La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/11/2006 | FRANCE | N°05DA01377

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3, 14 novembre 2006, 05DA01377


Vu la requête, enregistrée le 14 novembre 2005 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la société à responsabilité limitée , dont le siège est ..., par Me Mbarga ; la société demande à la Cour :

11) d'annuler le jugement nos 0104673 et 0200583 du 4 octobre 2005 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes tendant à la condamnation solidaire de la commune de Courcelles-les-Lens, du département du Pas-de-Calais et de l'Etat à lui verser la somme de 136 042,45 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 4

avril 2001, en réparation du préjudice commercial qu'elle a subi dans l'ex...

Vu la requête, enregistrée le 14 novembre 2005 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la société à responsabilité limitée , dont le siège est ..., par Me Mbarga ; la société demande à la Cour :

11) d'annuler le jugement nos 0104673 et 0200583 du 4 octobre 2005 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes tendant à la condamnation solidaire de la commune de Courcelles-les-Lens, du département du Pas-de-Calais et de l'Etat à lui verser la somme de 136 042,45 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 4 avril 2001, en réparation du préjudice commercial qu'elle a subi dans l'exploitation d'une station service et d'un garage au cours des travaux exécutés durant les années 2000 et 2001 sur la route départementale n° 160 ;

2°) de condamner solidairement la commune de Courcelles-les-Lens, le département du

Pas-de-Calais et l'Etat à lui verser ladite somme, assortie des intérêts dans les conditions

sus-énoncées ;

3°) de condamner solidairement la commune de Courcelles-les-Lens, le département du

Pas-de-Calais et l'Etat à lui verser la somme de 4 573,47 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La société soutient :

- que les travaux publics en cause, qui ont été particulièrement longs et qui ont nécessité la fermeture à la circulation de la rue des Poilus, ont eu pour effet d'empêcher les automobilistes de se rendre dans l'établissement qu'elle exploitait et lui ont occasionné une perte importante de clientèle ; qu'ainsi et contrairement à ce qu'a estimé le tribunal administratif, la gêne qu'elle a subie dans son exploitation excédait les sujétions que doivent supporter sans indemnité les riverains des voies publiques ;

- que la réalité et l'importance du préjudice subi par l'exposante, qui correspond à la perte de marge bénéficiaire mise en évidence par rapport au niveau d'activité observé au cours des périodes antérieures aux travaux, est établie, tant s'agissant de la période durant laquelle les travaux en cause ont été exécutés, que s'agissant de l'année qui a suivi leur achèvement et durant laquelle elle a tenté de reconstituer sa clientèle ; qu'il y a lieu, en outre, d'inclure dans ce préjudice la dépréciation de son fonds de commerce, qu'elle a été contrainte de céder à vil prix afin d'éviter un dépôt de bilan ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu l'ordonnance en date du 21 novembre 2005 par laquelle le président de la 2ème chambre de la Cour administrative d'appel de Douai fixe la clôture de l'instruction au 28 avril 2006 ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 17 janvier 2006, présenté pour la commune de Courcelles-les-Lens (62970), représentée par son maire en exercice, par Me Rapp ; la commune de Courcelles-les-Lens conclut, à titre principal, au rejet de la requête et à la condamnation de la société à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à titre subsidiaire, au rejet de toute conclusion d'appel en garantie qui serait formulée à son encontre ;

La commune de Courcelles-les-Lens soutient :

- à titre principal, que les travaux en cause n'ont pas occasionné au commerce de la requérante une gêne excédant les désagréments que sont normalement tenus de supporter les riverains de la voie publique, l'accès à cet établissement ayant toujours été possible par la rue de Préssencé, qui n'a pas été directement concernée par le chantier ;

- que, par ailleurs, les postes de distribution d'essence exploités par la société étaient établis sur le domaine public départemental, en vertu d'une permission de voirie dont le caractère précaire fait obstacle à ce que son titulaire puisse prétendre à une quelconque indemnité en raison de la gêne provisoire qui pourrait résulter de travaux exécutés dans l'intérêt de la voirie ;

- qu'au surplus, le préjudice dont fait état la société n'est établi par aucune pièce comptable, ni aucune autre pièce justificative ;

