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27/09/2006 | FRANCE | N°05DA01199

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation a 3, 27 septembre 2006, 05DA01199


Vu la requête enregistrée 14 septembre 2005 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. Philippe X, demeurant ..., par le cabinet d'avocats C. Wacquet ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0400710 en date du 30 juin 2005 par lequel le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 2 septembre 2003 par laquelle l'inspecteur du travail a accordé à la société Le Courrier Picard l'autorisation de le licencier pour faute, ensemble la décision du ministre des affaires sociales, d

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Vu la requête enregistrée 14 septembre 2005 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. Philippe X, demeurant ..., par le cabinet d'avocats C. Wacquet ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0400710 en date du 30 juin 2005 par lequel le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 2 septembre 2003 par laquelle l'inspecteur du travail a accordé à la société Le Courrier Picard l'autorisation de le licencier pour faute, ensemble la décision du ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité en date du 23 janvier 2004 rejetant son recours hiérarchique ;

2°) d'annuler lesdites décisions pour excès de pouvoir ;

Il soutient que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la circonstance que l'extrait du procès-verbal de la réunion du comité d'entreprise, joint à la demande d'autorisation de licenciement adressée à l'inspecteur du travail, était sans incidence sur la légalité de la décision en litige au regard des dispositions des articles R. 412-5 et R. 434-1 du code du travail ; que la procédure de licenciement est entachée d'illégalité du fait de l'absence de notification de la décision de l'inspecteur du travail à l'organisation syndicale à laquelle il appartenait ; que le mode de preuve mis en oeuvre par la société pour établir qu'il avait consulté des sites pédophiles est illicite ; que la simple consultation de sites pédophiles ne peut être considérée comme ayant causé un trouble dans l'entreprise dès lors qu'elle a été réalisée dans un contexte journalistique et pour les seuls besoins de sa profession ; que contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, cette simple consultation de sites ne pouvait être considérée comme ayant causé un trouble sérieux dans l'entreprise et que ne pouvait être prise en compte une pétition rédigée à son encontre ; que l'inspecteur du travail et le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité ont, en prenant leur décision en litige, commis une erreur manifeste d'appréciation ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu l'ordonnance en date du 28 septembre 2005 portant clôture de l'instruction au 16 décembre 2005 ;

Vu le mémoire, enregistré le 16 décembre 2005, présenté pour la société Le Courrier Picard, par la SCP Savreux-Favre et associés, société d'avocats ; elle conclut au rejet de la requête et à la condamnation de M. X à lui verser une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient que l'extrait du procès-verbal de réunion du comité d'entreprise contenait des informations suffisantes au regard des dispositions réglementaires dès lors qu'il précisait clairement l'objet de la réunion ainsi que le sens et les conditions d'intervention du vote ; que la circonstance que l'inspecteur du travail n'ait pas notifié sa décision à l'organisation syndicale à laquelle appartenait M. X est sans incidence sur la légalité de celle-ci ; que contrairement à ce que soutient le requérant, la consultation des sites à caractère pédophile a été découverte à l'occasion d'une opération de recherche d'un dysfonctionnement du réseau ; que ce n'est que dans ces conditions qu'a été mise en place une procédure de surveillance du réseau à l'aide d'un utilitaire de télémaintenance ; que les faits qui sont reprochés à l'intéressé lui ont valu d'être condamné par un jugement du Tribunal correctionnel d'Amiens du 26 octobre 2004 qui est devenu définitif ; que contrairement à ce que soutient M. X, son comportement a provoqué un trouble considérable au sein de la société ;

Vu l'ordonnance en date du 20 décembre 2005 portant report de la clôture d'instruction au 20 janvier 2006 ;

Vu l'ordonnance en date du 23 janvier 2006 portant report de la clôture d'instruction au 23 février 2006 ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 16 février 2006 présenté pour M. X par lequel il conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ; il demande, en outre, la condamnation de la société Le Courrier Picard à lui verser une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu l'ordonnance en date du 28 février 2006 portant report de la clôture d'instruction au 28 mars 2006 ;

Vu l'examen des pièces desquelles il résulte que la requête a été communiquée au ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement qui n'a pas produit de mémoire en défense ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 septembre 2006 à laquelle siégeaient M. Alain Dupouy, président, MM. Alain de Pontonx et Jean-Eric Soyez, premiers conseillers :

- le rapport de M. Alain Dupouy, président ;

- les observations de Me Bibard, avocat, pour M. X et de Me Diboundje, avocat, pour le Courrier Picard ;

- et les conclusions de M. Pierre Le Garzic, commissaire du gouvernement ;

