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03/10/2006 | FRANCE | N°05DA00277

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation a 3 (bis), 03 octobre 2006, 05DA00277


Vu la requête, enregistrée le 9 mars 2005 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour Mme A... , demeurant ..., par Me B... ; Mme demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0200890 en date du 30 novembre 2004 par lequel le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à ce que le centre hospitalier universitaire d'Amiens soit condamné à l'indemniser des préjudices subis à la suite d'une intervention effectuée dans cet établissement le 22 novembre 1995 ;

2°) à titre principal, de condamner le centre hospitalier universi

taire d'Amiens à lui verser la somme de 9 146,94 euros avec intérêts à compt...

Vu la requête, enregistrée le 9 mars 2005 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour Mme A... , demeurant ..., par Me B... ; Mme demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0200890 en date du 30 novembre 2004 par lequel le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à ce que le centre hospitalier universitaire d'Amiens soit condamné à l'indemniser des préjudices subis à la suite d'une intervention effectuée dans cet établissement le 22 novembre 1995 ;

2°) à titre principal, de condamner le centre hospitalier universitaire d'Amiens à lui verser la somme de 9 146,94 euros avec intérêts à compter du 25 mars 2002, à titre subsidiaire, d'ordonner une contre-expertise ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire d'Amiens la somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que le Tribunal s'est contenté d'entériner le rapport d'expertise judiciaire ; que le caractère fautif de l'acte apparaît, au contraire, incontestable ; que c'est bien un défaut d'adresse et de précautions qui est à l'origine du dommage ; que l'exposante a expressément chiffré sa réclamation à la somme de 9 146,94 euros ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 11 avril 2005, présenté pour la caisse primaire d'assurance maladie de la Somme, dont le siège est ..., par

Me Y... ; la caisse primaire d'assurance maladie de la Somme conclut à la condamnation du centre hospitalier d'Amiens à lui verser la somme de 7 626,43 euros avec intérêts au taux légal sur la somme de 3 071,19 euros à compter du 22 juillet 2002 et intérêts au taux légal pour le surplus à compter du 16 juillet 2004 ainsi que la somme de 760 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient qu'elle a exposé au bénéfice de Mme des débours d'un montant de 7 626,43 euros ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 4 mai 2005, présenté pour le centre hospitalier universitaire d'Amiens, dont le siège est ..., par la

SCP Montigny et Doyen ; le centre hospitalier conclut, à titre principal, au rejet de la requête et, à titre subsidiaire, au cas où la Cour retiendrait sa responsabilité, à la réduction en de notables proportions du quantum des préjudices sollicités par Mme ainsi qu'à la condamnation de Mme à lui verser la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; il soutient que les dispositions de la loi du 4 mars 2002 ne peuvent recevoir application ; que l'expert ne remet pas en cause la préconisation de l'intervention chirurgicale pratiquée ; qu'aucune faute n'a été commise par l'hôpital et que la lésion du nerf fémoro-cutané est une complication prévisible de la réintervention, cette complication n'étant pas exceptionnelle ; que les séquelles présentées par Mme ne peuvent être regardées comme sans rapport avec son état initial ou l'évolution prévisible de cet état ; que Mme a reçu une information complète aussi bien préopératoire que postopératoire ; qu'elle ne peut soutenir ne pas avoir reçu cette information ; que l'intervention chirurgicale qui était impérative n'a jamais été contestée ; que Mme ne saurait prétendre qu'elle n'aurait pas subi l'opération si elle avait été régulièrement avisée de la situation ; qu'il n'existe aucun lien de causalité dûment établi entre l'affection de Mme et l'intervention pratiquée ; que la demande de

contre-expertise est totalement fantaisiste ; que, subsidiairement, la fixation et l'indemnisation des préjudices sollicitées par la requérante devra prendre en considération cette ossification qui n'est imputable à aucun des gestes chirurgicaux réalisés ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 9 juin 2005, présenté pour Mme , qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 septembre 2006 à laquelle siégeaient Mme Câm Vân Helmholtz, président de chambre, M. Olivier Z... et

M. Christian Bauzerand, premiers conseillers :

- le rapport de M. Christian Bauzerand, premier conseiller ;

- les observations de Me B..., pour Mme , et de Me X..., pour le centre hospitalier universitaire d'Amiens ;

