La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

31/10/2006 | FRANCE | N°05DA00174

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3 (ter), 31 octobre 2006, 05DA00174


Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai le

14 février 2005 par télécopie et confirmé par l'envoi de l'original le 15 février 2005, présenté par le MINISTRE DES SOLIDARITES, DE LA SANTE ET DE LA FAMILLE ; le MINISTRE DES SOLIDARITES, DE LA SANTE ET DE LA FAMILLE demande à la Cour d'annuler le jugement

n° 0102270 en date du 5 novembre 2004, par lequel le Tribunal administratif d'Amiens, à la demande de M. et Mme X agissant au nom de leur fils Hervé en tant qu'administrateurs légaux de ses biens, l'a condamné à verser à Mme X

pour son fils Hervé la somme de

150 000 euros et une rente annuelle de 20...

Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai le

14 février 2005 par télécopie et confirmé par l'envoi de l'original le 15 février 2005, présenté par le MINISTRE DES SOLIDARITES, DE LA SANTE ET DE LA FAMILLE ; le MINISTRE DES SOLIDARITES, DE LA SANTE ET DE LA FAMILLE demande à la Cour d'annuler le jugement

n° 0102270 en date du 5 novembre 2004, par lequel le Tribunal administratif d'Amiens, à la demande de M. et Mme X agissant au nom de leur fils Hervé en tant qu'administrateurs légaux de ses biens, l'a condamné à verser à Mme X pour son fils Hervé la somme de

150 000 euros et une rente annuelle de 20 000 euros à compter du 3 janvier 2000 en réparation des préjudices corporels et matériels qu'il a subis ; à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de Creil la somme de 626 168,31 euros représentant les frais médicaux, pharmaceutiques, d'hospitalisation et de transport au bénéfice d'Hervé X ; à supporter la charge des frais d'expertise ; à verser à Mme X, pour son fils Hervé, la somme de 750 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que la requête des époux X devant le Tribunal administratif d'Amiens était irrecevable, en raison du défaut de demande préalable ; que la responsabilité de l'Etat ne saurait être engagée dès lors qu'il résulte des constatations du rapport d'expertise du Docteur Y que les préjudices subis par Hervé X sont la conséquence de la valence anti-coquelucheuse du Tétracoq, alors même que la vaccination contre la coqueluche ne faisait pas partie des vaccinations obligatoires ouvrant droit à un régime de responsabilité sans faute, en application de l'ancien article L. 10-1 du code de santé publique, alors applicable ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré par télécopie le 17 mars 2005 et confirmé par l'envoi de l'original le 21 mars 2005, présenté pour la caisse primaire d'assurance maladie de Creil, par la

SCP Lardon-Galeote, Even et Kramer ; elle demande à la Cour de rejeter le recours de l'Etat, de condamner celui-ci à lui payer une somme de 656 113,95 euros au titre de sa créance provisoire, ainsi qu'une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient que la responsabilité de l'Etat a été définitivement reconnue par le jugement du Tribunal administratif d'Amiens en date du 26 mai 1987, aujourd'hui revêtu de l'autorité de la chose jugée ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 21 mars 2005, présenté pour M. X agissant en son nom personnel et Mme X agissant en son nom personnel et ès-qualité d'administratrice légale des biens de Hervé X, par Me Lebois ; M. et Mme X demandent à la Cour de rejeter le recours, de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a constaté la responsabilité de l'Etat résultant de la vaccination Tétracoq du 20 juin 1983, de condamner l'Etat à payer une somme de 3 313 517,55 euros en réparation des préjudices subis par Hervé X, et à verser à Mme X une somme de 3 500 euros en application des dispositions de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative ; ils soutiennent que leur requête devant le Tribunal administratif d'Amiens était recevable, la proposition du ministre de recourir à la procédure de consultation de la Commission de règlement amiable des accidents médicaux devant être assimilée à un rejet explicite de leur demande préalable ; que la responsabilité de l'Etat dans les dommages survenus à la suite de la vaccination de leur fils a été reconnue par un jugement du Tribunal administratif d'Amiens en date du 26 mai 1987 revêtu de l'autorité de la force jugée ;

Vu le mémoire, enregistré le 11 avril 2006, présenté par le MINISTRE DE LA SANTE ET DES SOLIDARITES, qui conclut aux même fins par les mêmes moyens, et demande, en outre, que la Cour rejette les demandes formées par les époux X ;

Vu le mémoire, enregistré le 5 mai 2006, présenté pour la caisse primaire d'assurance maladie de Creil, qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens, et demande, en outre, que la Cour condamne l'Etat à lui payer une somme de 704 280,22 euros au titre des prestations versées à Hervé X ;

Vu l'ordonnance en date du 10 juillet 2006 par laquelle le président de la 2ème chambre de la Cour administrative d'appel de Douai a fixé la clôture de l'instruction au 1er septembre 2006 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 octobre 2006 à laquelle siégeaient Mme Câm Vân Helmholtz, président de chambre, M. Patrick Minne et M. Manuel Delamarre, premiers conseillers :

- le rapport de M. Manuel Delamarre, premier conseiller ;

- les observations de Me Levitan, pour M. et Mme X ;

- et les conclusions de M. Olivier Mesmin d'Estienne, commissaire du gouvernement ;

Sur la recevabilité de la demande présentée devant les premiers juges :

