La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/10/2006 | FRANCE | N°05DA01100

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation a 3, 17 octobre 2006, 05DA01100


Vu la requête, enregistrée le 25 août 2005, présentée pour la société anonyme JEAN, dont le siège est ..., représentée par son président-directeur général, par Me Y... ; la société JEAN demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0301261 du 16 juin 2005 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge des compléments d'impôt sur les sociétés et de contribution sur cet impôt auxquels elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 1996, mis en recouvrement le 30 septembre 2000 ;

2°) de prononcer la déch

arge de l'imposition contestée ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 1 50...

Vu la requête, enregistrée le 25 août 2005, présentée pour la société anonyme JEAN, dont le siège est ..., représentée par son président-directeur général, par Me Y... ; la société JEAN demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0301261 du 16 juin 2005 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge des compléments d'impôt sur les sociétés et de contribution sur cet impôt auxquels elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 1996, mis en recouvrement le 30 septembre 2000 ;

2°) de prononcer la décharge de l'imposition contestée ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 1 500 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative ;

La société JEAN, anciennement société Y Frères, soutient que c'est en méconnaissance des dispositions combinées des articles 209 et 221-5 du code général des impôts que le bénéfice du report des déficits comptabilisés par l'entreprise au titre des exercices clos avant l'opération de fusion-absorption de la société Etablissements Jean Y avec la SA Y Frères lui a été refusé par l'administration, alors que cette opération n'a entraîné aucun changement d'activité de la société ; qu'elle entend se prévaloir sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la doctrine administrative telle que formulée dans la documentation de base 4-A-6123 n° 32 et des réponses ministérielles Z publiée le 30 mai 1972 et A publiée le 24 août 1989 qui précisent que l'opération qui, comme en l'espèce, a juste consisté à l'adjonction d'une ou plusieurs activités nouvelles à celles existantes, ne peut être regardée comme un changement d'activité ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu la mise en demeure adressée le 2 mars 2006 au directeur de contrôle fiscal Nord, en application de l'article R. 612-2 du code de justice administrative et l'avis de réception de cette mise en demeure ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 15 mars 2006, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ; il conclut au rejet de la requête ; il soutient que dès lors qu'à l'occasion de la fusion-absorption, la société absorbante a reçu du matériel lui permettant de réaliser des opérations qu'elle n'effectuait pas auparavant et qu'elle a réorienté son activité qui relevait de prestations de services afférentes au traitement des métaux ferreux, vers une activité de production industrielle de composants pour volets roulants et que le changement d'activité industrielle est ainsi avéré, la société JEAN est privée du droit au report des déficits qu'elle a subis jusqu'à la date de fusion, ouvert par l'article 221-5 du code général des impôts ; que la requérante, dès lors que l'opération en cause n'a pas consisté en une simple adjonction d'activité nouvelle à moyens sensiblement constants, ne peut se prévaloir de l'interprétation de la loi fiscale donnée par la doctrine administrative qu'elle évoque ;

Vu l'ordonnance en date du 13 avril 2006 par laquelle le président de la 2ème chambre de la Cour a fixé la date de clôture de l'instruction au 11 mai 2006 ;

Vu le mémoire enregistré le 5 mai 2006 présenté pour la société JEAN ; elle conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 octobre 2006 à laquelle siégeaient Mme Câm Vân Helmholtz, président de chambre, Mme Brigitte Phémolant, président-assesseur et M. Patrick Minne, premier conseiller :

- le rapport de M. Patrick Minne, premier conseiller ;

- les observations de Me X..., pour la société JEAN ;

- et les conclusions de M. Olivier Mesmin d'Estienne, commissaire du gouvernement ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

Considérant qu'aux termes des troisième et quatrième alinéas du I de l'article 209 du code général des impôts, relatif à la détermination des bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés dans sa rédaction applicable en l'espèce : « Sous réserve de l'option prévue à l'article 220 quinquies, en cas de déficit subi pendant un exercice, ce déficit est considéré comme une charge de l'exercice suivant et déduit du bénéfice réalisé pendant ledit exercice. Si ce bénéfice n'est pas suffisant pour que la déduction puisse être intégralement opérée, l'excédent du déficit est reporté successivement sur les exercices suivants jusqu'au cinquième exercice qui suit l'exercice déficitaire (…). Toutefois, cette faculté de report cesse de s'appliquer si l'entreprise reprend tout ou partie des activités d'une autre entreprise ou lui transfère tout ou partie de ses propres activités (...) » ; qu'aux termes du 5 de l'article 221 du même code issu de l'article 8 de la loi n° 85-1403 du 30 décembre 1985 portant loi de finances pour l'année 1986 : « Le changement de l'objet social ou de l'activité réelle d'une société emporte cessation d'entreprise. » ; que la mise en oeuvre du droit au report déficitaire ouvert par le I de l'article 209 est subordonnée à la condition que la personne de l'exploitant et l'objet de l'entreprise soient restés les mêmes ; que ces conditions font défaut lorsqu'une société a subi, dans sa composition et son activité, des transformations telles que, tout en ayant conservé sa personnalité, elle n'est plus en réalité la même ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société JEAN, anciennement dénommée société Y Frères a, au cours de l'exercice clos en 1996, absorbé la société Etablissements Jean Y ; qu'avant cette fusion, la société Y Frères devenue depuis JEAN n'avait pour activité que le traitement de surfaces métalliques contre la corrosion, mis en oeuvre principalement par le procédé de l'anodisation ; que la société Etablissements Jean Y absorbée avait pour activité la production de composants pour volets roulants ; que depuis la fusion, la société JEAN exerce conjointement les deux activités ; que, pour refuser à celle-ci le bénéfice du report des déficits comptabilisés par elle au titre d'exercices clos avant cette fusion-absorption, l'administration fait valoir que l'activité reprise de la société absorbée est devenue nettement prépondérante par rapport à l'activité initiale de la société absorbante ;

