La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/10/2006 | FRANCE | N°05DA00938

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation a 3 (bis), 03 octobre 2006, 05DA00938


Vu la requête enregistrée le 26 juillet 2005 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai et confirmée par mémoire du 31 août 2005, présentés pour M. X... , demeurant ..., par Me Z... ; M. demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0202045 en date du 30 juin 2005 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté la demande de Mme B... tendant à ce que le centre hospitalier régional universitaire de Rouen soit condamné à lui verser la somme de 37 250 euros en réparation du préjudice subi par sa chute au service des urgences le 13 décembre 1999 ;
r>2°) de condamner le centre hospitalier régional universitaire de Rouen à lu...

Vu la requête enregistrée le 26 juillet 2005 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai et confirmée par mémoire du 31 août 2005, présentés pour M. X... , demeurant ..., par Me Z... ; M. demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0202045 en date du 30 juin 2005 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté la demande de Mme B... tendant à ce que le centre hospitalier régional universitaire de Rouen soit condamné à lui verser la somme de 37 250 euros en réparation du préjudice subi par sa chute au service des urgences le 13 décembre 1999 ;

2°) de condamner le centre hospitalier régional universitaire de Rouen à lui verser la somme de 37 250 euros avec intérêts à compter de la demande préalable et capitalisation de droit ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier régional universitaire de Rouen la somme de

2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que le Tribunal n'a pas tenu compte des circonstances particulières de l'espèce et n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations ; que l'état de santé de

Mme et le caractère prévisible de son comportement justifiaient l'adoption de précautions particulières ; que ni l'hôpital ni le Tribunal n'ont évoqué une faute exonératoire de la part de Mme ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 14 novembre 2005, présenté pour la caisse primaire d'assurance maladie de l'Eure, dont le siège est 1 bis place Saint Taurin à Evreux (27030), par Me A... ; la caisse conclut à la condamnation du centre hospitalier régional universitaire de Rouen à lui verser la somme de 1 053 euros ainsi que la somme de 760 euros au titre de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale et la somme de 609,80 euros au titre des articles L. 8-1 et R. 222 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ; elle soutient qu'il est patent que Mme a été installée dans un lit d'urgence dont un côté n'était pas protégé et l'autre protégé par un garde-fou ; qu'il est constant que lorsqu'elle a agrippé le garde-fou, celui-ci s'est désolidarisé du lit et elle a chuté ; qu'il ne saurait donc y avoir aucune contestation de la part du centre hospitalier quant à l'engagement de sa responsabilité ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 22 mars 2006, présenté pour le centre hospitalier régional universitaire de Rouen, dont le siège est situé ..., par

Me Y... ; le centre hospitalier conclut au rejet de la requête ; il soutient que la simple survenance d'une chute d'un patient âgé ne permet pas de retenir de plein droit la responsabilité du centre hospitalier pour défaut de surveillance ; que la chute de Mme est intervenue dans des circonstances mal élucidées et que son témoignage sur les faits a varié au cours du temps ; que son état ne justifiait pas qu'il fut pris des mesures renforcées ; que les demandes indemnitaires devront être ramenées dans de plus justes proportions ; que les demandes de la caisse devront également être rejetées, le décompte des débours ne permettant pas de savoir s'il s'agit des frais exposés du fait de la seule fracture ou de l'accident vasculaire cérébral ; qu'il ne saurait non plus être fait droit à ses demandes au titre de l'indemnité de gestion et des frais irrépétibles, les deux textes ayant le même fondement ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 septembre 2006 à laquelle siégeaient Mme Câm Vân Helmholtz, président de chambre, M. Olivier C... et

M. Christian Bauzerand, premiers conseillers :

- le rapport de M. Christian Bauzerand, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Le Goff, commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rouen a rejeté la demande de Mme , reprise par M. , tendant à la condamnation du centre hospitalier régional universitaire de Rouen à réparer le préjudice subi à la suite de sa chute au service des urgences le 13 décembre 1999 ; que M. relève appel de ce jugement ;

Sur la responsabilité :

Considérant que Mme , alors âgée de 87 ans, a été admise au centre hospitalier régional universitaire de Rouen le 13 décembre 1999 à la suite d'un léger accident vasculaire cérébral ayant entraîné une hémiparésie gauche du visage et du bras ; qu'à défaut de place disponible dans le service de neurologie, elle a été placée dans le service des urgences ; que, le jour même, en voulant prendre sa robe de chambre, elle a fait une chute du lit sur lequel elle se trouvait, lui occasionnant une fracture de la clavicule ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expert que

Mme présentait à son arrivée à l'hôpital un état de santé nécessitant une attention particulière en raison de son grand âge, de sa morphologie et de l'affection paralysante qui justifiait son hospitalisation ; que si cet état, quoique préoccupant, ne justifiait pas une surveillance constante de la part du personnel hospitalier, il nécessitait en revanche des mesures particulières pour prévenir tout risque de chute et notamment la pose de barrières latérales de sécurité sur son lit ; qu'il est constant que le lit de Mme n'était muni de barreaux que d'un seul côté ; que, par suite, M. est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rouen a exonéré entièrement le centre hospitalier régional universitaire de Rouen de sa responsabilité ; qu'il y a donc lieu d'annuler le jugement du Tribunal administratif et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel ;

Sur l'évaluation du préjudice :

Considérant qu'il résulte de l'instruction et il n'est pas contesté que les frais médicaux, pharmaceutiques et d'appareillage servis par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Eure se sont élevés à la somme de 1 053 euros ; que Mme , retraitée, n'a pas subi de perte de revenus professionnels ; que, par suite, l'ensemble du préjudice correspondant à l'atteinte à l'intégrité physique de Mme s'élève à la somme de 1 053 euros ;

