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03/10/2006 | FRANCE | N°05DA00964

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation a 3 (bis), 03 octobre 2006, 05DA00964


Vu la requête, enregistrée par télécopie le 28 juillet 2005 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai et confirmée par courrier original le 29 juillet 2005, présentée pour M. X... Z et pour Mme B... A épouse Z, demeurant ..., par Me A... ; M. et Mme Z demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement nos 0501601 et 0501602 en date du 17 mai 2005 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté leurs demandes, tendant à l'annulation des décisions du

8 février 2005 du préfet du Nord refusant de les admettre au séjour au titre de l'asile ;

2°)

d'annuler pour excès de pouvoir lesdites décisions ;

3°) d'enjoindre au préfet d...

Vu la requête, enregistrée par télécopie le 28 juillet 2005 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai et confirmée par courrier original le 29 juillet 2005, présentée pour M. X... Z et pour Mme B... A épouse Z, demeurant ..., par Me A... ; M. et Mme Z demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement nos 0501601 et 0501602 en date du 17 mai 2005 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté leurs demandes, tendant à l'annulation des décisions du

8 février 2005 du préfet du Nord refusant de les admettre au séjour au titre de l'asile ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir lesdites décisions ;

3°) d'enjoindre au préfet du Nord de leur délivrer, dans un délai de huit jours à compter de l'arrêt à intervenir, un titre de séjour en qualité de demandeur d'asile ;

4°) de condamner l'Etat à verser à leur conseil, Me A..., en tant qu'elle renonce au bénéfice de l'indemnité de l'aide juridictionnelle, la somme de 1 500 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du

10 juillet 1991 modifiée, relative à l'aide juridique ;

Ils soutiennent :

- que les décisions préfectorales attaquées sont insuffisamment motivées, le préfet du Nord ayant omis d'indiquer quel critère avait été retenu pour déterminer l'Etat italien comme responsable de l'examen de leur demande d'asile politique ; que cette omission est d'autant plus préjudiciable aux exposants que la décision du 19 mai 2004 par laquelle l'Italie a accepté de les réadmettre sur son territoire ne leur a pas été communiquée ;

- que le troisième critère posé par le règlement communautaire n° 343/2003 du

18 février 2003, en son article 8, qui est subordonné à l'acceptation des intéressés, ne leur était pas applicable, puisqu'ils ont clairement manifesté dès l'origine leur intention de demander l'asile politique non en Italie, mais en France ;

- que le quatrième critère posé par ce règlement ne leur était pas davantage applicable, l'Italie ne leur ayant délivré aucun titre de séjour ou visa ;

- que si le cinquième critère, fixé par l'article 10 de ce même règlement, aurait pu permettre de justifier l'examen de leur demande par les autorités italiennes, il est dérogé à ce critère lorsque le demandeur à l'asile, après avoir franchi régulièrement la frontière d'un premier Etat membre, a séjourné plus de cinq mois avant l'introduction de sa demande sur le territoire d'un autre Etat membre, ce dernier Etat étant, dans ce cas, responsable de l'examen de la demande d'asile ; que l'Italie n'était donc pas, en l'espèce, l'Etat responsable de l'examen de la demande des exposants sur le terrain de ce critère ;

- que le huitième critère du même règlement, qui pose la règle selon laquelle l'Etat responsable est le premier Etat à qui la demande d'asile a été présentée ne permettait pas davantage de justifier la désignation d'un autre Etat que la France comme responsable de l'examen de la demande d'asile des exposants, dès lors que M. Z a sollicité pour la première fois l'asile politique auprès de la France ;

- que le préfet du Nord n'a notifié les décisions attaquées que le 8 février 2005, alors que le délai d'exécution du transfert des exposants vers l'Italie expirait six mois après la décision des autorités italiennes du 19 mai 2004 acceptant de les prendre en charge, soit le 19 novembre 2004 ; que les autorités françaises ne pouvaient légalement refuser d'assumer, à compter de cette dernière date, la responsabilité de l'examen de leur demande d'asile ; que ce refus a porté une atteinte grave et manifestement illégale à leur droit de solliciter le statut de réfugié ;

Vu le jugement et les décision attaqués ;

