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14/11/2006 | FRANCE | N°05DA00218

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3 (bis), 14 novembre 2006, 05DA00218


Vu la requête, enregistrée le 21 février 2005, et le mémoire complémentaire, enregistré le 8 mars 2005, au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentés pour la société anonyme SITA FD, dont le siège est 132 rue des Trois Fontanot à Nanterre Cedex (92758), par la société CMS Bureau Francis Lefebvre ; la société SITA FD demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement nos 0200026, 0203971, 0203972, 0203973 et 0203976 du

16 décembre 2004 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes tendant à la réduction de la taxe professio

nnelle à laquelle elle a été assujettie au titre des années 1999 à 2001 dans la c...

Vu la requête, enregistrée le 21 février 2005, et le mémoire complémentaire, enregistré le 8 mars 2005, au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentés pour la société anonyme SITA FD, dont le siège est 132 rue des Trois Fontanot à Nanterre Cedex (92758), par la société CMS Bureau Francis Lefebvre ; la société SITA FD demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement nos 0200026, 0203971, 0203972, 0203973 et 0203976 du

16 décembre 2004 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes tendant à la réduction de la taxe professionnelle à laquelle elle a été assujettie au titre des années 1999 à 2001 dans la commune d'Hersin-Coupigny et au titre des années 2000 et 2001 dans la commune de Fresnicourt-le-Dolmen ;

2°) de prononcer la réduction demandée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que la valeur locative des terrains nus correspondant à des carrières destinées à enfouir des déchets ménagers ultimes devait être évaluée selon les règles prévues par l'article 1393 du code général des impôts relatif à la taxe foncière sur les propriétés non bâties ; que l'instruction administrative du 31 décembre 1908 reprise à la documentation administrative de base n° 6-B-211 vise les dépôts de décombres, scories, etc. et les carrières, biens également visés par la documentation de base n° 6-B-113 ; qu'en l'absence de tout caractère industriel, les terrains en litige ne relèvent pas de l'article 1381-5° du code général des impôts, texte qui prévoit l'application de la taxe sur les propriétés bâties par exception à l'article 1393 et qui ne vise que les lieux de dépôt de marchandises ; que l'affectation de ces terrains n'est pas exclusive, ainsi que le prévoit également la documentation de base n° 6-C-114 du 15 décembre 1988 ; que la permanence de l'affectation, également explicitée par la documentation de base n° 6-C-114 fait défaut dès lors que l'enfouissement se fera par palier successif ; qu'en tout état de cause, l'ensemble des sites ne peut être considéré comme relevant de la taxe sur les propriétés bâties ; qu'à titre subsidiaire, la méthode comptable de détermination de la valeur locative retenue par l'administration n'est pas justifiée dès lors que l'activité d'enfouissement ne peut être qualifiée d'industrielle ; qu'à titre encore plus subsidiaire, le prix d'acquisition des biens figurant au bilan ne pouvait pas être retenu dans le calcul de la valeur locative, celle-ci ne devant reprendre que le prix de revient du terrain comparé aux terres environnantes diminué de la valeur correspondant aux capacités d'enfouissement ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 30 août 2005, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ; il conclut au rejet de la requête ; il soutient que le litige doit être limité à la part de taxe professionnelle relative aux seules valeurs locatives des biens passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties ; que la circonstance que l'article 1393 du code général des impôts emploie l'adverbe « notamment » ne signifie pas que le législateur ait entendu établir une liste non limitative des biens passibles de la taxe foncière sur les propriétés non bâties ; que les instructions administratives invoquées ne visent pas les sites d'enfouissement ; que les prescriptions imposées par arrêté préfectoral, qui imposent l'emploi de matériels particuliers pour réaliser des aménagements particuliers, donnent au site un caractère bâti au sens des textes ; qu'il n'y a pas lieu de distinguer entre les parties de terrain exploitées et non encore exploitées dès lors que la taxe est due à raison de la propriété du bien indépendamment de ses modalités d'utilisation ; qu'en l'espèce, aucun des terrains voués à l'exploitation industrielle n'est destiné à recevoir une autre affectation ; qu'eu égard à la nature industrielle des installations, leur valeur locative pouvait être évaluée selon la méthode comptable ; que la valeur des terrains relative à leur capacité d'enfouissement ne peut être extraite de la valeur des immobilisations dès lors que la loi impose de prendre en considération la valeur d'origine des biens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 31 octobre 2006 à laquelle siégeaient Mme Câm Vân Helmholtz, président de chambre, Mme Brigitte Phémolant,

président-assesseur et M. Patrick Minne, premier conseiller :

- le rapport de M. Patrick Minne, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Olivier Mesmin d'Estienne, commissaire du gouvernement ;

Sur le principe de l'assujettissement à la taxe foncière sur les propriétés bâties :