Considérant que le MINISTRE DE LA SANTE ET DES SOLIDARITES soutient que la demande présentée par M. et Mme X devant les premiers juges était irrecevable en l'absence de décision préalable ayant lié le contentieux ;

Considérant, toutefois, que par un jugement en date du 26 mai 1987, le Tribunal administratif d'Amiens a déclaré l'Etat responsable des séquelles présentées par Hervé X à la suite de la vaccination Tetracoq qu'il avait subie le 20 juin 1983 et a seulement réservé jusqu'à la majorité de celui-ci la fixation de l'indemnité définitive qui lui était due ; que, dès lors, M. et Mme X, sans être tenus de présenter une nouvelle demande préalable, devaient simplement saisir à nouveau le juge afin que ce dernier, après avoir éventuellement ordonné une nouvelle expertise, fixe l'indemnité définitive due à leur fils ; qu'ainsi, les premiers juges ont, à bon droit, écarté la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de la demande opposée par le MINISTRE DE LA SANTE ET DES SOLIDARITES ;

Au fond :

En ce qui concerne la responsabilité de l'Etat :

Considérant que, comme il a déjà été dit, par un jugement en date du 26 mai 1987, le Tribunal administratif d'Amiens a déclaré l'Etat responsable des séquelles présentées par

Hervé X suite à la vaccination Tetracoq subie le 20 juin 1983 ; que ce jugement n'a pas été frappé d'appel en ce qui concerne le principe de la responsabilité et est revêtu, sur ce point, de l'autorité de la chose jugée ; qu'ainsi, c'est à bon droit que, par le jugement du

5 novembre 2004, le Tribunal administratif d'Amiens s'est référé, sur la responsabilité de l'Etat, à ce précédent jugement ;

En ce qui concerne l'indemnisation des préjudices :

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise du professeur Z, qu'Hervé X souffre de graves séquelles cérébrales dont il résulte un sévère retard intellectuel, et que le taux d'incapacité partielle permanente est de 100 % ;

Considérant que, dans ces conditions, les premiers juges ont fait une juste appréciation de l'ensemble de ces préjudices en condamnant l'Etat à payer à Mme X la somme de

150 000 euros en réparation des troubles dans les conditions d'existence, y compris le pretium doloris, le préjudice esthétique, le préjudice d'agrément et le préjudice sexuel ;

Considérant, en revanche, que dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de porter la rente annuelle, versée à Mme X pour son fils, destinée à l'aide d'une tierce personne lorsque Hervé X se trouve chez ses parents, à la somme de 25 000 euros à compter du

3 janvier 2000, qui sera indexée par application des coefficients de revalorisation prévus à l'article

L. 341-6 du code de la sécurité sociale à compter du 5 novembre 2004 ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, d'une part, le recours du MINISTRE DE LA SANTE ET DES SOLIDARITES doit être rejeté et que M. et Mme X sont fondés à soutenir, par la voie de l'appel incident, que les premiers juges ont fait une insuffisante appréciation des préjudices subis par Hervé X ;

Sur les droits de la caisse primaire d'assurance maladie de Creil :

Considérant que la caisse primaire d'assurance maladie de Creil justifie devant la Cour de débours non contestés pour un montant de 704 280,22 euros au titre des frais médicaux, pharmaceutiques, d'hospitalisation et de transport ; que, par suite, l'indemnité qui lui a été allouée par l'article 2 du jugement attaqué doit être portée de la somme de 626 168,31 euros à la somme de 704 280,22 euros ;

Considérant, en revanche, qu'il n'appartient pas à la Cour de donner acte à la caisse primaire d'assurance maladie de Creil de ce qu'elle se réserve le droit de réclamer le paiement de toute nouvelle prestation qui serait servie à Hervé X ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 3 000 euros à Mme X, pour son fils Hervé X, et la somme de 1 000 euros à la caisse primaire d'assurance maladie de Creil ;

DECIDE :

Article 1er : Le recours du MINISTRE DE LA SANTE ET DES SOLIDARITES est rejeté.

Article 2 : La rente annuelle à laquelle l'Etat est condamné à verser à Mme X pour son fils, destinée à l'aide d'une tierce personne lorsque Hervé X se trouve chez ses parents est portée à la somme de 25 000 euros à compter du 3 janvier 2000. Cette somme sera revalorisée, à compter du 5 novembre 2004, conformément aux dispositions de l'article L. 341-6 du code de la sécurité sociale.

Article 3 : La somme que l'Etat est condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de Creil est portée à 704 280,22 euros.

Article 4 : Le jugement n° 0102270 en date du 5 novembre 2004 du Tribunal administratif d'Amiens est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : L'Etat versera une somme de 3 000 euros à Mme X agissant pour son fils Hervé et une somme de 1 000 euros à la caisse primaire d'assurance maladie de Creil en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions de M. et Mme X et de la caisse primaire d'assurance maladie de Creil est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DE LA SANTE ET DES SOLIDARITES, à M. et Mme X et à la caisse primaire d'assurance maladie de Creil.

N°05DA00174 2


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Président : Mme Helmholtz
Rapporteur ?: M. Manuel Delamarre
Rapporteur public ?: M. Mesmin d'Estienne
Avocat(s) : LEBOIS

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3 (ter)
Date de la décision : 31/10/2006
Date de l'import : 04/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 05DA00174
Numéro NOR : CETATEXT000007607367 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2006-10-31;05da00174 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award