La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/12/2006 | FRANCE | N°01DA00740

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 5, 06 décembre 2006, 01DA00740


Vu la requête, enregistrée le 17 juillet 2001 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour Mme Michèle X, demeurant ..., par Me Kéré ; Mme X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0002242 du 4 mai 2001 par lequel le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 janvier 2000 du ministre de l'éducation nationale, lui infligeant la sanction du déplacement d'office, et à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 800 000 francs en réparation du préjudice causé par cette décision, av

ec intérêts de droit à compter de la date de sa demande ;

2°) d'annuler la...

Vu la requête, enregistrée le 17 juillet 2001 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour Mme Michèle X, demeurant ..., par Me Kéré ; Mme X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0002242 du 4 mai 2001 par lequel le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 janvier 2000 du ministre de l'éducation nationale, lui infligeant la sanction du déplacement d'office, et à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 800 000 francs en réparation du préjudice causé par cette décision, avec intérêts de droit à compter de la date de sa demande ;

2°) d'annuler ladite décision et de condamner l'Etat à lui verser la somme de 800 000 francs ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 80 000 francs au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que le Tribunal administratif a insuffisamment répondu au moyen tiré du défaut de motivation de l'arrêté attaqué ; que l'enquête réalisée n'a pas été objective, dès lors que certains documents qu'elle a produits n'ont pas été pris en compte dans le rapport de l'inspecteur général chargé de cette enquête ; que la présomption d'innocence, consacrée par l'article 6-2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'a pas été respectée, alors qu'elle s'applique aux sanctions disciplinaires ; que le refus opposé à sa demande de report de la séance du conseil de discipline entache d'irrégularité la procédure suivie, alors que la lettre du recteur sollicitant sa suspension, au demeurant injustifiée, lui a été notifiée moins de deux semaines avant sa comparution devant le conseil de discipline et qu'elle entendait soumettre à ce dernier les témoignages d'enseignants et d'interlocuteurs divers faisant état de la qualité des relations entretenues avec elle ; que l'avis motivé du conseil de discipline ne lui a pas été notifié, ni n'a été versé à son dossier professionnel avant le prononcé de la sanction ; qu'il n'est pas établi qu'un tel avis aurait été formulé ; qu'elle n'a jamais été informée des griefs retenus à son encontre ; qu'aucun fait précis ne fonde la sanction qui lui a été infligée ; que si elle a rédigé à l'identique pour des enseignants différents une quinzaine de rapports durant les années 1995 à 1997, cette circonstance, qui n'a pas soulevé de critiques de la part de l'inspection générale, ne suffit pas à justifier cette sanction ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 20 mars 2002, présenté par le ministre de l'éducation nationale, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que l'arrêté attaqué est régulièrement motivé ; que l'objectivité de l'enquête menée par l'inspecteur général ne fait pas de doute ; que le principe de la présomption d'innocence ne saurait s'appliquer à des procédures non-contentieuses ; que la demande de report du conseil de discipline était injustifiée, dès lors que la requérante avait été mise en mesure en temps utile de consulter son dossier et de préparer sa défense ; qu'aucun texte n'impose à l'administration de notifier, préalablement à l'intervention de la sanction, l'avis du conseil de discipline ; que cet avis a bien été formulé, le conseil de discipline s'étant prononcé à l'unanimité pour un déplacement d'office ; que la sanction est justifiée par des manquements graves et récurrents dans le domaine de l'inspection et de l'animation pédagogique ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 27 mai 2002, présenté pour

Mme X, qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ; elle soutient, en outre, que les considérations de fait qui motivent l'arrêté attaqué sont insuffisamment précises, alors que le dossier ne permettait pas d'en apprécier le contenu exact ; que les pièces versées au dossier ne permettent pas d'établir l'existence d'une faute ; que le préjudice moral et matériel subi est considérable, dès lors qu'elle a subi une atteinte à son honneur et est astreinte à un déplacement quotidien de 200 kilomètres, générateur de risques comme en témoigne l'accident dont elle a été victime le 21 février 2002 ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré le 6 septembre 2002, présenté par le ministre de l'éducation nationale, qui conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire par les mêmes moyens ; il soutient, en outre, que l'intéressée ne justifie ni du préjudice moral qu'elle invoque, ni du lien de causalité entre son accident et la décision litigieuse ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré le 18 décembre 2002, présenté pour

