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16/11/2006 | FRANCE | N°05DA01345

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3, 16 novembre 2006, 05DA01345


Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai les 27 octobre 2005 et 23 janvier 2006, présentés pour la COMMUNE DE SANTES, représentée par son maire en exercice, par Me Gros, avocat ; la COMMUNE DE SANTES demande à la Cour :

11) d'annuler le jugement n° 0406878, en date du 21 juillet 2005, par lequel le Tribunal administratif de Lille a, à la demande de la SCI Râches 83, annulé la décision, en date du

17 juillet 2004, par laquelle son maire a refusé de lui délivrer un permis de construire, ensemble la

décision en date du 15 octobre 2004 rejetant le recours gracieux et l'a co...

Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai les 27 octobre 2005 et 23 janvier 2006, présentés pour la COMMUNE DE SANTES, représentée par son maire en exercice, par Me Gros, avocat ; la COMMUNE DE SANTES demande à la Cour :

11) d'annuler le jugement n° 0406878, en date du 21 juillet 2005, par lequel le Tribunal administratif de Lille a, à la demande de la SCI Râches 83, annulé la décision, en date du

17 juillet 2004, par laquelle son maire a refusé de lui délivrer un permis de construire, ensemble la décision en date du 15 octobre 2004 rejetant le recours gracieux et l'a condamnée à verser à la

SCI Râches 83 la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de rejeter la demande de la SCI Râches 83 ;

3°) de mettre à la charge de la SCI Râches 83 la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que le jugement est entaché d'erreur de droit comme de fait et d'erreur manifeste d'appréciation ; que la parcelle sur laquelle la construction est projetée, est grevée d'une servitude d'utilité publique au profit de l'Etat, liée aux oléoducs de défense commune ; que le Tribunal a commis une erreur de fait, ou à tout le moins, une erreur manifeste d'appréciation, dans la mesure où la construction projetée enclave totalement le reste de la parcelle y compris pour le passage d'un homme et empêche ainsi le passage effectif destiné à l'entretien du pipe-line ; que l'autre accès auquel le jugement fait allusion est juridiquement inadapté en raison de son classement en zone Ap du plan local d'urbanisme ; que la direction des relations avec les collectivités locales n'a pas été consultée sur le projet ; que la servitude n'est plus juridiquement garantie et contrevient aux règles imposées par les servitudes d'utilité publique ; qu'en ce qui concerne la servitude privée de passage, le jugement ne prend pas en compte le fait que la commune doit également prendre en considération les risques d'engagement de sa propre responsabilité à l'égard des tiers si ceux-ci subissent un préjudice né de la construction concernant leur droit de passage ; que le maire, en délivrant le permis de construire, ne peut porter atteinte aux droits des tiers ; qu'ainsi, un permis de construire ne peut priver un voisin d'une servitude civile de passage ; que tel serait le cas en l'espèce ; qu'en outre, la responsabilité de la commune pourrait se trouver engagée ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu l'ordonnance en date du 29 août 2006 portant clôture de l'instruction au 2 octobre 2006 ;

Vu le mémoire en défense, enregistré par télécopie le 28 septembre 2006 et régularisé par l'envoi de l'original le 29 septembre 2006, présenté pour la SCI Râches 83, dont le siège est situé

83 rue Jean Jaurès à Santes (59211), par la SCP Savoye et Associés, avocat ; elle conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge de la COMMUNE DE SANTES la somme de

3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient que la commune lui ayant délivré un permis de construire, il n'y a plus lieu de statuer sur sa requête ; que le moyen tiré d'une prétendue violation d'une servitude d'utilité publique n'est pas sérieux ; que la mention de la correspondance de la direction générale des collectivités locales n'est pas suffisante ; que la convention du 17 mars 1958 n'est pas produite et n'est pas connue de la société concessionnaire ; que l'avis de la société gestionnaire ne fait à aucun moment mention de la nécessité de ménager un accès pour accéder aux parcelles traversées par le pipe-line ; qu'un tel accès ne figure pas sur les plans joints ; qu'une telle servitude n'a pas été opposée aux propriétaires voisins ; que la seule servitude consistant à créer un couloir de sécurité autour du pipe-line a été respectée ; que l'ordonnance de référé produite par la COMMUNE DE SANTES ne règle pas la question ; que l'existence d'une servitude de droit privé ne peut justifier un refus de permis de construire ;

