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16/11/2006 | FRANCE | N°06DA00206

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3, 16 novembre 2006, 06DA00206


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai le

10 février 2006, présentée pour la COMMUNE DE MARCHIENNES, représentée par son maire en exercice, par Me Meigné ; la COMMUNE DE MARCHIENNES demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement nos 0401521-0401522 en date du 3 novembre 2005 par lequel le Tribunal administratif de Lille, en premier lieu, a annulé les décisions implicites de rejet nées du silence gardé par le maire de la COMMUNE DE MARCHIENNES aux demandes en date du

5 décembre 2003 des époux X tendant, d'une part,

ce que le maire use de ses pouvoirs de police en vue de faire cesser les inondat...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai le

10 février 2006, présentée pour la COMMUNE DE MARCHIENNES, représentée par son maire en exercice, par Me Meigné ; la COMMUNE DE MARCHIENNES demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement nos 0401521-0401522 en date du 3 novembre 2005 par lequel le Tribunal administratif de Lille, en premier lieu, a annulé les décisions implicites de rejet nées du silence gardé par le maire de la COMMUNE DE MARCHIENNES aux demandes en date du

5 décembre 2003 des époux X tendant, d'une part, à ce que le maire use de ses pouvoirs de police en vue de faire cesser les inondations récurrentes du terrain dont ils sont propriétaires, d'autre part, à ce que la commune leur verse une indemnité en réparation des conséquences dommageables des inondations qu'ils subissent, en deuxième lieu, a enjoint au maire d'adopter un plan de défense contre les inondations qui affectent le terrain de M. et Mme X, et enfin, a condamné la commune à verser à ces derniers une indemnité de 4 461 euros ;

2°) de rejeter les demandes présentées en première instance par M. et Mme X ;

3°) de condamner ces derniers à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que l'expert désigné par la juridiction civile a relevé que c'était la surélévation du sol de la propriété voisine de celle des époux X et la surélévation de la partie sud du chemin d'exploitation qui étaient les causes déterminantes des inondations constatées chez les époux X ; que, si l'expert a recommandé la pose de drains de type agricole qui traverseraient la parcelle 1640 côté Nord-Sud, il n'a pas certifié que l'exécution de ces travaux remédierait nécessairement aux désordres invoqués par les époux X ; que sur le territoire de Marchiennes, il n'existe pas de plan de prévention ; que le maire est intervenu plusieurs fois auprès des époux X mais qu'il s'est opposé à un refus de leur part ; que la responsabilité ne peut être invoquée sur le fondement des articles L. 2212-1 et L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales car le maire n'avait pas la possibilité de prévenir, par des précautions convenables, les accidents de toute nature telles que les inondations ; que la commune est dans l'impossibilité à ce jour d'adopter un plan de défense contre les inondations ; que c'est à tort que le Tribunal a retenu que la commune avait commis une faute lourde de nature à engager sa responsabilité en ne procédant pas ou en ne faisant pas procéder aux travaux nécessaires au rétablissement du libre écoulement des eaux pluviales ; qu'en réalité, il s'agit d'un contentieux privé entre les époux X et leurs propres voisins ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 4 septembre 2006, présenté pour M et Mme X, qui concluent au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, à la condamnation de la COMMUNE DE MARCHIENNES à leur verser une indemnité de 16 464 euros en réparation de leur préjudice et la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; ils soutiennent que l'enquête publique, organisée à l'occasion de la révision du plan d'occupation des sols le 11 janvier 2002, a révélé que la zone 1NA du secteur de la rue d'Elpret posait « des problèmes importants » ; que le commissaire enquêteur avait recommandé la remise en état des fossés ; que ces préconisations vont dans le même sens que celles des conclusions de l'expert judiciaire ; que, contrairement à ce que soutient la commune, celle-ci dispose de possibilités techniques pour faire cesser la situation irrégulière en adoptant un plan de défense contre les inondations et peut contraindre les différents propriétaires à rouvrir les fossés ; qu'il importe peu que certains voisins aient également une part de responsabilité dans la survenance des désordres ; que l'indemnité que la COMMUNE DE MARCHIENNES a été condamnée à leur verser est insuffisante ; que les inondations sont à l'origine de pertes de jouissance et de troubles dans leurs conditions d'existence constituant un préjudice dont le montant de réparation doit être fixé à

15 000 euros ; qu'il y a lieu de condamner la commune à leur verser une indemnité de 1 461 euros, correspondant au coût de l'expertise ordonnée par le président du Tribunal de grande instance de Douai ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 novembre 2006 à laquelle siégeaient Mme Christiane Tricot, président de chambre, M. Olivier Yeznikian, président-assesseur et Mme Agnès Eliot, premier conseiller :

- le rapport de Mme Agnès Eliot, premier conseiller ;

- les observations de Me Bodart, pour M. et Mme X ;

- et les conclusions de M. Jacques Lepers, commissaire du gouvernement ;

Sur l'appel principal de la COMMUNE DE MARCHIENNES :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 2212-1 du code général des collectivités territoriales : « Le maire est chargé, sous le contrôle administratif du représentant de l'Etat dans le département, de la police municipale (…) » ; qu'aux termes de l'article L. 2212-2 du même code : « La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publique. Elle comprend notamment : (...) 5° Le soin de prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, les accidents et les fléaux calamiteux ainsi que les pollutions de toute nature, tels que (…) les inondations (…) » ;

Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expertise ordonnée par le juge des référés du Tribunal de grande instance de Douai, que les inondations répétées sur le terrain de M. et Mme X, constatées depuis 1998 et résultant d'une évacuation insuffisante des eaux pluviales de leur propriété ont pour causes principales le rehaussement du sol des parcelles voisines (notamment de la parcelle 954), à la suite du régalage des terres issues du creusement d'étangs, le comblement de fossés situés sur d'autres propriétés privées (dont la parcelle 1994) et, enfin, les conditions de rebouchage d'une tranchée à l'issue des travaux de pose d'une conduite de la société Air Liquide ; que, pour remédier à ces désordres, l'expert a préconisé, pour un montant de 2 500 euros, le creusement de fossés sur les parcelles en cause et la pose de drains de type agricole traversant le terrain de M. et Mme X ; que ce diagnostic avait déjà été posé le

4 février 2002 par le commissaire enquêteur qui préconisait de prohiber les rehaussements de terrains dans la zone concernée et la remise en état des anciens fossés situés sur le domaine public communal ; que, contrairement à ce que soutient la commune, et alors même que les désordres constatés étaient susceptibles, par ailleurs, de faire naître des litiges de droit privé, le maire tenait des pouvoirs généraux de police qui lui sont conférés par les dispositions précitées du code général des collectivités territoriales, le droit d'enjoindre aux propriétaires intéressés de faire disparaître toute cause à l'origine des désordres litigieux ; qu'il lui appartenait, sur le même fondement, de mettre en oeuvre tous les moyens susceptibles de prévenir les inondations sur sa commune ; que, dès lors, le maire de la COMMUNE DE MARCHIENNES, ne pouvait sans commettre d'illégalité, rejeter la demande des époux X tendant à ce qu'il use de ses pouvoirs de police pour faire cesser les désordres qu'ils subissaient ; que, par suite, c'est à bon droit, que les premiers juges ont annulé la décision attaquée du maire de la COMMUNE DE MARCHIENNES ;

Considérant, d'autre part, que contrairement à ce que soutient la commune, il ne ressort pas des pièces du dossier que celle-ci se trouvait dans l'impossibilité d'établir un plan de défense contre les inondations, alors même que les services départementaux se seraient abstenus d'intervenir sur ce point ; que, par suite, la COMMUNE DE MARCHIENNES, qui n'en conteste d'ailleurs pas l'utilité, n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif lui a enjoint d'adopter un plan de défense contre les inondations ;

Considérant, enfin, qu'il résulte de ce qui précède que la carence du maire à prendre toute mesure préventive ou curative afin de mettre fin aux inondations dont il s'agit constitue une faute de nature à engager sa responsabilité ; que, par suite, la COMMUNE DE MARCHIENNES n'est pas davantage fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif l'a reconnue responsable des désordres subis par les époux X ;

Sur l'appel incident de M. et Mme X :

Considérant, d'une part, que si M. et Mme X font valoir qu'ils ont subi, du fait des inondations de leur propriété, d'importants troubles dans leurs conditions d'existence, il ne résulte pas de l'instruction que le tribunal administratif a fait une inexacte appréciation du montant de réparation de leur préjudice en le fixant à 3 000 euros ; que, par ailleurs, les époux X n'apportent aucune précision chiffrée sur le préjudice qu'ils auraient subi à la suite de la perte d'espèces d'arbres et de plantes d'agrément ;

Considérant, d'autre part, que le Tribunal a condamné la COMMUNE DE MARCHIENNES à verser aux époux X la somme de 1 461 euros, correspondant aux frais exposés devant le Tribunal de grande instance de Douai, pour la réalisation d'une expertise ; que, par suite, la demande de ces derniers tendant à mettre à la charge de la COMMUNE DE MARCHIENNES la somme dont il s'agit est sans objet ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme X, ne sont pas fondés , par la voie de l'appel incident, à demander que l'indemnité mise à la charge de la COMMUNE DE MARCHIENNES soit portée à la somme de 16 464 euros ;

Sur les conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que M. et Mme X n'étant pas, dans la présente instance, pour l'essentiel, partie perdante, ne sauraient être condamnés à verser à la COMMUNE DE MARCHIENNES la somme qu'elle demande au titre des frais engagés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la COMMUNE DE MARCHIENNES à verser la somme de 1 500 euros que les époux X réclament sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la COMMUNE DE MARCHIENNES et le recours incident de

M. et Mme X sont rejetés.

Article 2 : La COMMUNE DE MARCHIENNES est condamnée à verser à

M. et Mme X la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la COMMUNE DE MARCHIENNES et à

M. et Mme Norbert X.

Copie sera transmise au préfet du Nord.

Délibéré après l'audience du 2 novembre 2006 à laquelle siégeaient :

- Mme Christiane Tricot, président de chambre,

- M. Olivier Yeznikian, président-assesseur,

- Mme Agnès Eliot, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 16 novembre 2006.

Le rapporteur,

Signé : A. ELIOT

Le président de chambre,

Signé : C. TRICOT

Le greffier,

Signé : B. ROBERT

La République mande et ordonne au ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le greffier

Bénédicte Robert

N°06DA00206 2


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : Mme Tricot
Rapporteur ?: Mme Agnès Eliot
Rapporteur public ?: M. Lepers
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS ADEKWA

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3
Date de la décision : 16/11/2006
Date de l'import : 04/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 06DA00206
Numéro NOR : CETATEXT000018003355 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2006-11-16;06da00206 ?
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