Mme X, qui persiste dans ses précédentes écritures par les mêmes moyens ; elle soutient, en outre, qu'elle a subi des troubles dans ses conditions d'existence, et, notamment, une dégradation de son état de santé ;

Vu la décision n° 275016 du 13 mars 2006 par laquelle le Conseil d'Etat, saisi d'un pourvoi en cassation de Mme X dirigé contre l'arrêt du 5 octobre 2004 de la Cour administrative d'appel de Douai rejetant sa requête, a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire devant la Cour administrative d'appel de Douai ;

Vu l'ordonnance du 9 mai 2006 portant clôture de l'instruction au 28 juillet 2006 ;

Vu le mémoire après cassation, enregistré le 29 juin 2006, présenté pour

Mme X, par la SCP Guillaume et Antoine Delvolvé ;

Mme X maintient l'ensemble de ses précédentes conclusions par les mêmes moyens et demande à la Cour de dire que les intérêts de la somme de 121 959 euros

(800 000 francs) seront capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts ; elle soutient, en outre, que le conseil de discipline, qui s'est prononcé le 8 décembre 1999, n'a pas émis d'avis motivé, en méconnaissance des dispositions de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 et de l'article 8 du décret du 25 octobre 1984 ; que l'arrêté du 7 janvier 2000 est insuffisamment motivé ; que le dossier qui lui a été communiqué était incomplet ; que les griefs retenus contre elle, concernant les rapports rédigés à l'identique ou établis sans inspection préalable, ne sont pas fondés ; que toute illégalité étant fautive, elle a droit à la réparation du préjudice que lui a causé la décision irrégulièrement prise par l'administration ; qu'elle a subi du fait de cette décision un préjudice de carrière qui peut être évalué à la somme de 91 469 euros, des perturbations de tous ordres dans ses conditions d'existence, justifiant l'octroi d'une indemnité de 15 244 euros, un préjudice, pouvant être évalué à 4 573 euros, tenant à l'impossibilité dans laquelle elle a été mise d'exercer un recours devant la commission de recours du conseil supérieur de la fonction publique ainsi qu'un préjudice moral qu'elle évalue à

10 671 euros ;

Vu le mémoire, enregistré le 18 juillet 2006, présenté par le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche ; le ministre conclut au rejet de la requête et à la confirmation de l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Douai du 5 octobre 2004 ; il soutient que Mme X a été informée, par la notification de la sanction, que le conseil de discipline avait rendu à l'unanimité un avis favorable à la sanction du déplacement d'office ; qu'aucun texte ne prévoit la communication d'un tel avis aux intéressés ; que l'arrêté du

7 janvier 2000 est suffisamment motivé ; que Mme X n'établit pas que la sanction a été fondée sur des pièces qui ne figuraient pas au dossier qui lui a été communiqué le

24 novembre 1999 ; que la sanction litigieuse, qui est motivée par des faits précis constitutifs de manquements professionnels, est proportionnée à l'importance de ces manquements ; que les préjudices invoqués par Mme X ne sont pas établis ;

Vu l'ordonnance du 8 août 2006 reportant la clôture de l'instruction au 29 septembre 2006 ;

Vu le mémoire, enregistré le 14 septembre 2006, présenté pour

Mme X qui persiste dans ses précédentes conclusions par les mêmes moyens ; elle soutient, en outre, que la persistance du ministre à ne pas produire l'avis de la formation disciplinaire prouve l'inexistence de cet avis ; qu'ainsi, l'obligation pour le conseil de discipline de rendre un avis motivé n'a pas été respectée ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 23 novembre 2006, présentée pour

Mme X ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;

Vu le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 relatif la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l'Etat ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 novembre 2006 à laquelle siégeaient M. Serge Daël, président de la Cour, M. Jean-Claude Stortz, président de chambre,

M. Alain Dupouy, président-assesseur, M. Albert Lequien et M. Alain de Pontonx, premiers conseillers :

- le rapport de M. Alain Dupouy, président-assesseur ;

- les observations de Me Delvolvé, pour Mme X ;

- et les conclusions de M. Pierre Le Garzic, commissaire du gouvernement ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

Considérant que, par un arrêté du 7 janvier 2000, la sanction disciplinaire du déplacement d'office a été prononcée à l'encontre de Mme X, inspectrice de l'éducation nationale affectée dans la circonscription de Reims IV ; que, par une décision du