Vu l'ordonnance en date du 29 septembre 2006 portant réouverture de l'instruction ;

Vu le mémoire, enregistré le 2 octobre 2006, présenté par le ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer, par lequel il déclare ne pas avoir d'observations à formuler ;

Vu le mémoire, enregistré le 20 octobre 2006, présenté pour la COMMUNE DE SANTES, qui conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures ; qu'elle fait, en outre, valoir que la convention du 17 mars 1958 n'est pas produite ; qu'il est impossible d'envisager une voie d'accès par une parcelle voisine ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu la loi n° 49-1060 du 2 août 1949 modifiée, relative à la construction d'un pipe-line entre la Basse-Seine et la région parisienne et à la création d'une société des transports pétroliers par

pipe-line, ensemble le décret n° 50-836 du 8 juillet 1950 pris pour son application ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 novembre 2006 à laquelle siégeaient Mme Christiane Tricot, président de chambre, M. Olivier Yeznikian, président-assesseur et Mme Agnès Eliot, premier conseiller :

- le rapport de M. Olivier Yeznikian, président-assesseur ;

- les observations de Me Duval, pour la COMMUNE DE SANTES, et de Me Delgorgue, pour la SCI Râches 83 ;

- et les conclusions de M. Jacques Lepers, commissaire du gouvernement ;

Sur l'exception tirée de l'existence d'un non-lieu présentée par la SCI Râches 83 :

Considérant que s'il est constant que, par une décision en date du 24 décembre 2005, le maire de la COMMUNE DE SANTES a délivré à la SCI Râches 83, postérieurement à un premier refus, le permis de construire qu'elle avait sollicité, il ressort des termes de cet arrêté qu'il n'a été pris, après un nouvel examen et compte tenu des motifs retenus par le Tribunal, que dans le souci de se conformer au jugement d'annulation en date du 21 juillet 2005 ; que, par ailleurs, la commune ayant relevé appel de ce jugement, elle n'a pas entendu postérieurement à l'arrêté du 24 décembre 2005 se désister de sa requête ; que, dans ces conditions, la requête de la COMMUNE DE SANTES n'est pas devenue sans objet du fait de l'intervention de l'arrêté précité ;

Sur les conclusions de la requête :

Considérant que, par un arrêté en date du 17 juillet 2004, le maire de la COMMUNE DE SANTES a refusé de délivrer, à la SCI Râches 83, le permis de construire qu'elle avait sollicité en vue d'édifier, sur la parcelle cadastrée AH 88, un local de stockage d'outillage et de matériaux d'artisan, en se fondant sur l'atteinte, d'une part, à une servitude d'utilité publique, d'autre part, à l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme et, enfin, à une servitude de passage de droit privé ; que la COMMUNE DE SANTES relève appel du jugement en date du 21 juillet 2005 par lequel le Tribunal administratif de Lille a annulé cette décision, ensemble la décision de rejet du recours gracieux formé par le pétitionnaire ;

Considérant, en premier lieu, qu'en vertu du quatrième alinéa de l'article 7 de la loi susvisée du 2 août 1949, les possesseurs de terrains grevés de la servitude de passage liée à la présence de la canalisation d'hydrocarbures seront tenus de s'abstenir de tout acte susceptible de nuire au bon fonctionnement du pipe-line ; qu'en application de l'article 1er du décret susvisé du 14 juillet 1950 pris en application de la loi précitée, la servitude de passage prévue par l'article 7 de la loi, mentionné précédemment, donne droit à la société des transports pétroliers par pipe-line, à l'intérieur d'une bande de terrain large de 15 mètres : « (…) 3° D'accéder en tout temps audit terrain (…) ;