- à titre subsidiaire, que la garantie de l'exposante, qui n'a commis aucune faute, ne saurait être valablement recherchée ;

Vu le mémoire en défense, enregistré au greffe le 31 janvier 2006, présenté pour le département du Pas-de-Calais, représenté par le président du conseil général en exercice, par Me Caffier ; le département conclut, à titre principal, au rejet de la requête et à la condamnation de la société à lui verser la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, à titre subsidiaire, à ce que la commune de Courcelles-les-Lens ou l'Etat soient condamnés à le garantir de toute condamnation susceptible d'être prononcée à son encontre, en principal, intérêts et frais ;

Le département du Pas-de-Calais soutient :

- à titre principal, que le préjudice allégué ne présente pas un caractère anormal, l'accès au fonds de commerce de la requérante n'ayant jamais été rendu impossible, dès lors que les travaux n'ont jamais atteint la rue de Préssencé qui le dessert ;

- qu'au surplus, le préjudice allégué, dont le lien avec les travaux en cause n'est d'ailleurs pas établi, n'est justifié par aucune pièce comptable ;

- à titre subsidiaire, que les travaux en cause, dont la commune de Courcelles-les-Lens a pris l'initiative, ont été réalisés sous maîtrise d'oeuvre d'un service de l'Etat ;

Vu le mémoire en défense, parvenu par télécopie au greffe de la Cour le 27 avril 2006 et confirmé par courrier original le 3 mai 2006, présenté au nom de l'Etat par le ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer ; le ministre conclut au rejet de la requête et des conclusions d'appel en garantie dirigées contre l'Etat ;

Le ministre soutient :

- qu'en tant qu'elle est dirigée contre l'Etat, la requête est irrecevable comme insuffisamment motivée ;

- qu'au fond, l'Etat n'est ni maître d'ouvrage des travaux en cause, ni gestionnaire de la voie concernée ;

- que, par ailleurs, les postes de distribution d'essence exploités par la société étaient établis sur le domaine public départemental, en vertu d'une permission de voirie dont le caractère précaire fait obstacle à ce que son titulaire puisse prétendre à une quelconque indemnité en raison de la gêne provisoire qui pourrait résulter de travaux exécutés dans l'intérêt de la voirie ;

- que le lien de causalité entre le préjudice allégué par la requérante et les travaux en cause n'est pas établi, alors que l'accès à son fonds de commerce a toujours été possible ;

- que les conséquences des modifications apportées à la circulation générale n'ouvrent, en principe, pas droit à indemnité ;

- que la réalité du préjudice allégué n'est établie par aucune pièce justificative ;

- que les conclusions d'appel en garantie dirigées contre l'Etat ne peuvent qu'être rejetées ; qu'en effet, la circonstance que les travaux en cause aient été réalisés avec le concours d'un service de l'Etat n'est pas de nature à exonérer les maîtres d'ouvrage de leur responsabilité ; que le fondement sur lequel la responsabilité de l'Etat est recherchée n'est pas précisé ; que la réception sans réserve des travaux a mis fin aux relations contractuelles du maître d'ouvrage avec le maître d'oeuvre ;

Vu l'ordonnance en date du 3 mai 2006, par laquelle le président de la 2ème chambre de la Cour administrative d'appel de Douai décide la réouverture de l'instruction ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 19 octobre 2006, présenté pour la société et concluant aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi du 28 pluviôse an VIII ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 31 octobre 2006 à laquelle siégeaient Mme Câm Vân Helmholtz, président de chambre, Mme Brigitte Phémolant, président-assesseur et M. Manuel Delamarre, premier conseiller :

- le rapport de Mme Brigitte Phémolant, président-assesseur,

- les observations de Me Mostaert, pour la commune de Courcelles-les-Lens et de Me Caffier, pour le département du Pas-de-Calais ;

- et les conclusions de M. Olivier Mesmin d'Estienne, commissaire du gouvernement ;