Considérant que si la société JEAN soutient que l'activité précédemment exercée par la société Y Frères s'est poursuivie dans les mêmes conditions techniques qu'avant la fusion et que la confection de pièces pour volets roulants et leur assemblage se placent dans le prolongement du seul traitement de pièces métalliques qu'elle effectuait précédemment, les deux activités ne peuvent être cependant regardées comme participant d'un même processus industriel dès lors que les techniques mises en oeuvre pour ces deux types de production diffèrent totalement et que le traitement des pièces métalliques, notamment leur anodisation, ne s'applique qu'à un nombre réduit de composants utilisés pour la confection des volets roulants, lesquels sont composés également de matériaux non métalliques ; que la société JEAN soutient également que l'activité qu'elle exerçait précédemment a été poursuivie dans les mêmes conditions d'exploitation ; que l'administration a relevé que l'activité initiale de la société requérante qui employait une quinzaine de personnes et lui procurait un chiffre d'affaires n'excédant pas 5 millions de francs s'est muée, dès l'année de la fusion, en une nouvelle activité occupant 170 employés et engendrant un chiffre d'affaires de 95 millions de francs ; que l'activité initiale de la société absorbante ne représente plus qu'une fraction négligeable du chiffre d'affaires de cette entreprise ; que l'ensemble des modifications apportées à l'organisation et au fonctionnement de l'entreprise, le changement de la nature de l'activité qu'elle exerce globalement et de sa clientèle ainsi que le montant de ses résultats ne permettent pas de considérer que la société JEAN est demeurée la même entreprise ; que, sur le fondement des dispositions précitées de l'article 209 du code général des impôts, l'administration pouvait à bon droit remettre en cause l'imputation par la société JEAN, sur son résultat de l'exercice clos en 1996, des déficits et amortissements réputés différés et comptabilisés au titre des exercices clos les 30 juin 1992, 1993, 1994 et 1995 ;

En ce qui concerne le bénéfice de l'interprétation de la loi fiscale donnée par l'administration :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : « Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente » ;

Considérant que la société JEAN entend se prévaloir, sur le fondement de ces dispositions, du paragraphe 32 de la documentation de base 4-A-6123, issu du paragraphe 14 de l'instruction du 10 mars 1986 publiée au bulletin officiel de la direction générale des impôts n° 4-A-86, de la réponse ministérielle à M. Z, député, publiée le 30 mai 1972 et reprise par la documentation précitée ainsi que de la réponse ministérielle à M. A, sénateur, publiée au Journal officiel du 24 août 1989 ; qu'il résulte de ce qui précède qu'à la suite de l'absorption de la société Etablissements Jean Y, la société requérante a substitué à une activité exclusive de traitements de surfaces métalliques contre la corrosion, une activité désormais prépondérante de fabrication de composants pour volets roulants ; qu'un tel changement d'activité ne consiste pas en une adjonction d'une ou plusieurs activités nouvelles à l'activité précédemment exercée, seul cas visé par les instructions et réponses ministérielles invoquées ; que, par suite, la société requérante, qui n'entre pas dans les prévisions des doctrines qu'elle invoque, n'est pas fondée à en revendiquer le bénéfice ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société JEAN n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions de la société JEAN tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la société JEAN demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SA JEAN est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SA JEAN et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Copie sera transmise au directeur de contrôle fiscal Nord.

2

N°05DA01100


Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Président : Mme Helmholtz
Rapporteur ?: M. Patrick Minne
Rapporteur public ?: M. Mesmin d'Estienne
Avocat(s) : HSD ERNST et YOUNG

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation a 3
Date de la décision : 17/10/2006
Date de l'import : 04/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 05DA01100
Numéro NOR : CETATEXT000007607642 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2006-10-17;05da01100 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award