5° D'effectuer tous travaux d'entretien et de réparation conformément aux dispositions de l'article 5 du décret » ; que l'article 2 du même décret dispose que : « La servitude oblige les propriétaires ou leurs ayants droit : - à ne faire dans la bande réduite de 5 mètres où sont localisées les canalisations, ni constructions en dur, ni travail à plus de 60 centimètres de profondeur ; - à s'abstenir de tout acte de nature à nuire au bon fonctionnement, à l'entretien et à la conservation de l'ouvrage et, notamment, à toute plantation d'arbres ou d'arbustes » ; que la servitude d'utilité publique affectant l'utilisation du sol et résultant du passage d'une canalisation enterrée d'hydrocarbures Dunkerque-Cambrai, exploitée par la société d'économie mixte, concessionnaire de l'Etat, dénommée la « société des transports pétroliers par pipe-line », dite Trapil, a été publiée en annexe du plan d'occupation des sols de la communauté urbaine de Lille, dont est membre de la COMMUNE DE SANTES, et était donc opposable aux demandes d'autorisation d'occupation du sol en application de l'article L. 126-1 du code de l'urbanisme ;

Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment des avis recueillis à deux reprises, et après l'annulation prononcée par le Tribunal administratif, auprès de la société Trapil, concessionnaire du pipe-line, que la construction envisagée par la SCI Râches 83 sur la parcelle

AH 88 porterait atteinte à la servitude d'utilité publique dont s'agit ou que le projet de construction serait de nature à empêcher tout accès à la canalisation ; que, par suite, le maire de la COMMUNE DE SANTES a entaché d'illégalité son refus de délivrance du permis de construire sollicité en retenant l'existence d'une atteinte à la servitude d'utilité publique mentionnée ci-dessus ou en estimant que la construction serait de nature à créer un risque pour la sécurité publique au sens de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme qui dispose que : « Le permis de construire peut être refusé ou n'être accordé que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation ou leurs dimensions, sont de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique » ;

Considérant, en deuxième lieu, que le permis de construire est délivré sous réserve du droit des tiers ; que, par suite, le maire de la COMMUNE DE SANTES ne pouvait se fonder sur l'autre motif tiré de l'existence d'une servitude de passage de droit privé, même régulièrement publiée, pour refuser la délivrance du permis de construire sollicité, ni, par ailleurs, sur le risque de mise en cause de la responsabilité de la commune fondée sur une telle délivrance ; que, par suite, la COMMUNE DE SANTES n'est pas fondée à soutenir qu'un tel motif était de nature à justifier légalement le refus qu'elle a opposé à la demande de permis de construire de la SCI Râches 83 ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la COMMUNE DE SANTES n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a prononcé l'annulation de l'arrêté, en date du 17 juillet 2004, par lequel son maire a refusé la délivrance d'un permis de construire à la SCI Râches 83 un local de stockage sur la parcelle AH 88 ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'en revanche, il y a lieu, sur le fondement de ces dernières dispositions, de mettre à la charge de la COMMUNE DE SANTES le paiement à la

SCI Râches 83 de la somme de 1 500 euros au titre des frais que celle-ci a exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la COMMUNE DE SANTES est rejetée.

Article 2 : La COMMUNE DE SANTES versera à la SCI Râches 83 la somme de

1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la COMMUNE DE SANTES, à la SCI Râches 83, au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et au ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer.

Copie sera transmise pour information au préfet du Nord.

Délibéré après l'audience du 2 novembre 2006 à laquelle siégeaient :

- Mme Christiane Tricot, président de chambre,

- M. Olivier Yeznikian, président-assesseur,

- Mme Agnès Eliot, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 16 novembre 2006.

Le rapporteur,

Signé : O. YEZNIKIAN

Le président de chambre,

Signé : C. TRICOT

Le greffier,

Signé : B. ROBERT

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et au ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer chacun en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le greffier

Bénédicte ROBERT

N°05DA01345 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 05DA01345
Date de la décision : 16/11/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Tricot
Rapporteur ?: M. Olivier Yeznikian
Rapporteur public ?: M. Lepers
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS MANUEL GROS

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2006-11-16;05da01345 ?
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