Considérant que la société a exploité jusqu'au 30 juin 2001, date de cession de son fonds de commerce, un garage automobile et une station service à Courcelles-les-Lens (Pas-de-Calais), ledit établissement étant situé au carrefour formé par la rue des Poilus, la rue Renan, la rue Louis Blanc et la rue Francis de Préssencé ; que, de mi-octobre à la fin du mois de décembre de l'année 2000, le département du Pas-de-Calais a fait exécuter des travaux de décaissement et de reconstruction du corps de chaussée de la rue des Poilus, ou route départementale n° 160, à la suite desquels la commune de Courcelles-les-Lens a engagé sur cette même voie, entre le 1er janvier et le 5 juillet 2001, un aménagement qualitatif, sous maîtrise d'oeuvre partielle de la direction départementale de l'équipement ; que la société , qui estime avoir subi une perte de clientèle et une dépréciation de son fonds de commerce en raison des perturbations de circulation liées à l'exécution de ces travaux, forme appel du jugement du 4 octobre 2005 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes tendant à la condamnation solidaire de la commune de Courcelles-les-Lens, du département du Pas-de-Calais et de l'Etat à réparer le préjudice correspondant ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre :

Considérant que, pour permettre l'exécution desdits travaux, le maire de Courcelles-les-Lens a pris successivement deux arrêtés, les 22 août et 11 octobre 2000, restreignant temporairement la circulation automobile et le stationnement rue des Poilus et place Jean Jaurès durant les périodes comprises respectivement entre le 16 août et le 22 décembre 2000 et entre le 12 octobre 2000 et le 27 avril 2001 ; qu'il résulte toutefois de l'instruction et notamment du plan des déviations mises en place en application desdits arrêtés municipaux que le garage automobile exploité par la société est demeuré accessible pendant toute la durée des travaux depuis la rue Francis de Pressencé, et n'a été concerné ni par les travaux eux-mêmes, ni par les mesures de restriction de circulation décidées pour permettre leur exécution ; que, par suite, les gênes qu'a subies la société dans l'exploitation de ce fonds de commerce durant l'exécution desdits travaux n'ont pas excédé les inconvénients que sont normalement tenus de supporter sans indemnité les riverains de la voie publique ; que, par ailleurs, si la société invoque les désagréments subis par les clients de la station service en conséquence des restrictions de circulation mises en place sur la route départementale n° 160 pour l'exécution du chantier, il résulte de l'instruction, d'une part, que lesdits travaux ont été exécutés dans l'intérêt de la voirie et, d'autre part, que les pistes d'accès aux postes de distribution de carburant sont aménagées sur la route départementale n° 160 en vertu d'une permission de voirie délivrée en dernier lieu par le département du Pas-de-Calais le 6 mars 1997 ; qu'il suit de là que la société requérante ne saurait demander réparation de ces désagréments sur le fondement du régime de responsabilité applicable aux dommages de travaux publics ; que, dès lors, la société n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Courcelles-les-Lens, du département du Pas-de-Calais et de l'Etat à réparer le préjudice commercial qu'elle estime avoir subi ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Courcelles-les-Lens, du département du Pas-de-Calais et de l'Etat, qui ne sont pas, en la présente instance, parties perdantes, la somme que la société demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

Considérant qu'il n'y a pas lieu, par application de ces mêmes dispositions et dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société , les sommes que la commune de Courcelles-les-Lens et le département du Pas-de-Calais demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Courcelles-les-Lens et du département du

Pas-de-Calais tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL , à la commune de Courcelles-les-Lens, au département du Pas-de-Calais ainsi qu'au ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer.

Délibéré après l'audience du 31 octobre 2006, à laquelle siégeaient :

- Mme Câm Vân Helmholtz, président de chambre,

- Mme Brigitte Phémolant, président-assesseur,

- M. Manuel Delamarre, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 14 novembre 2006.

Le rapporteur,

Signé : B. PHEMOLANT

Le président de chambre,

Signé : C.V. HELMHOLTZ

Le greffier,

Signé : M.T. LEVEQUE

La République mande et ordonne au ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le Greffier

M.T. LEVEQUE

2

N°05DA01377


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 05DA01377
Date de la décision : 14/11/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme Helmholtz
Rapporteur ?: Mme Brigitte (AC) Phémolant
Rapporteur public ?: M. Mesmin d'Estienne
Avocat(s) : SCM KOFFI - MBARGA

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2006-11-14;05da01377 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award