaissance des dispositions de l'article R. 412-1 du code de justice administrative et, d'autre part, pour tardiveté, compte tenu du fait que la notification des deux décisions de retrait à la dernière adresse connue par l'administration doit être réputée régulièrement faite ; qu'à titre subsidiaire, sur le fond, M. X alléguait n'avoir pas reçu l'information préalable prévue par les articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route lors des retraits de points opérés sur son permis de conduire ; qu'en l'espèce, les décisions ministérielles de retrait ont été portées systématiquement à la connaissance du contrevenant par envoi d'une lettre simple modèle n° 48, expédiées à l'adresse qui a été relevée auprès du conducteur lors de l'établissement des procès-verbaux d'infraction ; que les infractions du 15 juin 2002 et du

6 juin 2004 ont fait l'objet de procès-verbaux de contravention mentionnant la perte de points ; qu'en tout état de cause, la preuve de l'accomplissement de la formalité, exigée par les dispositions des articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route, est rapportée par l'administration ;

Vu l'ordonnance en date du 29 mars 2006 portant clôture de l'instruction au 30 juin 2006 ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 22 juin 2006, présenté pour M. Michel X, demeurant ..., par Me Denecker, avocat, qui conclut au rejet du recours et à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; M. X fait valoir que le ministre se limite à des généralités sans apporter la preuve des circonstances, des conditions et du contenu des informations qui lui ont été délivrées ; que, s'agissant de l'infraction du 15 juin 2002, si le procès-verbal versé au dossier, établi dans le cadre d'une procédure d'enquête préliminaire, fait mention de la perte de points, il ne contient aucune mention relative à l'existence d'un système automatisé de retrait, à la faculté de reconstitution du capital de points et à la possibilité pour le contrevenant d'accéder aux informations le concernant ; qu'il a toujours affirmé n'avoir reçu aucun imprimé de type CERFA ; que, s'agissant de l'infraction du 6 juin 2004, la copie du document, établi par les agents verbalisateurs sur place, ne comporte pas l'ensemble des informations prescrites par les articles L. 223-1, L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route ;

Vu la mesure supplémentaire d'instruction diligentée par la Cour le 10 juillet 2006 ;

Vu le mémoire, enregistré le 17 juillet 2006, présenté pour M. X en réponse à la mesure d'instruction susvisée ;

Vu l'ordonnance en date du 18 juillet 2006 portant réouverture de l'instruction ;

Vu l'ordonnance attaquée ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de procédure pénale ;

Vu le code de la route et notamment les articles L. 223-1 et R. 223-1 et suivants ;

Vu l'arrêté du 5 octobre 1999 relatif aux formulaires utilisés pour la constatation et le paiement des contraventions soumises à la procédure de l'amende forfaitaire ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 septembre 2006 à laquelle siégeaient Mme Christiane Tricot, président de chambre, M. Olivier Yeznikian, président-assesseur et Mme Agnès Eliot, premier conseiller :

- le rapport de M. Olivier Yeznikian, président-assesseur,

- et les conclusions de M. Jacques Lepers, commissaire du gouvernement ;

Considérant que le MINISTRE DE L'INTERIEUR ET DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE relève appel de l'ordonnance, en date du 23 janvier 2006, par laquelle le président de la 5ème chambre du Tribunal administratif de Lille a, sur le fondement du 6° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, annulé les décisions de retrait de quatre et trois points du permis de conduire de M. Michel X à la suite des infractions commises respectivement les 15 juin 2002 et 6 juin 2004 ;

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

Considérant que l'article L. 3 du code de justice administrative dispose que : « Les jugements sont rendus en formation collégiale, sauf s'il en est autrement disposé par la loi » ; que l'article

L. 222-1 du même code dispose que : « Les jugements des tribunaux administratifs (…) sont rendus par des formations collégiales, sous réserve des exceptions tenant à l'objet du litige ou à la nature des questions à juger » ; et qu'aux termes de l'article R. 222-1 du même code, dans sa rédaction alors applicable issue du décret n° 2005-911 du 28 juillet 2005 entré en vigueur le 1er septembre 2005 : « (…) les présidents de formation de jugement des tribunaux (…) peuvent, par ordonnance : (…)