- et les conclusions de M. C... Le Goff, commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté la demande de Mme tendant à ce que le centre hospitalier universitaire d'Amiens soit déclaré responsable des conséquences de l'intervention qu'elle a subie dans cet établissement le

22 novembre 1995 pour ablation de la calcification iliaque résultant de l'arthroplastie réalisée en 1991 pour remédier à une destruction articulaire ; que Mme relève appel de ce jugement ;

Sur la responsabilité :

Considérant que Mme a été opérée en 1991 au niveau du gros orteil gauche pour un hallux rigidus par implantation d'une prothèse ; qu'en raison de douleurs au niveau de son orteil opéré, elle a été admise au centre hospitalier universitaire d'Amiens du 14 au 18 mars 1995 pour une réintervention ; qu'une destruction articulaire a été diagnostiquée nécessitant l'interposition d'un greffon iliaque prélevé au niveau de la crête iliaque gauche ; que, dans les mois qui ont suivi, Mme a développé une calcification exubérante importante dans la zone de prélèvement du greffon à l'origine de douleurs à type de névrome ; que Mme a subi une nouvelle intervention chirurgicale le 23 novembre 1995 pour ablation de la calcification iliaque ; qu'en raison de la persistance des douleurs, Mme a été à nouveau opérée le 27 septembre 1996 pour ablation de l'ossification et intervention sur le nerf fémoro-cutané comprimé par la masse osseuse qui avait continué à se développer ; que Mme fait valoir, qu'en dépit de cette dernière intervention, elle continue à souffrir de douleurs à type de névrome ;

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expert que l'origine de l'état actuel de Mme est liée à une lésion du nerf

fémoro-cutané comprimé par l'ossification survenue au cours de l'ablation partielle de l'ossification intervenue lors de l'opération du 23 novembre 1995 ; que cette lésion doit être considérée comme une complication non fautive de la réintervention ;

Considérant, en second lieu, que lorsque l'acte médical envisagé, même accompli conformément aux règles de l'art, comporte des risques connus de décès ou d'invalidité, le patient doit en être informé dans des conditions qui permettent d'établir son consentement éclairé ; qu'il appartient au centre hospitalier d'apporter par tous moyens la preuve de cette information ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la lésion du nerf fémoro-cutané est une complication connue et non exceptionnelle de ce type d'intervention du fait de la fibrose opératoire et des difficultés de dissection ; que des risques de cette nature, qui sont en relation avec l'intervention chirurgicale, doivent être portés à la connaissance du patient ; que le centre hospitalier ne démontre pas que Mme n'a pas été informée des risques inhérents à l'intervention proprement dite ; que, par suite, ce manquement à l'obligation d'information, alors que le degré d'urgence ne faisait pas obstacle à ce que celle-ci soit délivrée, a constitué une faute de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier universitaire d'Amiens ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif d'Amiens n'a pas reconnu la responsabilité du centre hospitalier universitaire d'Amiens ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme ;

Sur l'évaluation du préjudice :

Considérant qu'il ressort de l'instruction que les frais médicaux et pharmaceutiques servis par la caisse primaire d'assurance maladie de la Somme se sont élevés à la somme de 1 745,28 euros ; que la caisse ne peut cependant prétendre, eu égard au relevé qu'elle produit, au remboursement du capital et des arrérages échus de la pension d'invalidité sans lien de causalité avec l'affection litigieuse ; qu'en l'absence de justification d'exercice d'une activité rémunérée, la demande de

Mme au titre de l'incapacité temporaire totale fixée par l'expert à un mois devra être rejetée ; qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice correspondant à une incapacité permanente partielle de 5 % en le fixant à la somme de 1 000 euros ; que l'ensemble du préjudice correspondant à l'atteinte à l'intégrité physique de Mme s'élève ainsi à la somme de 2 750,28 euros ;

Considérant qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice correspondant aux souffrances physiques de Mme évaluées à 3/7 et à un préjudice esthétique évalué à 0,5/7 en les fixant à la somme de 3 000 euros ;

Considérant que la réparation du préjudice résultant pour Mme de la perte de chance de se soustraire au risque dont elle n'a pas été informée et qui s'est réalisé doit être fixée à une fraction des différents chefs de préjudice subis ; que, compte tenu du rapprochement entre, d'une part, les risques inhérents à l'intervention et, d'autre part, les risques encourus par la patiente en cas de renonciation à celle-ci, cette fraction doit être fixée à 25 % ; qu'ainsi, il sera fait une juste appréciation en fixant l'indemnité réparant le préjudice à 687,57 euros pour ce qui est de l'atteinte à l'intégrité physique et à 750 euros pour les autres dommages ;