Considérant que la société Le Courrier Picard a demandé à l'inspecteur du travail, le 4 août 2003, l'autorisation de licencier pour faute M. X, salarié protégé ; que par une décision en date du 2 septembre 2003, l'inspecteur du travail, après avoir constaté l'absence de lien entre les mandats détenus par ledit salarié et la mesure de licenciement envisagée, a accordé cette autorisation aux motifs, notamment, que M. X consultait des sites pédophiles pendant son temps de travail et que la découverte de ces faits a généré un émoi certain au sein de la société ; que par une décision en date du 23 janvier 2004, le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité a rejeté le recours hiérarchique formé par l'intéressé et confirmé l'autorisation de licenciement accordée ; que M. X relève appel du jugement du 30 juin 2005 par lequel le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande dirigée contre les décisions des 2 septembre 2003 et 23 janvier 2004 ;

Sur la légalité des décisions des 2 septembre 2003 et 23 janvier 2004 :

En ce qui concerne la légalité externe :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 412-5 du Code du travail : « La demande de licenciement d'un délégué syndical mentionnée à l'article L. 412-18, est adressée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception à l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement où est employé le délégué syndical. Cette demande énonce les motifs du licenciement envisagé. Elle est accompagnée du procès verbal de la réunion du comité d'entreprise lorsque le délégué syndical bénéficie de la protection prévue à l'article L. 425-1 ou à l'article L. 436-1 ; sauf en cas de mise à pied, la demande est adressée à l'inspecteur du travail au plus tard dans les quinze jours suivant la date à laquelle a été émis l'avis du comité d'entreprise », et qu'aux termes de l'article R. 434-1 du même code : « Les délibérations des comités d'entreprises sont consignées dans des procès verbaux établis par le secrétaire et communiqués au chef d'entreprise et aux membres du comité » ;

Considérant, en premier lieu, que la seule circonstance que la demande d'autorisation de licenciement, adressée à l'inspecteur du travail, n'était accompagnée que d'un extrait du procès verbal de la réunion du comité d'entreprise mentionnant le nom et les mandats de M. X, l'ordre du jour de la réunion et l'avis émis par celui-ci, n'est pas de nature à entacher d'illégalité la décision d'autorisation en litige dès lors que cet extrait contenait des informations suffisantes pour permettre à l'inspecteur du travail de mener à bien, ultérieurement et en toute connaissance de cause, une procédure contradictoire approfondie avant de prendre sa décision ;

Considérant, en second lieu, qu'en vertu de l'article R. 436-4 du code du travail, la décision de l'inspecteur du travail est notifiée à l'employeur et au salarié et lorsqu'il s'agit d'un délégué syndical, à l'organisation syndicale concernée ; qu'en l'espèce, si l'inspecteur du travail a omis de notifier sa décision à l'organisation syndicale à laquelle appartenait M. X, cette omission est sans influence sur la légalité de la décision de l'inspecteur du travail ; que le moyen tiré de la violation des dispositions précitées doit ainsi être écarté ;

En ce qui concerne la légalité interne :

Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que le licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ;

Considérant, en premier lieu, que l'employeur a le droit de contrôler et de surveiller l'activité de ses salariés pendant le temps de travail ; que seul l'emploi de procédés clandestins de surveillance est illicite ; qu'il ressort des pièces du dossier que les faits qui sont reprochés à M. X ont été découverts de façon fortuite, à la suite d'un incident technique sur le réseau informatique de la société nécessitant l'installation d'un logiciel de télémaintenance pour déterminer l'origine de ce dysfonctionnement ; que ces moyens ne peuvent être regardés, contrairement à ce qui est soutenu par l'intéressé, comme constituant un procédé clandestin de surveillance nécessitant l'information préalable du salarié ;

Considérant, en second lieu, qu'il ressort des pièces du dossier, et sans que cela soit sérieusement contesté par M. X, que celui-ci a, à plusieurs reprises et de manière régulière, consulté des sites à caractère pédophile sur son lieu de travail et téléchargé des photographies de mineurs ; que si l'intéressé prétend les avoir consultés dans un contexte journalistique et pour les seuls besoins de sa profession, il ne l'établit pas par ses seules allégations à l'appui desquelles il n'apporte aucun élément ; qu'en tout état de cause, il ressort des pièces du dossier que la direction n'avait pas autorisé et ignorait son « projet journalistique » ; que ces faits sont établis et constituent une faute d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement de M. X ; que par suite, l'inspecteur du travail et le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, en accordant à la société Le Courrier Picard l'autorisation de licencier M. X, ne peuvent être regardés comme ayant entaché leurs décisions d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que l'article L. 761-1 du code de justice administrative dispose que : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation » ;

Considérant, d'une part, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la société Le Courrier Picard qui n'est pas, dans la présente instance, partie perdante soit condamnée à payer à M. X la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

Considérant, d'autre part, qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de M. X, partie perdante, le paiement à la société Le Courrier Picard d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. X est rejetée.

Article 2 : M. X versera à la société Le Courrier Picard une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Philippe X, au ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement et à la société Le Courrier Picard.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 05DA01199
Date de la décision : 27/09/2006
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Dupouy
Rapporteur ?: M. Alain Dupouy
Rapporteur public ?: M. Le Garzic
Avocat(s) : CABINET C. WACQUET

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2006-09-27;05da01199 ?
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