13 mars 2006, le Conseil d'Etat, statuant sur le pourvoi en cassation formé par

Mme X contre l'arrêt du 5 octobre 2004 de la Cour administrative d'appel de Douai ayant rejeté sa requête, a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire devant la Cour ;

Considérant qu'aux termes de l'article 19 de la loi susvisée du 13 juillet 1983 : « Aucune sanction disciplinaire autre que celles classées dans le premier groupe par les dispositions statutaires relatives aux fonctions publiques de l'Etat, territoriale et hospitalière ne peut être prononcée sans consultation préalable d'un organisme siégeant en conseil de discipline dans lequel le personnel est représenté. L'avis de cet organisme de même que la décision prononçant une sanction disciplinaire doivent être motivés » ; et qu'aux termes de l'article 8 du décret susvisé du 25 octobre 1984 :

« Le conseil de discipline, au vu des observations écrites produites devant lui et compte tenu, le cas échéant, des déclarations orales de l'intéressé et des témoins ainsi que des résultats de l'enquête à laquelle il a pu être procédé, émet un avis motivé sur les suites qui lui paraissent devoir être réservées à la procédure disciplinaire engagée (…) » ;

Considérant que le procès-verbal de la séance du 8 décembre 1999 de la Commission administrative paritaire nationale des inspecteurs de l'éducation nationale siégeant en conseil de discipline se borne à faire état de la lecture du rapport de l'administration, des explications fournies par Mme X et son défenseur et des auditions du recteur de l'académie de Reims et de l'inspecteur d'académie, directeur des services départementaux de la Marne ; qu'il ne mentionne ni les faits retenus à l'encontre de l'intéressée, ni le sens du vote des membres du conseil de discipline ; que si la lettre du 7 janvier 2000 notifiant à l'intéressée la sanction infligée indique que le conseil de discipline avait formulé à l'unanimité un avis favorable à cette sanction, cette seule circonstance, alors que l'administration n'a pas communiqué d'autre document que le procès-verbal susmentionné, ne permet pas d'établir que ledit avis aurait été régulièrement motivé ; que, dans ces conditions, les dispositions susmentionnées de la loi du 13 juillet 1983 et du décret du

25 octobre 1984 qui imposent au conseil de discipline, après avoir rendu compte du déroulement de la procédure devant lui, d'émettre un avis motivé doivent être regardées comme ayant été méconnues ; que cette irrégularité entache d'illégalité la décision de déplacement d'office prononcée à l'encontre de la requérante ; que, par suite, Mme X est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 4 mai 2001, le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision ;

Sur les conclusions indemnitaires :

Considérant qu'en infligeant à Mme X la sanction du déplacement d'office au terme d'une procédure irrégulière, l'administration a commis une faute qui engage la responsabilité de l'Etat ; qu'il résulte, toutefois, de l'instruction que les faits reprochés à

Mme X, matériellement établis et consistant notamment dans l'établissement de rapports d'inspection identiques concernant des enseignants différents et de rapports d'inspection sans inspection préalable, étaient de nature à justifier le prononcé d'une telle sanction ; que, dans les circonstances de l'espèce, à défaut d'autre préjudice, il sera fait une juste appréciation du préjudice moral dont elle peut utilement se prévaloir du fait de l'irrégularité en la forme de la procédure suivie, en lui allouant à ce titre une somme de 2 000 euros, y compris tous intérêts échus au jour du présent arrêt ; que, dans cette mesure, Mme X est fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté ses conclusions à fin d'indemnité ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat le paiement à Mme X d'une somme de 2 000 euros au titre des frais que celle-ci a exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 002242 du 4 mai 2001 du Tribunal administratif d'Amiens est annulé.

Article 2 : L'arrêté du 7 janvier 2000 du ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie prononçant la sanction disciplinaire du déplacement d'office à l'encontre de

Mme X est annulé.

Article 3 : L'Etat est condamné à verser à Mme X une indemnité de 2 000 euros.

Article 4 : L'Etat versera à Mme X une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme X est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Michèle X et au ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Copie sera transmise au recteur de l'académie de Reims.

N°01DA00740 2


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Président : M. Couzinet
Rapporteur ?: M. Joël Berthoud
Rapporteur public ?: M. Le Garzic
Avocat(s) : KERE

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 5
Date de la décision : 06/12/2006
Date de l'import : 04/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 01DA00740
Numéro NOR : CETATEXT000018003413 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2006-12-06;01da00740 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award