6° Statuer sur les requêtes relevant d'une série, qui, sans appeler de nouvelle appréciation ou qualification de faits, présentent à juger en droit, pour la juridiction saisie, des questions identiques à celles qu'elle a déjà tranchées ensemble par une même décision passée en force de chose jugée ou à celles tranchées ensemble par une même décision du Conseil d'Etat statuant au contentieux ou examinées ensemble par un même avis rendu par le Conseil d'Etat en application de l'article

L. 113-1 » ;

Considérant que le président de la 5ème chambre du Tribunal administratif de Lille, parce que les demandes dont il était saisi soulevaient les mêmes moyens que ceux retenus par ce Tribunal dans un jugement passé en force de chose jugée, visé par l'ordonnance attaquée, a fait application des dispositions du 6° de l'article R. 222-1 précité ; que, pour critiquer la mise en oeuvre de ces dispositions, le MINISTRE DE L'INTERIEUR ET DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE se borne à faire valoir que les requêtes contestant la perte de points ne peuvent relever d'une série dès lors qu'elles ne peuvent faire l'objet de la dispense d'instruction prévue par l'article R. 611-8 du code de justice administrative et qu'elles impliquent, pour chaque affaire, une appréciation ou qualification juridique nouvelle des faits ; que la circonstance qu'au vu de la requête, la solution de l'affaire n'apparaisse pas d'ores et déjà certaine mais nécessite un débat contradictoire entre les parties, ne fait pas, par elle-même, obstacle à la mise en oeuvre du 6° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative ; qu'il ressort, par ailleurs, de l'examen de l'ordonnance attaquée que le premier juge n'a pas procédé à une appréciation ou qualification nouvelle des faits mais s'est borné à constater, à la lumière des éléments fournis par les parties, que les faits de l'espèce conduisaient à retenir une solution identique à celle du jugement visé par ordonnance ; que, par suite, le MINISTRE DE L'INTERIEUR ET DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE n'est pas fondé à soutenir que le vice-président du Tribunal administratif de Lille aurait entaché son ordonnance d'irrégularité en faisant application des dispositions du 6° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre :

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article R. 412-1 du code de justice administrative : « La requête doit, à peine d'irrecevabilité, être accompagnée, sauf impossibilité justifiée, de la décision attaquée (...) » ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que les deux décisions de retrait de quatre et trois points correspondant respectivement aux infractions commises par

M. X les 16 juin 2002 et 6 juin 2004 et dont l'administration ne conteste pas l'existence, auraient été notifiées à l'intéressé ; que, par suite, le ministre ne saurait opposer à M. X une fin de non-recevoir tirée de ce qu'il n'a pas joint à ses demandes de première instance la copie desdites décisions ;

Considérant, d'autre part, qu'en vertu du dernier alinéa de l'article L. 223-3 du code de la route, le retrait de points est porté à la connaissance de l'intéressé par lettre simple quand il est effectif ; que la procédure de notification au conducteur a pour objet de faire courir le délai dont dispose le contrevenant pour en contester la légalité devant la juridiction administrative ; que l'administration ne rapportant pas la preuve qui lui incombe d'une telle notification, le MINISTRE DE L'INTERIEUR ET DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE n'est pas fondé à opposer une fin de non-recevoir tirée de la tardiveté des demandes de première instance ;

Sur la légalité des deux décisions ministérielles de retrait de points :

Considérant qu'il résulte des dispositions du code de la route relatives au permis à points que l'administration ne peut légalement prendre une décision retirant des points affectés à un permis de conduire, à la suite d'une infraction dont la réalité a été établie, que si l'auteur de l'infraction s'est vu préalablement délivrer par elle un document contenant les informations prévues aux articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route, qui constituent une garantie essentielle lui permettant de contester la réalité de l'infraction et d'en mesurer les conséquences sur la validité de son permis ; qu'il appartient à l'administration d'apporter la preuve, par tous moyens, qu'elle a satisfait à cette obligation préalable d'information ; que les dispositions de l'article 537 du code de procédure pénale, selon lesquelles les procès-verbaux établis par les officiers ou agents de police judiciaire font foi jusqu'à preuve contraire, ne trouvent à s'appliquer qu'en ce qui concerne la constatation des faits constitutifs des infractions ; qu'elles ne s'appliquent pas à la mention portée sur ces procès-verbaux selon laquelle le contrevenant a reçu l'information prévue par les articles précités du code de la route ;

