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30/11/2006 | FRANCE | N°05DA00892

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3 (ter), 30 novembre 2006, 05DA00892


Vu la requête, enregistrée le 19 juillet 2005 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la COMMUNE DE SAINT AUBIN LES ELBEUF, représentée par son maire en exercice, par Me Confino ; la commune demande à la Cour :

11) d'annuler le jugement n° 0201642 en date du 28 avril 2005 par lequel le tribunal administratif de Rouen a annulé, à la demande de la société DL Cutting, la délibération du conseil municipal de la COMMUNE DE SAINT AUBIN LES ELBEUF en date du 19 avril 2002 ;

2°) de rejeter la demande présentée en première instance par la soc

iété DL Cutting ;

3°) de condamner ladite société à lui verser la somme de ...

Vu la requête, enregistrée le 19 juillet 2005 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la COMMUNE DE SAINT AUBIN LES ELBEUF, représentée par son maire en exercice, par Me Confino ; la commune demande à la Cour :

11) d'annuler le jugement n° 0201642 en date du 28 avril 2005 par lequel le tribunal administratif de Rouen a annulé, à la demande de la société DL Cutting, la délibération du conseil municipal de la COMMUNE DE SAINT AUBIN LES ELBEUF en date du 19 avril 2002 ;

2°) de rejeter la demande présentée en première instance par la société DL Cutting ;

3°) de condamner ladite société à lui verser la somme de 4 000 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que la délibération litigieuse a constitué l'approbation ou l'avis favorable émis par la commune, conformément à l'article L. 324-1 alinéa 5 du code de l'urbanisme, sur l'opération d'acquisition par l'établissement public de la Basse Seine, devenu l'établissement public foncier de Normandie, de l'ensemble immobilier appartenant à la société Herlitz, objet de la déclaration d'intention d'aliéner du 4 mars 2002 ; que c'est l'établissement public foncier lui-même, par délibération du 29 mars 2002 de son conseil d'administration, prise en application de la délibération du 7 février 2002 du conseil municipal, prise elle-même en application de l'article L. 231-3 du code de l'urbanisme, qui a décidé d'exercer le droit de préemption urbain sur l'ensemble immobilier concerné, mais encore a effectivement exercé ce droit et réalisé l'opération d'acquisition du site, ainsi que l'attestent la lettre précitée en date du même 29 avril 2002, adressée à M. X, d'une part, et l'acte d'acquisition du 16 juillet 2002 conclu avec la société Herlitz, d'autre part; qu'en conséquence, la délibération du 19 avril 2002 n'est entachée d'aucun vice de compétence ; que cette délibération ne constituant pas une décision de préemption au sens de l'article L. 210-1 alinéa 2 du code de l'urbanisme, ne pouvait encourir d'annulation au titre d'une prétendue insuffisance de motivation ; qu'à titre subsidiaire, la délibération attaquée a été prise dans le cadre et en exécution d'une action globale de renouvellement urbain qui a fait l'objet de la délibération du 7 février 2002 du conseil municipal de la COMMUNE DE SAINT AUBIN LES ELBEUF ; que cette dernière délibération, d'une part, faisait état de la volonté de la commune de renforcer la cohérence urbaine en générant des équilibres entre l'habitat, l'animation économique, l'environnement et les équipements ou les services, afin d'apporter une nouvelle définition de devenir de l'espace environnemental de la ville et de sa co-existence avec d'anciennes friches industrielles, d'autre part, définissait le périmètre d'intervention pour mettre en oeuvre cette politique de renouvellement urbain, d'aménagement et d'amélioration de la qualité urbaine ; que la délibération attaquée se réfère expressément à la délibération du 7 février 2002 et vise tant le cadre de l'action globale de renouvellement urbain que la commune entend mener que le périmètre défini dans la délibération du 7 février 2002 ; que la commune n'avait, ainsi, pas l'obligation de motiver la délibération attaquée ; qu'à titre encore plus surabondant, la délibération précise, au surplus, que l'acquisition du « site Manopa », objet de la déclaration d'intention d'aliéner du 4 mars 2002, permettra à la commune de mettre en oeuvre les objectifs du contrat d'agglomération Elbeuf-Boucle de Seine auquel a adhéré la commune appelante ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré par télécopie le 21 octobre 2005 et régularisé par la production de l'original le 24 octobre 2005, présenté pour la société DL Cutting, qui conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la COMMUNE DE SAINT AUBIN LES ELBEUF à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient que, conformément à la jurisprudence du Conseil d'Etat, le conseil municipal de SAINT AUBIN LES ELBEUF, qui s'était dessaisi de sa compétence au profit du maire par délibération en date du