En ce qui concerne la loi fiscale :

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 1467 du code général des impôts : « La taxe professionnelle a pour base : 1°) Dans le cas des contribuables autres que ceux visés au 2° : a) la valeur locative, telle qu'elle est définie aux articles 1469, 1518 A et 1518 B, des immobilisations corporelles dont le redevable a disposé pour les besoins de son activité professionnelle pendant la période de référence (…) » ; et qu'aux termes de l'article 1469 du même code : « La valeur locative est déterminée comme suit : 1°) Pour les biens passibles d'une taxe foncière, elle est calculée suivant les règles fixées pour l'établissement de cette taxe (…) » ; qu'aux termes, d'autre part, de l'article 1381 du code général des impôts : « Sont également soumis à la taxe foncière sur les propriétés bâties : (…) 5°) Les terrains non cultivés employés à un usage commercial ou industriel, tels que chantiers, lieux de dépôt de marchandises et autres emplacements de même nature, soit que le propriétaire les occupe, soit qu'il les fasse occuper par d'autres à titre gratuit ou onéreux (…) » ; que sont employés à un usage industriel, au sens de l'article 1381-5° du code précité, les terrains non cultivés sur lesquels est réalisée une activité nécessitant d'importants moyens techniques, non seulement lorsque cette activité consiste dans la fabrication ou la transformation de biens corporels mobiliers, mais aussi lorsque le rôle des installations techniques, matériels et outillages mis en oeuvre, fût-ce pour les besoins d'une autre activité, est prépondérant ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société SITA FD exploite sur les territoires des communes d'Hersin-Coupigny et de Fresnicourt-le-Dolmen une activité d'enfouissement de déchets ménagers et industriels sur un ancien site d'extraction de minerais dont elle est propriétaire ; que l'exploitation d'une décharge contrôlée de déchets ménagers et industriels requiert l'utilisation ou la création de cavités dénommées « caissons » destinées à accueillir les déchets avant d'être recouvertes de terre et revégétalisées ; que quatre zones distinctes peuvent être identifiées sur le terrain en litige, la première étant constituée soit de caissons creusés lors de l'exploitation antérieure des lieux comme carrières, soit de terrains où des excavations sont constituées pour créer de nouveaux caissons, la deuxième, de caissons où l'enfouissement par tranches des déchets est opéré, la troisième comprenant les terrains où les caissons ont été remplis de déchets puis recouverts d'une couche de terre ainsi que de végétation, la quatrième ne pouvant accueillir, aux termes de l'arrêté du 26 juillet 1982 du préfet du

Pas-de-Calais autorisant l'exploitation, que des terres de remblais non polluées et en aucun cas des déchets ; qu'ainsi, les surfaces respectives des trois premières zones ont vocation à évoluer au rythme du remplissage de la décharge, et ce jusqu'à ce que l'intégralité du périmètre dans lequel est autorisé le versement des déchets soit rempli de déchets et recouvert de terre et de végétation ;

Considérant qu'il résulte également de l'instruction, et notamment des déclarations faites auprès de l'administration fiscale au titre de la taxe professionnelle, que les opérations d'enfouissement de déchets effectuées sur le terrain appartenant à la société appelante requièrent d'importants moyens techniques, dont une station d'épuration, qui jouent un rôle prépondérant ; que, dès lors, la société SITA FD n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration fiscale a considéré que les terrains en cours d'enfouissement avaient un usage industriel, au sens et pour l'application des dispositions du 5° de l'article 1381 du code général des impôts ;

Considérant par ailleurs qu'en mentionnant, pour les assimiler à des propriétés bâties au regard de la taxe foncière, les « terrains non cultivés employés à un usage commercial ou industriel, tels que chantiers, lieux de dépôt de marchandises et autres emplacements de même nature », l'article 1381-5° du code général des impôts doit être entendu comme visant les terrains qui ont été affectés à de tels usages, du moment qu'ils n'ont pas été rendus disponibles à d'autres usages ; qu'il résulte de l'instruction, et notamment des prescriptions de l'arrêté susmentionné du préfet du Pas-de-Calais autorisant l'exploitation de la décharge, que les terrains destinés à l'accueil des déchets ne sauraient se voir attribuer un autre usage ; que, dès lors, la circonstance que la partie du terrain où les déchets ont été déposés a été recouverte d'une couche de terre et, le cas échéant, de végétation ne saurait à elle seule lui faire perdre son usage industriel ; qu'il ne résulte pas de l'instruction et il n'est d'ailleurs pas allégué que les terrains sur lesquels l'enfouissement des déchets est interdit aient été affectés à un autre usage ; qu'enfin, si l'exploitation d'une décharge contrôlée de déchets industriels et ménagers peut nécessiter d'extraire des volumes significatifs de matériaux du sol, notamment dans le but de créer les caissons au format prescrit par la réglementation, cette activité d'extraction de matériaux n'est que l'accessoire de l'exploitation de cette décharge, dont la finalité demeure l'enfouissement des déchets en vue de limiter leur nocivité à l'égard des personnes et de l'environnement ; que, dès lors, la partie du terrain ayant donné ou donnant lieu à l'extraction des matériaux du sol afin de permettre de constituer les caissons conserve son usage industriel et ne saurait être regardée comme une carrière au sens de l'article 1393 du code général des impôts, aux termes duquel : « La taxe foncière est établie annuellement sur les propriétés non bâties de toute nature sises en France, à l'exception de celles qui en sont expressément exonérées par les dispositions du présent code. Elle est notamment due pour les terrains occupés par (...) les carrières (...) » ; qu'il résulte de tout ce qui précède que l'ensemble des terrains litigieux ont un usage industriel au sens et pour l'application de l'article 1381-5° du code général des impôts ; que, par suite, la société SITA FD n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration fiscale a considéré que l'ensemble des parcelles en litige devaient être assujetties sur le fondement de la loi fiscale à la taxe foncière sur les propriétés bâties ;