Considérant que, pour procéder à l'annulation des deux décisions de retrait de points, le premier juge a constaté un défaut d'information du contrevenant lors de la constatation des deux infractions commises par M. X les 15 juin 2002 et 6 juin 2004 ;

Considérant que, pour l'infraction commise le 15 juin 2002, il résulte des document produits par l'administration, pour la première fois en appel, que M. X a signé le procès-verbal destiné notamment au procureur de la République constatant l'excès de vitesse commis le même jour et sur lequel figure la mention imprimée : « Je reçois l'imprimé CERFA 90-0204 m'informant d'un retrait de quatre points » ; que ce formulaire CERFA n° 90-0204 contenant l'ensemble des informations exigées par les dispositions des articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route susvisés, lesquelles ne comportent pas celle d'informer le contrevenant de la faculté qui lui est offerte de reconstituer son capital de points, l'administration doit être regardée comme rapportant la preuve qu'elle a satisfait à cette obligation d'information préalable alors même que M. X conteste avoir reçu tout type d'imprimé CERFA ; qu'en revanche, en ce qui concerne l'infraction commise le 6 juin 2004, le ministre, en se bornant à produire la copie du feuillet n° 5 du carnet de déclarations, signé par M. X, qui fait seulement état de la perte de trois points de son titre de conduite, ne démontre pas que le contrevenant a été informé de l'existence d'un traitement automatisé des points et de la faculté pour lui d'exercer son droit d'accès ; que, dès lors, le ministre, n'apporte pas la preuve que M. X aurait obtenu l'ensemble des informations prévues par les dispositions des articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route ;

Considérant que, par suite, le MINISTRE DE L'INTERIEUR ET DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le président de la 5ème chambre du Tribunal administratif de Lille a retenu le motif analysé ci-dessus pour annuler sa décision de retrait de quatre points consécutive à l'infraction commise le 15 juin 2002 ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de cette partie du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen soulevé par M. X devant le tribunal administratif contre la décision ministérielle de retrait de quatre points ;

Considérant que les modalités de notification au conducteur des retraits de points de son permis de conduire ne conditionnent pas la régularité de la procédure suivie et partant la légalité de ces retraits ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DE L'INTERIEUR ET DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le président de la 5ème chambre du Tribunal administratif de Lille a annulé sa décision de retrait de points consécutive à l'infraction commise le 15 juin 2002 et lui a enjoint de restituer ce nombre de points ; qu'en revanche, il n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par la même ordonnance, le président de la 5ème chambre a annulé sa décision de retrait de points consécutive à l'infraction commise le 6 juin 2004, et lui a enjoint de restituer le nombre de points correspondant ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à verser à M. X la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'ordonnance nos 05-5749 et 05-5750, en date du 27 janvier 2006, du président de la 5ème chambre du Tribunal administratif de Lille est annulée en tant qu'elle annule la décision ministérielle de retrait de quatre points consécutive à l'infraction commise le 15 juin 2002 par

M. X et en tant qu'elle a enjoint au MINISTRE DE L'INTERIEUR ET DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE de rétablir ces quatre points au capital des points de son titre de conduite.

Article 2 : La demande de M. X devant le Tribunal administratif de Lille tendant à l'annulation de la décision ministérielle de retrait de quatre points consécutivement à l'infraction commise le 15 juin 2002 est rejetée.

Article 3 : Le surplus des conclusions du MINISTRE DE L'INTERIEUR ET DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE est rejeté.

Article 4 : Les conclusions présentées par M. X au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DE L'INTERIEUR ET DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE et à M. Michel X.

2

N°06DA00371


Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : Mme Tricot
Rapporteur ?: M. Olivier (AC) Yeznikian
Rapporteur public ?: M. Lepers
Avocat(s) : DENECKER

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation a 3 (bis)
Date de la décision : 21/09/2006
Date de l'import : 04/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 06DA00371
Numéro NOR : CETATEXT000007605976 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2006-09-21;06da00371 ?
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