Sur les droits de la caisse primaire d'assurance maladie de la Somme :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 376-1 du code de sécurité sociale : « Lorsque, sans entrer dans les cas régis par les dispositions législatives applicables aux accidents du travail, la lésion dont l'assuré social ou son ayant-droit est atteint est imputable à un tiers, l'assuré ou ses ayants-droit conserve contre l'auteur de l'accident le droit de demander la réparation du préjudice causé, conformément aux règles du droit commun, dans la mesure où ce préjudice n'est pas réparé par application du présent livre … Si la responsabilité du tiers est entière ou si elle est partagée avec la victime, la caisse est admise à poursuivre le remboursement des prestations mises à sa charge à due concurrence de la part d'indemnité mise à la charge du tiers qui répare l'atteinte à l'intégrité physique de la victime, à l'exclusion de la part d'indemnité, de caractère personnel, correspondant aux souffrances physiques ou morales par elle endurées et au préjudice esthétique et d'agrément… » ;

Considérant que, compte tenu des dispositions susrappelées de l'article L. 376-1 du code sécurité sociale, la caisse ne peut poursuivre le remboursement de ses prestations qu'à due concurrence de la part de l'indemnité mise à la charge du centre hospitalier ; que le recours des caisses s'exerce sur les sommes allouées à la victime en réparation de la perte de chance d'éviter un préjudice corporel, la part d'indemnité personnelle étant seule exclue de ce recours ; que la caisse primaire d'assurance maladie de la Somme justifie du versement d'une somme de 1 745,28 euros correspondant aux prestations versées à la victime ; que, cependant, le total de ces sommes excédant le montant de la part d'indemnité réparant l'atteinte à l'intégrité physique, fixé à 687,57 euros, il y a lieu de fixer à due proportion de ce montant par rapport au montant total des créances de sécurité sociale, l'indemnité due à la caisse ; qu'il y a lieu de condamner le centre hospitalier universitaire d'Amiens à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de la Somme la somme de 687,57 euros ;

Sur les droits de Mme :

Considérant que Mme a droit à une indemnité de 750 euros au titre de la perte de chance, calculée ainsi qu'il a été dit ci-dessus ;

Sur les intérêts :

Considérant que la caisse primaire d'assurance maladie de la Somme a droit aux intérêts qu'elle réclame à compter du 22 juillet 2002, date de sa première demande, sur la somme de

687,57 euros ;

Sur les frais d'expertise exposés en première instance :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'affaire, de mettre ces frais, taxés et liquidés à la somme de 762,25 euros, à la charge du centre hospitalier universitaire d'Amiens ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise sollicitée, que Mme est fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, font obstacle à ce que Mme , qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, verse au centre hospitalier universitaire d'Amiens la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il y lieu, en revanche, de faire application des mêmes dispositions, et de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire d'Amiens une somme de

800 euros au titre des frais exposés par Mme et non compris dans les dépens et de

760 euros au titre des frais exposés par la caisse primaire d'assurance maladie de la Somme ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0200890 en date du 30 novembre 2004 du Tribunal administratif d'Amiens est annulé.

Article 2 : Le centre hospitalier universitaire d'Amiens est condamné à verser la somme de 750 euros à Mme A... .

Article 3 : Le centre hospitalier universitaire d'Amiens est condamné à verser la somme de 687,57 euros à la caisse primaire d'assurance maladie de la Somme avec intérêts à compter du

22 juillet 2002.

Article 4 : Les frais d'expertise de première instance taxés et liquidés à la somme de

762,25 euros sont mis à la charge du centre hospitalier universitaire d'Amiens.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme est rejeté.

Article 6 : Le surplus des conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de la Somme est rejeté.

Article 7 : Le centre hospitalier universitaire d'Amiens versera à Mme A... une somme de 800 euros et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Somme une somme de

760 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... , à la caisse primaire d'assurance maladie de la Somme et au centre hospitalier universitaire d'Amiens.

N°05DA00277 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation a 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 05DA00277
Date de la décision : 03/10/2006
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme Helmholtz
Rapporteur ?: M. Christian Bauzerand
Rapporteur public ?: M. Le Goff
Avocat(s) : GUNDERMANN

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2006-10-03;05da00277 ?
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