Vu l'ordonnance en date du 12 août 2005, par laquelle le président de la 2ème chambre de la Cour administrative d'appel de Douai fixe la clôture de l'instruction au 30 novembre 2005 ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 21 septembre 2005, présenté par le préfet du Nord ; le préfet conclut au rejet de la requête ;

Le préfet du Nord soutient :

- que les décisions attaquées sont suffisamment motivées, tant en fait qu'en droit ;

- qu'au fond, il est établi que M. Z avait précédemment effectué des démarches dans le but d'obtenir l'asile en Belgique et que Mme A épouse Z avait souscrit une demande d'asile auprès des autorités italiennes le 13 novembre 2003 ; que, dans ces conditions, les intéressés ne peuvent se prévaloir ni du cinquième, ni du huitième des critères posés par le règlement communautaire n° 343/2003 du 18 février 2003 ;

- que M. et Mme Z ont déposé leur demande d'asile auprès des services préfectoraux le 18 novembre 2004, soit avant l'expiration du délai de six mois, fixé par l'article 19 du règlement susmentionné, pour assurer leur transfert vers l'Italie, Etat responsable de l'examen de leur demande ; que, dès lors, un refus de séjour au titre de l'asile a pu à bon droit leur être opposé par les décisions attaquées ;

Vu la décision en date du 20 octobre 2005 par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Douai accorde à M. X... Z l'aide juridictionnelle totale pour la présente procédure ;

Vu le mémoire en réplique, parvenu par télécopie le 30 novembre 2005, présenté pour M. et Mme Z ; ils concluent aux mêmes fins que leur requête, par les mêmes moyens ;

M. et Mme Z soutiennent, en outre, que les décisions préfectorales attaquées sont entachées d'erreur de droit, les dispositions communautaires et légales sur lesquelles elles sont fondées, en particulier l'article 16-1 e. du règlement communautaire n° 343/2003 du 18 février 2003 et l'article 9 § 3 de la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952, ne s'appliquant manifestement pas à leur situation ;

Vu l'ordonnance en date du 5 décembre 2005, par laquelle le président de la 2ème chambre de la Cour administrative d'appel de Douai décide la réouverture de l'instruction ;

Vu les lettres en date du 29 juin 2006 par lesquelles le président de la formation de jugement a informé les parties, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt à intervenir paraissait susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le règlement n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003, établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant d'un pays tiers ;

Vu la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 modifiée relative au droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 septembre 2006 à laquelle siégeaient Mme Câm Vân Helmholtz, président de chambre, MM Olivier Y... et Christian Bauzerand, premiers conseillers :

- le rapport de Mme Câm Vân Helmholtz, président de chambre ;

- et les conclusions de M. Z... Le Goff, commissaire du gouvernement ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

Considérant qu'aux termes de l'article 3 du règlement (CE) susvisé n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 : « 1. Les Etats membres examinent toute demande d'asile présentée par un ressortissant d'un pays tiers à l'un quelconque d'entre eux (…). La demande d'asile est examinée par un seul Etat membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. 2. Par dérogation au paragraphe 1, chaque Etat membre peut examiner une demande d'asile qui lui est présentée par un ressortissant d'un pays tiers, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés par le présent règlement. Dans ce cas, cet Etat devient l'Etat membre responsable au sens du présent règlement et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (…) » ; qu'aux termes de l'article 4 du même règlement : « 1. Le processus de détermination de l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est engagé dès qu'une demande d'asile est introduite pour la première fois auprès d'un Etat membre. (…) » ; qu'enfin, aux termes de l'article 17 du même règlement : « 1. L'Etat membre auprès duquel une demande d'asile a été introduite et qui estime qu'un autre Etat membre est responsable de l'examen de cette demande peut requérir ce dernier aux fins de prise en charge dans les plus brefs délais et, en tout état de cause, dans un délai de trois mois après l'introduction de la demande d'asile (…) » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. et Mme Z, ressortissants kosovars entrés en France, selon leurs dires, en octobre 2004, ont présenté le 18 novembre 2004 une demande d'asile conventionnel au préfet du Nord ; que l'instruction de cette demande ayant révélé que les intéressés avaient transité par la Belgique, le préfet du Nord a formulé, conformément au