Considérant qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice de Mme correspondant aux douleurs notables durant une période de quelques semaines ainsi qu'aux troubles dans les conditions d'existence qu'elle a subis, le traumatisme ayant concouru à un syndrome de glissement et à la dégradation générale et rapide de son état de santé, en les fixant à la somme de

7 000 euros dont 3 000 euros au titre du pretium doloris ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préjudice global de Mme s'élève à la somme de 8 053 euros ;

Sur les droits de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Eure :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 376-1 du code de sécurité sociale : « Lorsque, sans entrer dans les cas régis par les dispositions législatives applicables aux accidents du travail, la lésion dont l'assuré social ou son ayant-droit est atteint est imputable à un tiers, l'assuré ou ses ayants-droit conserve contre l'auteur de l'accident le droit de demander la réparation du préjudice causé, conformément aux règles du droit commun, dans la mesure où ce préjudice n'est pas réparé par application du présent livre … Si la responsabilité du tiers est entière ou si elle est partagée avec la victime, la caisse est admise à poursuivre le remboursement des prestations mises à sa charge à due concurrence de la part d'indemnité mise à la charge du tiers qui répare l'atteinte à l'intégrité physique de la victime, à l'exclusion de la part d'indemnité, de caractère personnel, correspondant aux souffrances physiques ou morales par elle endurées et au préjudice esthétique et d'agrément… » ;

Considérant que compte tenu des dispositions susrappelées de l'article L. 376-1 du code de sécurité sociale, la caisse ne peut poursuivre le remboursement de ses prestations qu'à due concurrence de la part de l'indemnité mise à la charge du centre hospitalier ; que le recours des caisses s'exerce sur les sommes allouées à la victime en réparation de la perte de chance d'éviter un préjudice corporel, la part d'indemnité personnelle étant seule exclue de ce recours ; que la caisse primaire d'assurance maladie de l'Eure justifie du versement d'une somme de 1 053 euros correspondant aux prestations versées à la victime ; qu'il y a lieu de condamner le centre hospitalier régional universitaire de Rouen à lui verser cette somme ;

Sur les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Eure tendant au versement de l'indemnité forfaitaire prévue à l'art L. 376-1 du code de la sécurité sociale :

Considérant qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, en contrepartie des frais qu'elle engage pour obtenir le remboursement de ses débours : « la caisse d'assurance maladie à laquelle est affilié l'assuré social victime de l'accident recouvre une indemnité forfaitaire à la charge du tiers responsable et au profit de l'organisme national d'assurance maladie. Le montant de cette indemnité est égal au tiers des sommes dont le remboursement a été obtenu, dans les limites d'un montant maximum de 760 euros et d'un montant minimum de 76 euros (...) » ; que, conformément aux dispositions précitées du code de la sécurité sociale, et compte tenu du montant de la somme mise à la charge du centre hospitalier au titre des débours de la caisse, il y a lieu de condamner le centre hospitalier régional universitaire de Rouen à verser le tiers de la somme de 1 053 euros, soit 350 euros, au titre de l'indemnité forfaitaire prévue par les dispositions précitées de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ;

Sur les droits de M. :

Considérant que M. , venu aux droits de son épouse, a droit, en réparation des préjudices que celle-ci a subis, au paiement d'une indemnité de 7 000 euros égale à la différence entre le montant du préjudice indemnisable et la somme qui doit être versée à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Eure ;

Sur les intérêts :

Considérant que M. a droit aux intérêts qu'il réclame à compter du

17 juillet 2002, date de sa première demande, sur la somme de 7 000 euros ;

Sur les intérêts des intérêts :

Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée par M. pour la première fois le 31 août 2005 ; qu'à cette date il était dû une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article L. 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. est fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa requête ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu de mettre à la charge du centre hospitalier régional universitaire de Rouen une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. et non compris dans les dépens ; qu'en application des mêmes dispositions, il y a lieu de mettre à la charge du centre hospitalier régional universitaire de Rouen une somme de 609,80 euros au titre des frais exposés par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Eure ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0202045 en date du 30 juin 2005 du Tribunal administratif de Rouen est annulé.

Article 2 : Le centre hospitalier régional universitaire de Rouen est condamné à verser à

M. X... une somme de 7 000 euros. Cette somme portera intérêts à compter du

17 juillet 2002. Les intérêts échus le 31 août 2005 seront capitalisés pour porter eux-mêmes intérêts et à chaque échéance annuelle.

Article 3 : Le centre hospitalier régional universitaire de Rouen est condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Eure une somme de 1 053 euros.

Article 4 : Le centre hospitalier régional universitaire de Rouen est condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Eure une somme de 350 euros au titre de l'indemnité forfaitaire prévue par l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.

Article 5 : Le centre hospitalier régional universitaire de Rouen versera à M. X... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le centre hospitalier régional universitaire de Rouen versera à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Eure une somme de 609,80 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 7 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X... est rejeté.

Article 8 : Le surplus des conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Eure est rejeté.

Article 9 : Le présent arrêt sera notifié à M. X... , à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Eure et au centre hospitalier régional universitaire de Rouen.

N°05DA00938 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation a 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 05DA00938
Date de la décision : 03/10/2006
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme Helmholtz
Rapporteur ?: M. Christian Bauzerand
Rapporteur public ?: M. Le Goff
Avocat(s) : JULIA

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2006-10-03;05da00938 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award