30 mars 2001, ne pouvait plus, par délibération en date du 7 février 2002, ni par celle du 29 avril 2002, déléguer l'exercice de son droit de préemption à l'établissement public foncier ; que dans l'hypothèse où la délibération du 30 mars 2001 aurait été ultérieurement rapportée en ce qui concerne la délégation au profit du maire, force est de constater que, par la délibération attaquée, le droit de préemption n'a pas été exercé par l'établissement public foncier ; que contrairement à ce que soutient la commune, la délibération attaquée ne constitue pas un simple avis favorable à l'exercice du droit de préemption par l'établissement public ; qu'ainsi, elle ne fait aucunement référence ni à l'article L. 324-1 du code de l'urbanisme, ni à la délibération du 29 mars 2002 de l'établissement public ; que la commune n'a fait état de cette dernière délibération qu'en appel ; que la délibération attaquée devait être motivée en application de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme ; qu'il a été établi que la délibération attaquée ne rappelle pas les dispositions de la délibération du 7 février 2002 ; que cette dernière ne contient pas, en tout état de cause, les informations élémentaires lui permettant de connaître et discuter utilement le projet exact en vue duquel la décision de préemption lui a été opposée ; que les informations apportées devant le juge par la commune ne sauraient permettre de considérer que la délibération attaquée est motivée ; que s'agissant de la légalité interne de la délibération, à la date du 19 avril 2002, aucun projet d'aménagement précis n'avait été défini par la COMMUNE DE SAINT AUBIN LES ELBEUF en ce qui concerne le site de Manopa ; qu'il semble en réalité que la ville ait saisi une opportunité foncière afin de réaliser une opération d'aménagement encore indéterminée ; que la délibération attaquée méconnaît, dans ces conditions, les dispositions de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré par télécopie le 4 mai 2006 et régularisé par la production de l'original le 5 mai 2006, présenté pour la COMMUNE DE SAINT AUBIN LES ELBEUF, qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ; elle soutient, en outre, que par la délibération du 7 février 2002, le conseil municipal a nécessairement décidé de rapporter, quant au périmètre dans lequel sont incluses les parcelles en cause, la délégation générale donnée au maire par délibération du 30 mars 2001, avant de déléguer à l'établissement public foncier, l'exercice du droit de préemption dans ledit périmètre ; que contrairement à ce que soutient la société, sur saisine de la commune, le président du Tribunal de grande instance de Rouen a ordonné la libération des lieux occupés, sans droit ni titre, par la société Herlitz ; que l'opportunité financière qu'aurait saisie la commune n'est pas une circonstance établie ;

Vu le mémoire, enregistré par télécopie le 17 mai 2006 et régularisé par la production de l'original le 19 mai 2006, présenté pour la société DL Cutting, qui conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 novembre 2006, à laquelle siégeaient Mme Christiane Tricot, président de chambre, M. Olivier Yeznikian, président-assesseur et Mme Agnès Eliot, premier conseiller :

- le rapport de Mme Agnès Eliot, premier conseiller,

- les observations de Me Levasseur pour la COMMUNE DE SAINT AUBIN LES ELBEUF,

- et les conclusions de M. Jacques Lepers, commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par le jugement attaqué, dont fait régulièrement appel la COMMUNE DE SAINT AUBIN LES ELBEUF, le Tribunal administratif de Rouen a annulé, à la demande de la société DL Cutting, la délibération du conseil municipal de la COMMUNE DE SAINT AUBIN LES ELBEUF en date du 19 avril 2002 aux motifs tirés, d'une part, de l'incompétence du conseil municipal de la commune à prendre la délibération en cause, d'autre part, de la violation des dispositions de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme ;

Sur le moyen tiré de l'incompétence du conseil municipal de la COMMUNE DE SAINT AUBIN LES ELBEUF :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes des 4 et 5èmes alinéas de l'article L. 324-1 du code de l'urbanisme : « Ils (les établissements publics fonciers) peuvent exercer, par délégation de leurs titulaires, les droits de préemption définis par le présent code dans les cas et conditions qu'il prévoit et agir par voie d'expropriation. Aucune opération de l'établissement public ne peut être réalisée sans l'avis favorable de la commune sur le territoire de laquelle l'opération est prévue. Cet avis est réputé donné dans un délai de deux mois à compter de la saisine de la commune » ; qu'il résulte de l'instruction que, par délibération en date du 7 février 2002, le conseil municipal de SAINT AUBIN LES ELBEUF a délégué à l'établissement public de Basse Seine l'exercice du droit de préemption urbain pour procéder, sur un périmètre défini de la commune, à l'acquisition de différentes parcelles ou emprises foncières industrielles ; que, par délibération en date du 19 avril 2002, le même conseil municipal a décidé « d'approuver l'exercice du droit de préemption urbain sur les parcelles AL 214, 228 et 528 (…) et de déléguer l'exercice de ce droit de préemption à l'établissement public de Basse Seine, qui agira en application de (sa) délibération en date du