1 précité de l'article 17 du règlement du 18 février 2003 susmentionné, une demande de prise en charge auprès des autorités belges ; que, le 12 janvier 2005, ces autorités ont fait connaître au préfet que les intéressés avaient formé auprès d'elles une demande d'asile et qu'une demande de prise en charge avait été alors présentée auprès des autorités italiennes, qui avaient accepté, le 19 mai 2004, la responsabilité de l'examen de la demande d'asile des requérants ;

Considérant que, pour refuser, par les deux décisions attaquées en date du 8 février 2005, d'admettre M. et Mme Z au séjour au titre de l'asile, le préfet du Nord s'est fondé sur le motif que l'Italie avait accepté de les réadmettre sur son territoire ; qu'il résulte toutefois des dispositions précitées que, saisi par M. et Mme Z d'une demande d'asile conventionnel et bien qu'ayant eu connaissance de ce que les autorités italiennes, sur demande des autorités belges, avaient accepté, le 19 mai 2004, de réadmettre les intéressés sur le territoire italien, le préfet du Nord était tenu, s'il estimait que la France n'était pas l'Etat responsable de l'examen de ladite demande d'asile au sens du règlement susmentionné, soit d'adresser aux autorités italiennes la demande de prise en charge prévue au 1 précité de l'article 17 du règlement du 18 février 2003, soit, dès lors qu'il ne se trouvait pas dans le cas prévu au 1° de l'article 8 de la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 modifiée, alors applicable, lui permettant de refuser, sans soumettre sa situation à l'examen de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), l'admission au séjour en France d'un demandeur d'asile, de saisir sans délai l'OFPRA, dans le cadre de la dérogation prévue au 2 de l'article 3 du même règlement, pour qu'il se prononce, selon la procédure d'examen prioritaire, sur les droits des intéressés au bénéfice de l'asile conventionnel ; qu'il ne ressort d'aucune pièce du dossier que le préfet du Nord ait mis en oeuvre l'une ou l'autre de ces procédures ; qu'il suit de là, sans qu'il y ait lieu d'examiner si le délai de reprise prévu à l'article 19 du règlement du 18 février 2003 susmentionné était en l'espèce expiré à la date à laquelle le préfet a pris les deux décisions attaquées, que les requérants sont fondés à soutenir que lesdites décisions sont entachées d'erreur de droit ; que, dès lors et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, les décisions préfectorales attaquées en date du 8 février 2005 doivent être annulées ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution » ;

Considérant que le présent arrêt, qui annule le refus du préfet du Nord d'admettre M. et

Mme Z au séjour en qualité de demandeurs d'asile, au motif que ce refus est entaché d'erreur de droit, implique, dès lors qu'il n'est pas allégué et qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'un changement de droit ou de fait y fasse obstacle, que le préfet du Nord admette M. et Mme Z au séjour en qualité de demandeurs d'asile dans un délai de huit jours à compter de la notification du présent arrêt ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme Z sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a rejeté leurs demandes ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que Me A..., sous réserve qu'elle renonce au bénéfice de l'indemnité d'aide juridictionnelle, est fondée à demander que soit mise à la charge de l'Etat, qui est la partie perdante dans la présente instance, la somme de 1 500 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement nos 0501601 et 0501602 du 17 mai 2005 du Tribunal administratif de Lille et les décisions du préfet du Nord en date du 8 février 2005 refusant d'admettre

M. X... Z et Mme B... A épouse Z au séjour au titre de l'asile sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Nord d'admettre au séjour M. X... Z et

Mme B... A épouse Z en qualité de demandeurs d'asile dans un délai de huit jours à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me A..., sous réserve qu'elle renonce au bénéfice de l'indemnité d'aide juridictionnelle, une somme de 1 500 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. X... Z, à Mme B... A épouse Z, au préfet du Nord et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.

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N°05DA00964


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation a 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 05DA00964
Date de la décision : 03/10/2006
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Helmholtz
Rapporteur ?: Mme Câm Vân Helmholtz
Rapporteur public ?: M. Le Goff
Avocat(s) : THIEFFRY

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2006-10-03;05da00964 ?
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