En ce qui concerne l'interprétation de la loi fiscale donnée par l'administration :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : « Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente » ;

Considérant que les cotisations de taxe professionnelle dont la société SITA FD demande la réduction présentent le caractère d'impositions primitives ; que, par ailleurs, la contribuable n'a pas elle-même fait application des énonciations des documentations de base 6-B-113,

6-B-211 et 6-C-114 ; qu'elle ne peut donc utilement se prévaloir, sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des énonciations contenues dans la documentation administrative de base invoquée ;

Sur la valeur locative des terrains :

Considérant qu'aux termes de l'article 1499 du code général des impôts : « La valeur locative des immobilisations industrielles passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties est déterminée en appliquant au prix de revient de leurs différents éléments (...) des taux d'intérêts fixés par décret en Conseil d'Etat » ; que, selon les dispositions de l'article 324 AE de l'annexe III au même code : « Le prix de revient visé à l'article 1499 du code général des impôts s'entend de la valeur d'origine pour laquelle les immobilisations doivent être inscrites au bilan en conformité de l'article 38 quinquies de la présente annexe » ; qu'aux termes de ce dernier article : « Les immobilisations sont inscrites au bilan pour leur valeur d'origine. Cette valeur d'origine s'entend : Pour les immobilisations acquises à titre onéreux par l'entreprise, du coût d'acquisition, c'est-à-dire du prix d'achat majoré des frais accessoires nécessaires à la mise en état d'utilisation du bien » ;

Considérant que revêtent un caractère industriel, au sens de l'article 1499 précité du code général des impôts, les établissements dont l'activité nécessite d'importants moyens techniques, non seulement lorsque cette activité consiste dans la fabrication ou la transformation de biens corporels mobiliers, mais aussi lorsque le rôle des installations techniques, matériels et outillages mis en oeuvre, fût-ce pour les besoins d'une autre activité, est prépondérant ; qu'il résulte de l'instruction, ainsi qu'il a été dit plus haut, que tel est le cas en l'espèce ; que, dès lors, la société n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration fiscale a considéré que les opérations effectuées par la société requérante présentaient un caractère industriel au sens et pour l'application de l'article 1499 précité du code général des impôts ;

Considérant qu'il résulte des dispositions précitées des articles 38 quinquies et 324 AE de l'annexe III au code général des impôts que c'est à bon droit que l'administration fiscale s'est fondée, pour évaluer la valeur locative du terrain en litige, sur la valeur mentionnée dans l'acte notarié, publié à la conservation des hypothèques le 11 mars 1993, par lequel la société requérante a acquis le terrain en litige, sans qu'il y ait lieu de distinguer au sein du coût d'acquisition ce qui relevait, le cas échéant, d'un surcroît de valeur lié à l'exploitation du terrain en vue de l'enfouissement des déchets ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société SITA FD n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, la somme que la société SITA FD demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société anonyme SITA FD est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société anonyme SITA FD et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Délibéré après l'audience du 31 octobre 2006 à laquelle siégeaient :

- Mme Câm Vân Helmholtz, président de chambre,

- Mme Brigitte Phémolant, président-assesseur,

- M. Patrick Minne, premier conseiller.

Lu en audience publique le 14 novembre 2006.

Le rapporteur,

Signé : P. MINNE

Le président,

Signé : C. V. HELMHOLTZ

Le greffier,

Signé : M. T. LEVEQUE

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le Greffier

M. T. LEVEQUE

2

N°05DA00218


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 05DA00218
Date de la décision : 14/11/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme Helmholtz
Rapporteur ?: M. Patrick Minne
Rapporteur public ?: M. Mesmin d'Estienne
Avocat(s) : CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2006-11-14;05da00218 ?
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