7 février 2002 (…) » ; que contrairement à ce que soutient la commune, cette délibération, dont il ne résulte pas de l'instruction qu'elle ait été adoptée après que l'établissement ait saisi la commune d'un projet d'acquisition foncière par préemption, ne peut être regardée comme ayant eu pour seul objet de donner un avis favorable à une telle opération, dont l'initiative et la mise en oeuvre relevaient, aux termes de la délibération du 7 février 2002, de la compétence de l'établissement public de Basse Seine ; que, par la délibération en date du 19 avril 2002, le conseil municipal a entendu exercer le droit de préemption qu'il détient des dispositions du code général des collectivités territoriales et dans le cadre de celui-ci a délégué l'exercice de ce droit à l'établissement public à l'occasion de l'aliénation d'un bien ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 213-3 du code de l'urbanisme : « Le titulaire du droit de préemption peut déléguer son droit à l'Etat, à une collectivité locale, à un établissement public y ayant vocation ou à une société d'économie mixte répondant aux conditions définies au deuxième alinéa de l'article L. 300-4 et bénéficiant d'une concession d'aménagement. Cette délégation peut porter sur une ou plusieurs parties des zones concernées ou être accordée à l'occasion de l'aliénation d'un bien. Les biens ainsi acquis entrent dans le patrimoine du délégataire » ; qu'aux termes de l'article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales, applicable en l'espèce : « Le maire peut, en outre, par délégation du conseil municipal, être chargé, en tout ou en partie, et pour la durée de son mandat : -15°) D'exercer, au nom de la commune, les droits de préemption définis par le code de l'urbanisme, que la commune en soit titulaire ou délégataire, et, lorsque la commune en est titulaire, de déléguer l'exercice de ces droits à l'occasion de l'aliénation d'un bien selon les dispositions prévues au premier alinéa de l'article L. 213-3 de ce même code dans les conditions que fixe le conseil municipal » ; que, par une délibération en date du 30 mars 2001, le conseil municipal de SAINT AUBIN LES ELBEUF a délégué au maire de la commune, pour la durée de son mandat, compétence d'une part pour exercer, au nom de la commune, tous les droits de préemption définis par le code de l'urbanisme et, d'autre part, pour déléguer l'exercice de ces droits à l'occasion de l'aliénation d'un bien selon les dispositions prévues au premier alinéa de l'article L. 213-3 du code de l'urbanisme ; qu'ainsi, s'étant dessaisi de sa compétence au profit du maire de SAINT AUBIN LES ELBEUF, en l'absence de toute délibération distincte et préalable rapportant la délibération précitée du 30 mars 2001, le conseil municipal était incompétent pour déléguer, par délibération du 7 février 2002, à l'établissement public de Basse Seine (devenu l'établissement foncier de Basse Normandie) le droit de préemption dont le maire de SAINT AUBIN LES ELBEUF était titulaire ; que, contrairement à ce que soutient la commune, cette délibération ne pouvait être regardée comme constituant une abrogation implicite de la délibération du 30 mars 2001 attribuant au maire de la commune compétence pour exercer le droit de préemption sur le territoire communal ; que le conseil municipal n'était pas davantage, et en tout état de cause, compétent pour se substituer au maire, pour décider comme il l'a fait, par délibération en date du

19 avril 2002, de préempter les parcelles AL 214, 228 et 528, situées sur la COMMUNE DE SAINT AUBIN LES ELBEUF dont la société DL Cutting s'était portée acquéreuse ;

Sur le moyen tiré de la violation des dispositions de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme :

Considérant que, pour estimer que le moyen susmentionné était fondé, le Tribunal administratif de Rouen a retenu que la délibération du 19 avril 2002 ne mentionnait que des objectifs généraux qui ne faisaient pas apparaître de façon précise l'action ou l'opération en vue de laquelle le droit de préemption contesté avait été exercé ; qu'il y a lieu, par adoption des motifs du jugement attaqué sur ce point, d'écarter les moyens de la requête critiquant ce jugement en tant qu'il a estimé que la délibération en cause était insuffisamment motivée au sens des dispositions de l'article

L. 210-1 du code de l'urbanisme ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la COMMUNE DE SAINT AUBIN LES ELBEUF n'est pas fondée à se plaindre de ce que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rouen a annulé la délibération de son conseil municipal du 19 avril 2002 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la société DL Cutting qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à verser à la COMMUNE DE SAINT AUBIN LES ELBEUF la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des mêmes dispositions, de condamner la COMMUNE DE SAINT AUBIN LES ELBEUF à verser à la société DL Cutting la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la COMMUNE DE SAINT AUBIN LES ELBEUF est rejetée.

Article 2 :La COMMUNE DE SAINT AUBIN LES ELBEUF versera à la société DL Cutting la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la COMMUNE DE SAINT AUBIN LES ELBEUF, à la société DL Cutting et à l'établissement public foncier de Normandie.

Copie sera transmise au préfet de Seine-Maritime.

Délibéré après l'audience du 16 novembre 2006, à laquelle siégeaient :

- Mme Christiane Tricot, président de chambre,

- M. Olivier Yeznikian, président-assesseur,

- Mme Agnès Eliot, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 30 novembre 2006.

Le rapporteur,

Signé : A. ELIOT

Le président de chambre,

Signé : C. TRICOT

Le greffier,

Signé : B. ROBERT

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le Greffier

B. ROBERT

2

N°05DA00892


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : Mme Tricot
Rapporteur ?: Mme Agnès Eliot
Rapporteur public ?: M. Lepers
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS CONFINO

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3 (ter)
Date de la décision : 30/11/2006
Date de l'import : 04/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 05DA00892
Numéro NOR : CETATEXT000018003315 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2006-11-30;05da00892 ?
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